Sombre Tilly de Georgia Bowers

  • Titre : Sombre Tilly  
  • Autrice : Georgia Bowers
  • Éditeur : Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantastique

Quand le roman Sombre Tilly fut annoncé par son éditeur, j’ai de suite été envoûtée par la couverture illustrée par Marcela Bolivar. Cette jeune fille étonnée par la tournure des événements alors qu’un roncier aux feuilles couleurs sang l’emprisonne symbolise parfaitement le retour de manivelle qu’elle se prend en pleine figure. Arrivera-t-elle à sortir de la situation périlleuse dans laquelle le mauvais sort l’a jetée ? Lecture réalisée pendant le PAC 2023 : Automne douceur de vivre — La dame chouette des îles bouillantes.

La magie laisse toujours des marques.

Toute sa vie, Matilda n’a entendu qu’une chose à propos de ses pouvoirs : de ne les utiliser qu’un cas de nécessité. Mais Matilda se fiche d’être une gentille sorcière. Elle veut être populaire, se venger de ceux qui l’embêtent et vivre sa vie libre de toutes conséquences, sans les cicatrices que la magie noire laisse sur son visage à chaque fois qu’elle en use, rappel de tous ses méfaits.

Quand un sort dérape et que le nouveau du lycée la prend sur le fait, Matilda craint que son secret ne soit révélé au grand jour. Mais au lieu de se montrer effrayé, Oliver lui demande de lui enseigner la sorcellerie. Et tandis qu’Oliver et Matilda se rapprochent, des choses étranges commencent à arriver : des animaux morts sont retrouvés avec des signes gravés sur le corps, une jeune fille décède mystérieusement et tout semble la pointer du doigt. Cependant, Matilda est innocente — du moins, si elle en croit ses souvenirs confus…

Je me suis plongée dans cette lecture, car j’avais besoin de noirceur. Le portrait esquissé dans le résumé de Sombre Tilly semblait répondre à ce critère. Une adolescente égoïste qui use de la magie noire sans avoir peur des conséquences ? Que demander de mieux qu’une graine de vilaine sorcière qui brave les lois de sa famille ? Malheureusement, les promesses que la quatrième de couverture m’avait faite miroitée n’ont pas été tenues.

Matilda est une jeune sorcière qui doit rejoindre un coven de sorcière au moment de son seizième anniversaire. Comme toute ado qui se respecte, elle se rebelle contre les règles. Elle ne veut ni en intégrer un ni distiller son savoir pour le bien. Elle use de sortilèges pour son propre profit. Or, blesser une personne à l’aide de la magie grave le méfait sur la peau éternellement. Mais voilà, notre charmante Tilly a de la chance. Elle est issue d’une famille qui peut contrer cette loi en dissimulant les cicatrices de la forme du prénom de la victime. Elle n’aurait pas dû connaître ce sortilège, mais son père lui a légué cette astuce volée avant de les quitter. Alors, elle en abuse sans penser aux conséquences. Sauf que les actes néfastes finissent toujours par vous revenir en pleine figure tel un boomerang acéré. 

Le comportement de Matilda témoigne d’une souffrance bien moins magique que l’on pourrait croire. Il ne s’agit pas d’une soif de puissance, de contrôle sur les autres, mais d’un moyen de surmonter ses blessures mentales. Les racines pourraient remonter jusqu’à Ivy, la légendaire sorcière que les citoyens de Gravewick ont balancée injustement au fond d’un puits pour purger le soi-disant mal qui rongeait la région. Cependant, c’est dans le passé de Tilly que naît le problème. Elle doit dissimuler ses pouvoirs, ce qui a impacté ses relations autant familiale qu’amitieuse. Comment réussir à construire une relation saine quand on ne peut vivre au grand jour sous son vrai visage et qu’un seul faux pas peut tout changer ? Grâce à de nombreux philtres, elle se lie temporairement à des ami.es. Toutefois, la magie ne crée que des liens superficiels qui finissent par la lasser. Elle vit dans cette incessante boucle de faire et défaire jusqu’au jour où Oliver entre dans sa vie. Pour une fois, quelqu’un s’intéresse à elle sans l’aide d’une potion et il connaît en plus son monde. Une nouveauté qui l’ébranle et la transforme en une simple adolescente que les hormones dominent. Vous vous en doutez, on va vite aller vers une romance qui va prendre bien trop de place dans l’histoire à mon goût, bien qu’elle soit utile à l’intrigue. J’ai levé les yeux aux plafonds à chaque fois que Matilda ne se sentait plus en apercevant un bout de tissu, de peau appartenant de son élève.

Bien qu’elle ne soit pas une sorcière accomplie, Tilly possède une grande expérience et maîtrise du monde magique vu qu’elle y baigne depuis son enfance. Elle enseigne deux trois petites choses à Oliver qui ne descend pas d’une lignée de sorcier.ères. Les interactions avec le jeune homme vont adoucir les blessures de Tilly, malgré l’angoisse générée par les meurtres en série.

L’histoire prend place quelques jours avant Halloween et son ambiance lugubre. Un décompte rythme les chapitres du roman aidant à poser le suspense. Les premières victimes sont des animaux, mais bientôt une fille les suit. Et pas n’importe laquelle bien entendu. L’anxiété étreint Matilda qui subit en plus des pertes de mémoire et fait de nombreux cauchemars.

Isolée, effrayée par la tournure des événements elle n’a que deux personnes vers qui trouver un peu de réconfort. Oliver et Nana May. Malheureusement, la deuxième ne parle plus et la communication s’avère difficile malgré la douceur des gestes de la grand-mère. Matilda refuse de demander de l’aide de Lottie, sa maman, qu’elle rejette depuis sa séparation avec son père.

Sombre Tilly n’est pas seulement une histoire d’amour et de magie corrompue. C’est aussi un récit qui exploite les différentes facettes de l’amitié. Le réconfort que ce sentiment apporte et les peurs qu’il engendre.  

En bref, Sombre Tilly met en scène une jeune sorcière dont les actes ont forgé sa propre solitude. Loin de la créature maléfique dépeinte dans le résumé, Matilda endosse le rôle de l’adolescente mal dans sa peau qui use de ses pouvoirs pour éviter de penser à la douleur. Manipulation et dissimulation rythment cette histoire qui témoigne de la puissance de l’héritage, de son poids et des responsabilités qui en découlent. Dommage que la romance a supplanté le suspense engendré par le mystère des meurtres.

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