Sorcière de chair de Sarah Buschmann

  • Titre : Sorcière de chair
  • Autrice : Sarah Buschmann
  • Éditeur : Noir d’Absinthe
  • Catégorie : horreur fantastique

Sorcière de chair est arrivé dans ma wishlist après la lecture de plusieurs chroniques dépeignant le coup de poing violent que ce récit décoche en pleine poitrine. Lors de ma première visite au Salon du Livre de Mons en 2022, je n’avais pu résister à la tentation de me le procurer malgré un budget serré. Je regrette de ne pas l’avoir sorti avant l’annonce de la fermeture de la maison d’édition Noir D’absinthe. J’espère que ce roman ne tombera pas dans l’ombre, enterré sous le désert aride du monde livresque.

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.

Pour Arabella Malvo, lieutenante de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?

Une chose est sûre : l’abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

Sorcière de chair est un roman qui se lit à la fois facilement et difficilement. Les pages défilent rapidement, pourtant, le contenu pourrait freiner plus d’un cœur fragile. L’autrice n’épargne rien, ni à sa protagoniste ni à ses lecteurices. Si vous souhaitez pénétrer dans cette enquête sanglante, vous êtes avertis ! Dès le prologue, elle nous met en garde. Elle dévoile au fil de son intrigue des comportements que l’on pourrait définir comme horribles, terrifiants, violents. Cependant, ces mots sont bien trop faibles pour décrire la cruauté et les ténèbres qui étouffent les personnages. On assiste à un jeu de domination, de manipulation, d’égoïsme, de pouvoirs. La vengeance gangrène chaque personnage tour à tour, la haine explose au visage d’Arabella, la transperce de part en part. Mais ne soyez pas dupe, même elle n’est pas un ange.

Si les révélations se devinent vite, l’histoire n’en reste pas moins captivante. La romancière dépeint une Australie qui craint les sorcières, car celles-ci ont le pouvoir de manipuler la conscience et la mémoire. La magie est fondée sur la neurologie et offre des contraintes intéressantes dans le développement du suspense et de l’enquête d’Arabella. Les forces et les faiblesses sont dosées pour emmener notre protagoniste sur le chemin cruel du passé. Des souvenirs qu’elle aurait préféré effacer à jamais de sa mémoire vont bouleverser la vie qu’elle n’a même pas réussi à reconstruire, et salir les espoirs, les morceaux d’humanités auxquels elle se rattachait.

Malgré ses actes, malgré les sévices qu’elle a subis, notre enquêtrice possède encore une lueur vacillante au fond de son cœur. Une lumière naïve qui la raccroche à cette terre qui l’a maudite depuis sa naissance. Sarah Buschmann la torture autant physiquement que psychologiquement. Elle l’écrase, l’enfonce dans l’abyme glacial du désespoir.

En bref, Sorcière de chair dépeint la perfidie de la vengeance. Ce serpent répand son venin, corrompt les âmes et noircit chaque cellule jusqu’à étouffer tout espoir. Sous ces airs d’enquête simple, l’autrice offre une histoire dont personne n’en ressortira indemne. Personnages et lecteurices.

Quand le trèfle et le papillon vacillent d’Eva Collin

  • Titre : Quand le trèfle et le papillon vacillent
  • Autrice : Éva Collin 
  • Éditeur : auto-édition
  • Catégories : tanche de vie, suspens

Rencontrée lors de la journée du livre à Romerée en mai, j’ai été intriguée par Quand le trèfle et le papillon vacillent et son autrice bienveillante. À l’approche du Salon du livre de Wallonie où elle était présente, je me suis dit qu’il était vraiment temps de le sortir de la pal, d’autant plus qu’il figurait dans mon Pumpkin Autumn Challenge (Automne rayonnant, Siúil a Rúin, Maureen).

Emily Robinson, psychiatre cartésienne, rencontre Daniel, doux rêveur fragilisé par un deuil.

Tout les oppose, sauf leurs origines irlandaises.

Un coup du destin ? Peut-être…

Un orage précipite Daniel au milieu de la famille d’Emily, quand le neveu de 4 ans de celle-ci disparaît dans les bois.

La peur réveille alors les secrets du passé.

Quelle malédiction paralyse le père d’Emily ?

Lors des battues dans la forêt à la recherche du petit Samy, quels étranges souvenirs viennent s’imposer à Daniel ? À moins que la réalité ne se mêle aux contes de fées que lui racontait sa grand-mère ?

Entre croyances et certitudes, entre vérités et mensonges, l’Irlande les appelle, là où tout a commencé !

Multipliant les points de vue, le roman nous entraîne entre passé et présent. Après un prologue intriguant concernant le père d’Emily, l’histoire prend des allures de romance. Un départ qui m’a fait un peu grincer des dents au vu de mon désamour pour le genre. Cependant, ce passage court relatant la rencontre entre Emily et Daniel était nécessaire pour tisser les premiers liens qui contribuent au développement d’un récit dont le rythme s’accélère avec la disparition de Samy. À partir de ce moment-là, il me fut difficile de lâcher le livre tant la tension et le mystère s’enracinaient dans mon esprit à la manière de la forêt qui s’est refermée sur le petit garçon. Cet événement inquiétant marque l’érosion des apparences et des souvenirs pour exposer les effets dramatiques des traumatismes sur le comportement des personnages, sur les barrières qu’ils ont érigées et les remèdes employés pour apaiser la douleur.

Démunie depuis sa plus tendre enfance face à la détresse de son père, Finn, Emily s’est tournée vers la psychanalyse en se spécialisant dans le stress post-traumatique. Cartésienne dans l’âme, elle va devoir faire une place aux croyances pour débloquer la situation. Elle y arrive grâce à Daniel qui ébranle ses convictions sur le destin et la chance. Adepte du contrôle, c’est dans le lâcher-prise qu’elle trouvera la solution. J’adore sa capacité à se mettre dans les chaussures des autres pour les comprendre et les aider réellement.

Doux et bienveillant, Daniel ne peut abandonner la famille lors de la disparition de Samy. Il participe activement aux recherches, ce qui déclenche un sentiment de déjà-vu. Des souvenirs refont surface. Les légendes racontées par sa tendre et défunte Nana dont il n’a toujours pas fait le deuil. La mélancolie et la tristesse imprègnent ses pas au début du roman. L’étincelle de la vie reprend quand il rencontre Emily. Malgré la douleur et l’incertitude du passé, il ne reculera devant rien pour déterrer les secrets. À travers son histoire, on ressent à quel point l’imagination possède un pouvoir cathartique puissant, même s’il n’est pas toujours bon d’effacer les mauvais événements.

Enfin, je parlerai de Finn, le père d’Emily. Le déclencheur de la course aux secrets. Celui qui incarne la victime transformée en bourreau. Un autre personnage le symbolise également par son passé, mais ce serait trop en dire l’évoquer. Le poids de la culpabilité le ronge au poids qu’il n’a plus voulu remettre les pieds en Irlande. Des années grignottées par le fatalisme, la malédiction et la négativité à cause de l’ignorance et le conditionnement.

Un conditionnement que je préfère chez Emily qui partage la pensée positive. Vous savez le fait d’imaginer une réussite, une victoire afin que celle-ci arrive plutôt que d’angoisser sur les possibles échecs ? Cette magie que nous devrions tous pratiquer pour que de bonnes choses croisent notre chemin et que nous accomplissions nos objectifs.

En bref, Quand le trèfle et le papillon vacillent est un roman choral d’une grande puissance émotionnelle. Imbriquant légendes irlandaises et traumatismes, il déterre les secrets de famille pour mieux guérir les blessures profondes de personnages attachants. 

Le dé à coudre de J. S. Piers

  • Titre : Le dé à coudre
  • Auteur : J.S. Piers
  • Éditeur : Éditions Panthère
  • Catégorie : thriller

Découvert grâce aux livres de Cass sur Instagram, j’ai profité de la présence de J.S. Piers à Romerée (un petit village avec une excellente brasserie non loin de chez moi) pour acquérir ce thriller intriguant. Malgré mon engouement pour le roman, je ne l’ai pas sorti dès son achat en mai dernier et j’ai bien fait ! L’état de mon cerveau ne m’aurait pas permis de suivre avec application cette histoire finement cousue de points complexes. Je l’ai lu dans le cadre du PAC dans le menu : Automne frissonnant — L’enfer des Backrooms.

Si vous receviez une enveloppe contenant un dé à coudre et un ticket de transport vous conviant à un mystérieux rendez-vous juste avant Noël, que feriez-vous ?

Michael, Baldwin, James, Allison, Arthur et Susan ne se connaissent pas et vivent aux quatre coins du globe. Poussés par la curiosité, tous les six répondront à cette même question en bousculant leur quotidien pour se rendre à Londres à 17 h précises, Thackeray Street.

Qui est l’expéditeur ? Pourquoi eux ?

Cette simple missive et ses conséquences les feront voyager jusqu’à l’autre bout de la Terre…

Lors de ma discussion avec l’auteur, celui-ci m’a glissé que Le dé à coude avait mis dix ans a à naître. Après l’avoir lu, je comprends pourquoi autant d’années furent nécessaires pour aboutir à ce roman étonnant. On suit six personnages venant du Canada, de Belgique, d’Angleterre, des USA et d’Australie. Rien ne semble les lier. Leur profil, leur origine et leur hobby les différents. Pourtant, un mystérieux maître de jeu a choisi de les rassembler pour accomplir une quête. Pourquoi ? Ont-ils des compétences spécifiques essentielles à la résolution de la mission ? Ou n’est-ce qu’une coïncidence ? Leur hôte a-t-il joué leur destin d’un jet de dé ?

Si vous réussissez à voir la trame et à répondre à toutes ces questions avant la fin, vous êtes un génie (ou dans le secret de l’auteur). L’intrigue débute comme un jeu de piste et d’énigmes qui n’est pas sans rappeler les œuvres de Dan Brown ou les collaborations de Eric Giacometti et Jacques Ravenne. La référence s’arrête à la fin de la première partie du livre. Le dé à coudre est savamment divisé en cinq chapitres qui peuvent se résumer en quelques mots : enquête, descente en enfer, intermède, hypothèse et dénouement.

Le rythme de croisière de ce thriller varie en intensité, mais ne laissera jamais vos neurones en paix. Surtout si, comme moi, vous êtes un. e lecteur.ice active et aimez jouer, car c’est ce que J. S. Piers fait avec nous. Il s’amuse à dérouler les fils de plusieurs bobines, à les tisser dans ce qui semble être une trame aléatoire, perturbante. Il floute les contours entre réalité et imaginaire, entre rêve et cauchemar. Une myriade de références sont citées, expliquées par les personnages qui ont de nombreuses connaissances. Histoire, littérature, archéologie, sciences, astronomies, mathématique, art… une abondance de concepts, de bibliographies, de faits, de croyances sont brodés ensemble. C’est la raison pour laquelle je me félicite d’avoir attendu d’être apte à lire ce thriller. Vu la profusion d’informations, je me suis, bien entendu, posé la question : est-ce que tout est nécessaire ou essaie-t-il juste de brouiller les pistes en nous noyant dans un flot quasi continu ? Tous les fils qu’ils tirent sont utilisés pour tisser la tapisserie de son intrigue. Un ouvrage dont on ne voit le dessin global qu’au dénouement.

N’ayez crainte de vous perdre dans ce labyrinthe d’érudition. Les personnages expliquent avec aisance ce qui pourrait être obscur aux non-initiés sans pour autant tomber dans l’effet Wikipédia. Je ne peux citer certaines références sous peine d’être accusée de divulgâcher des informations capitales, mais sachez qu’il m’a donné envie de me plonger davantage dans les œuvres qu’il a utilisées.

Si je devais vraiment trouver un défaut au premier roman de mon compatriote, ce serait l’effet de surenchères du savoir chez tous les personnages. Je suis quelqu’un qualifié de touche à tout, je ne me limite pas à un seul sujet de prédilection dans mes lectures et les documentaires que je regarde. C’est ce qui m’a poussé à choisir ma spécialisation dans la vraie vie. Cependant, j’ai tout de même tiqué à un moment donné quand une énième compétence est arrivée sur l’un des pions de cette histoire. J’avais un goût de ça commence à faire beaucoup, car cette ouverture d’esprit et d’horizon touche quasiment tous les personnages. Mais, clairement, c’est vraiment essayer de trouver un fil qui dépasse, accro embêtant. J

À travers le dé à coudre, J. S. Piers joue avec la notion de coïncidence. Il la soupèse, la décortique, la questionne, l’éclate et la reconstruit. Le hasard n’a décidément pas sa place dans cette histoire haletante et vertigineuse qui témoigne d’un travail monstrueux de recherche, d’analyse et d’édification ! Ce roman gomme la frontière entre réalité et imaginaire en nous projetant dans un dédale de références qui ne semblaient pas avoir de liens entre elles de prime abord.

Sombre Tilly de Georgia Bowers

  • Titre : Sombre Tilly  
  • Autrice : Georgia Bowers
  • Éditeur : Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantastique

Quand le roman Sombre Tilly fut annoncé par son éditeur, j’ai de suite été envoûtée par la couverture illustrée par Marcela Bolivar. Cette jeune fille étonnée par la tournure des événements alors qu’un roncier aux feuilles couleurs sang l’emprisonne symbolise parfaitement le retour de manivelle qu’elle se prend en pleine figure. Arrivera-t-elle à sortir de la situation périlleuse dans laquelle le mauvais sort l’a jetée ? Lecture réalisée pendant le PAC 2023 : Automne douceur de vivre — La dame chouette des îles bouillantes.

La magie laisse toujours des marques.

Toute sa vie, Matilda n’a entendu qu’une chose à propos de ses pouvoirs : de ne les utiliser qu’un cas de nécessité. Mais Matilda se fiche d’être une gentille sorcière. Elle veut être populaire, se venger de ceux qui l’embêtent et vivre sa vie libre de toutes conséquences, sans les cicatrices que la magie noire laisse sur son visage à chaque fois qu’elle en use, rappel de tous ses méfaits.

Quand un sort dérape et que le nouveau du lycée la prend sur le fait, Matilda craint que son secret ne soit révélé au grand jour. Mais au lieu de se montrer effrayé, Oliver lui demande de lui enseigner la sorcellerie. Et tandis qu’Oliver et Matilda se rapprochent, des choses étranges commencent à arriver : des animaux morts sont retrouvés avec des signes gravés sur le corps, une jeune fille décède mystérieusement et tout semble la pointer du doigt. Cependant, Matilda est innocente — du moins, si elle en croit ses souvenirs confus…

Je me suis plongée dans cette lecture, car j’avais besoin de noirceur. Le portrait esquissé dans le résumé de Sombre Tilly semblait répondre à ce critère. Une adolescente égoïste qui use de la magie noire sans avoir peur des conséquences ? Que demander de mieux qu’une graine de vilaine sorcière qui brave les lois de sa famille ? Malheureusement, les promesses que la quatrième de couverture m’avait faite miroitée n’ont pas été tenues.

Matilda est une jeune sorcière qui doit rejoindre un coven de sorcière au moment de son seizième anniversaire. Comme toute ado qui se respecte, elle se rebelle contre les règles. Elle ne veut ni en intégrer un ni distiller son savoir pour le bien. Elle use de sortilèges pour son propre profit. Or, blesser une personne à l’aide de la magie grave le méfait sur la peau éternellement. Mais voilà, notre charmante Tilly a de la chance. Elle est issue d’une famille qui peut contrer cette loi en dissimulant les cicatrices de la forme du prénom de la victime. Elle n’aurait pas dû connaître ce sortilège, mais son père lui a légué cette astuce volée avant de les quitter. Alors, elle en abuse sans penser aux conséquences. Sauf que les actes néfastes finissent toujours par vous revenir en pleine figure tel un boomerang acéré. 

Le comportement de Matilda témoigne d’une souffrance bien moins magique que l’on pourrait croire. Il ne s’agit pas d’une soif de puissance, de contrôle sur les autres, mais d’un moyen de surmonter ses blessures mentales. Les racines pourraient remonter jusqu’à Ivy, la légendaire sorcière que les citoyens de Gravewick ont balancée injustement au fond d’un puits pour purger le soi-disant mal qui rongeait la région. Cependant, c’est dans le passé de Tilly que naît le problème. Elle doit dissimuler ses pouvoirs, ce qui a impacté ses relations autant familiale qu’amitieuse. Comment réussir à construire une relation saine quand on ne peut vivre au grand jour sous son vrai visage et qu’un seul faux pas peut tout changer ? Grâce à de nombreux philtres, elle se lie temporairement à des ami.es. Toutefois, la magie ne crée que des liens superficiels qui finissent par la lasser. Elle vit dans cette incessante boucle de faire et défaire jusqu’au jour où Oliver entre dans sa vie. Pour une fois, quelqu’un s’intéresse à elle sans l’aide d’une potion et il connaît en plus son monde. Une nouveauté qui l’ébranle et la transforme en une simple adolescente que les hormones dominent. Vous vous en doutez, on va vite aller vers une romance qui va prendre bien trop de place dans l’histoire à mon goût, bien qu’elle soit utile à l’intrigue. J’ai levé les yeux aux plafonds à chaque fois que Matilda ne se sentait plus en apercevant un bout de tissu, de peau appartenant de son élève.

Bien qu’elle ne soit pas une sorcière accomplie, Tilly possède une grande expérience et maîtrise du monde magique vu qu’elle y baigne depuis son enfance. Elle enseigne deux trois petites choses à Oliver qui ne descend pas d’une lignée de sorcier.ères. Les interactions avec le jeune homme vont adoucir les blessures de Tilly, malgré l’angoisse générée par les meurtres en série.

L’histoire prend place quelques jours avant Halloween et son ambiance lugubre. Un décompte rythme les chapitres du roman aidant à poser le suspense. Les premières victimes sont des animaux, mais bientôt une fille les suit. Et pas n’importe laquelle bien entendu. L’anxiété étreint Matilda qui subit en plus des pertes de mémoire et fait de nombreux cauchemars.

Isolée, effrayée par la tournure des événements elle n’a que deux personnes vers qui trouver un peu de réconfort. Oliver et Nana May. Malheureusement, la deuxième ne parle plus et la communication s’avère difficile malgré la douceur des gestes de la grand-mère. Matilda refuse de demander de l’aide de Lottie, sa maman, qu’elle rejette depuis sa séparation avec son père.

Sombre Tilly n’est pas seulement une histoire d’amour et de magie corrompue. C’est aussi un récit qui exploite les différentes facettes de l’amitié. Le réconfort que ce sentiment apporte et les peurs qu’il engendre.  

En bref, Sombre Tilly met en scène une jeune sorcière dont les actes ont forgé sa propre solitude. Loin de la créature maléfique dépeinte dans le résumé, Matilda endosse le rôle de l’adolescente mal dans sa peau qui use de ses pouvoirs pour éviter de penser à la douleur. Manipulation et dissimulation rythment cette histoire qui témoigne de la puissance de l’héritage, de son poids et des responsabilités qui en découlent. Dommage que la romance a supplanté le suspense engendré par le mystère des meurtres.

Les brumes affamées de Dawn Kurtagich

  • Titre : Les brumes affamées
  • Autrice : Dawn Kurtagich
  • Éditeur : Les éditions du Chat noir
  • Catégorie : horreur fantastique

J’ai lu Les brumes affamées dans le cadre du PAC 2023 (Automne rayonnant. L’esprit indomptable de Jo March). Ayant apprécié The Dead House, j’ai profité des promotions aux Éditions du Chat noir pour me le procurer. Les thématiques sur la sorcellerie et le féminisme ont bien entendu joué un rôle important dans ce choix et la sélection du roman dans le PAC.

De nos jours. Zoey, obsédée depuis toujours par les ruines de Mill House qui semblent avoir un lien avec l’amnésie de son père, fugue avec son meilleur ami pour y mener l’enquête. Sur place, des événements étranges les font douter. Sont-ils seuls ? En danger ? D’autant plus que personne ne sait qu’ils sont ici…

1851. Roan emménage à Mill House pour y vivre avec son nouveau tuteur après le décès de son père. Elle y fait la rencontre d’autres orphelins. Mais quand elle comprend qu’elle est liée à un ancien secret, elle décide de s’échapper avant qu’il ne soit trop tard… Avant que les brumes ne se referment complètement autour du manoir.

1583. Hermione, jeune mariée, accompagne son époux dans les terres sauvages du nord du Pays de Galles où il a prévu de construire une maison et un moulin à eau. Mais bientôt, des rumeurs concernant des rituels démoniaques se propagent…

3 femmes, 3 époques différentes, toutes liées par un Pacte impie. Un pacte signé par un homme qui, plus de mille ans plus tard, est peut-être encore là…

Nous suivons les trois protagonistes de façon inégale. Alors qu’on aurait pu penser lire une enquête du présent sur les événements passés, c’est le fil de Roan qui a le plus d’ampleur dans le roman (qui, au passage, a fait l’objet d’un magnifique travail éditorial autour du texte et en interaction avec celui-ci). Endeuillée par la perte de son père, elle se rend à Mill House pour y rejoindre son nouveau tuteur : le Dr Maudley. Elle y rencontre sur place les autres pupilles : Emma, Seamus et Rapley. Alors que le brouillard se lève, rendant la montagne de plus en plus austère à leur fuite, d’étranges phénomènes se produisent.

Nous découvrons une femme déterminée, intelligente qui porte le poids d’un passé incohérent. Élevée dans une bonne famille, elle est fière et bien éduquée. Cependant, elle ne supporte ni le corset qui l’empêche de respirer ni la crinoline qui lui sert de cage et elle le montre à plusieurs reprises avec dignité. Si ces répliques sont délicieuses, Emma la surpasse par son franc-parler de campagnarde dont les manières n’entravent pas la langue. J’ai apprécié dès le départ l’Irlandaise pour sa simplicité et son tempérament.

Zoey est séparée de son père atteint d’Alzheimer. Elle se lance sur les traces de son dernier voyage avec la fervente conviction que Mill House détient la clé du problème. Car sa maladie n’est pas naturelle. Elle est obnubilée par sa quête. L’adolescente raconte son récit via trois médiums qui rendent ses chapitres dynamiques et à double perception. Le journal intime nous livre ses pensées brutes et la manière dont elle a vécu les épisodes du récit. La vidéo quant à elle nous permet de prendre du recul sur Poulton et les personnages qui gravitent autour de Zoey grâce à la neutralité de la narration. Lorsqu’elle est séparée de son ami, le SMS fait son entrée. J’ai été subjuguée par l’habilité de l’autrice à utiliser les messages. En quelques mots (dans les premiers chapitres consacrés à Zoey), elle marque l’attachement et construit la relation de ses deux personnages avec brio. On voit direct à quel point ils sont proches. Elle arrive également à développer une tension lors des échanges.

Enfin, Hermione apparaît ci et là à travers une page de son journal qui raconte son quotidien peu amène de jeune mariée. Une union qui l’emporte sur le sommet d’une montagne d’ardoise à cause du rêve fou de son époux.

Ces trois fils se rejoignent au cours d’une histoire plus atmosphérique que structurée. L’image de la brume est en ce point favorable à décrire cette sensation. Elle brouille la vision, une partie est visible, on bouge et hop, on voit autre chose qui ne semble pas avoir de lien avec la précédente. C’est l’impression que la succession des scènes au sein de l’acte de Roan m’a donnée. Le mystère et l’ambiance prennent le pas sur le lien entre les épisodes. Les transitions sont parfois saccadées, incertaines. On doute, on se questionne. La folie n’emporte pas que les protagonistes. Elle nous pousse à tourner les pages pour connaître le dénouement telle une fièvre démoniaque. Elle a été le moteur de mon intérêt vu que je n’ai pas été particulièrement touchée par les personnages principaux.

En bref, Les brumes affamées nous conte le récit de trois femmes issues d’époque différente malmenées par la folie, la crainte et la haine. Ce roman atmosphérique mêle des figures féminines fortes qui se débattent contre le mal et contre elle-même. Je regrette juste de ne pas m’être attachée à elles.  

Une mort sans fin (Cassylyna, tome 2) de S.A. William

  • Titre : Une mort sans fin (Cassylyna, tome 2)
  • Autrice : S.A. William
  • Éditeur : Livr’s Editions
  • Catégorie : fantastique

Quand mon envie de lecture se bat avec la fatigue, je pioche généralement un manga. Sauf que cette fois-là, je désirais lire un roman et quoi de mieux qu’une valeur sûre, une comédie fantastique pour surmonter ce mauvais moment ? Cassylyna pourrait bien être devenue ma détective spectrale préférée. Que nous réserve sa nouvelle aventure dans l’entre-deux ?

Cassylyna aurait aimé profiter d’une retraite paisible après avoir formé avec brio son premier Nécromant.

Hélas pour elle, les Hautes Instances ne sont pas de cet avis : elle devra continuer sa mission tout en intégrant un centre de formation pour surnaturels. Hors de question de laisser sa puissance brute sans contrôle…

Avec toute la mauvaise volonté que nous lui connaissons, Cassylyna va donc faire son entrée au milieu des TWIG. Mais même dans le camp des gentils, elle ne pourra pas s’empêcher de flotter là où il ne faut pas…

J’ai adoré retrouver le fantôme le plus cynique et égoïste de la Terre à côté de son ami avide d’aventure, mais froussard. Alors qu’elle pensait être tranquille après ses mésaventures du tome 1, Cassy se voit attribuer une nouvelle nécromante et obliger de rejoindre une école pour surnaturels (TWIG) afin de contrôler ses pouvoirs. Elle est un cas unique dans le monde.

Sa protégée Camille enchaîne les petits boulots et vit dans une chambre de bonne chez une vieille dame dont elle s’occupe. Méticuleuse, rigoureuse, elle ne recule devant rien pour remplir son compte en banque, ce qui met Cassy dans une situation peu banale envers Alvass, notre vampire dont tous les secrets n’ont pas encore été percés. Une fois le contrat passé, Camille s’implique à fond dans ses missions, sans négliger ses autres jobs, au point d’avoir recours à des idées incroyables pour atteindre ses objectifs. Elle n’a pas froid aux yeux.

Parallèlement, Cassy s’investit à contrecœur dans les cours dont les matières sont pour le moins originales. Figurez-vous que notre asociale doit suivre des leçons de sociabilisation. Ricky rigole bien devant l’air déconfit de son amie. D’autant plus lorsqu’il use de ses propres armes pour la pousser à accomplir les tâches assignées. Cassy ne peut résister au bon sens de sa conscience spectrale et encore moins à la bienveillance de sa gargouille de compagnie. Pourtant, elle ne s’adoucit pas pour autant. Elle a toujours du répondant, une langue aiguisée et un cynisme mordant. Par moment, ses répliques sont même trash. Âme et vampire sensibles abstenez-vous !

Le thème de la grossophobie revient sur le devant de la scène dans ce second roman avec l’école pour décor. Quand elle est témoin de harcèlement, notre détective se précipite pour aider Dagmar malgré la douleur des souvenirs qui ressurgissent. Ces comportements odieux font partir de ceux que le directeur Tancred souhaiterait anéantir. Il veut l’unité des surnaturels qui se font la guerre depuis des siècles. Bien entendu, tout le monde n’est pas en accord avec ce vœu.  

Nous suivons donc plusieurs fils d’intrigue dont Cassy doit s’occuper malgré le peu de volonté qui l’anime. Sa curiosité l’emportera toutefois vers cette aventure qui nous plonge dans les légendes locales.

En bref, j’ai adoré retrouver Cassy et Ricky dans Une mort sans fin. Ce roman brise les codes héroïques avec cynisme grâce à sa protagoniste hors norme. L’autrice dévoile un peu plus son univers surnaturel en déterrant le folklore et les querelles ancestrales pour notre plus grand plaisir. Lire les enquêtes de Cassylyna, c’est comme manger du chocolat, celui dont le cœur croustillant pétille sur la langue. 

Comme toi de Lisa Jewell

  • Titre : Comme toi
  • Autrice : Lisa Jewell
  • Éditeur : Hauteville
  • Catégorie : thriller

Bien avant l’ouverture de ce blog, au moment où je me replongeais dans la lecture de roman après mes études universitaires, je m’étais inscrite sur Goodreads pour participer au challenge annuel pour lequel il est reconnu. Je suivais assidûment les sorties littéraires anglo-saxonnes chaque mois. C’est à cet instant que Comme toi de Lisa Jewell a attiré mon attention. Engloutie dans ma wishlist, je ne l’avais toujours pas acheté lorsque je me suis tournée vers les auteur.ices moins connu.es. L’Op All Stars 2023 fut l’occasion de me le procurer, car il suscitait encore de l’intérêt malgré cette poignée d’année.

Laurel est dévastée quand sa fille, Ellie, disparaît. Des années plus tard, elle rencontre un homme, Floyd, dont elle tombe amoureuse. Ce nouveau bonheur vacille lorsqu’elle voit son enfant : Poppy qui ressemble étrangement à la sienne.

Ce thriller est découpé en cinq parties. La première nous plonge dans le passé juste avant l’enlèvement d’Ellie et la découverte de ses ossements des années plus tard. Les suivantes entrent dans le vif du sujet. Mon avis sur ce roman est plutôt mitigé. Le début est vraiment long et donne trop d’indices sur la suite des événements. Cependant, j’ai continué à tourner les pages, avide de connaître le fin mot de l’histoire. En définitive, j’ai surtout apprécié la narration de la personne qui a enlevé Ellie alors que celle de Laurel m’a ennuyée. J’ai sans doute été aiguillée sur le mauvais chemin par mes préjugés.

En lisant le résumé, je m’attendais à devenir le témoin de l’instabilité d’une mère devant une enfant qui ressemble autant par ses traits que par ses manies à sa fille disparue à jamais. Il y a bien certains épisodes où elle les confond, mais Laurel garde un sang-froid qui tranche avec la Laurel du passé qui avait développé une certaine parano à la perte de la chair de sa chair. Une perte qui a éclaté le noyau familial en raison de son comportement. Tournant le dos à son mari dont la gentillesse l’agace, à sa seconde fille, Hanna, elle incarne l’angoisse, le chagrin et la ténacité d’une femme déterminée à retrouver son enfant.  

En rencontrant Floyd peu de temps après que les ossements ont été déterrés, Laurel se reconstruit. Elle réapprend le goût de la vie, une vie qui est de nouveau bousculée à la vue de Poppy. La gamine de 9 ans est en avance sur son âge. Elle parle comme une adulte polie et porte un regard pessimiste sur l’humanité et la vie. Un état d’esprit déroutant qui suscite de nombreuses interrogations. Sans aborder sa ressemblance étrange avec Ellie, ce qui rend suspect Floyd.

Dès les premières pages où il apparaît, je n’ai pas apprécié ce mathématicien usant d’humour et de légèreté pour draguer Laurel. Sans pour autant avoir deviné le rôle exact qu’il jouait derrière cette sordide histoire, mes antennes féministes se sont dressées devant son charme et son insistance à vouloir rendre le sourie à Laurel. Le dénouement que propose l’autrice vis-à-vis de ce personnage ne m’a pas plu.

Le second homme présent dans le roman de Lisa Jewell ne m’a pas envoûtée pour d’autres raisons. Des causes similaires à celles ressenties par Laurel après la disparition d’Ellie. Paul est chaleureux et toujours sociable. Aucune rancœur ne ternit son cœur malgré le comportement de son ex-femme. Un extra-terrestre en gros ! C’est le mot qui m’est venu à plusieurs reprises.

Deux personnages féminins remportent la palme de mon appréciation : Ruby, la maman de Laurel qui est attachante en dépit de sa maladie et Hanna. La sœur d’Ellie est franche, directe, bosseuse et semble avoir peu d’amis. Si sa relation avec sa mère est tendue, elle la tient en estime. C’est touchant malgré ce qu’elle a vécu. D’autant plus quand elle ouvre les yeux de sa mère sur la reconstruction personnelle qu’elle est en train d’opérer. Hanna met l’accent sur le fait que sa maman change par choix interne et non grâce à un homme.     

Comme toi aborde le sujet délicat d’une famille brisée par la disparition d’une adolescente, mais aussi l’après. Ce moment au cours duquel la plaie se referme et le temps d’avancer à nouveau arrive. Cette histoire expose des faits sordides et des psychologies violentes. Des obsessions, une pénitence, des rédemptions, des choix délicats pour l’avenir. Le tout est servi par une écriture très basique et scolaire dans son schéma. Cependant, les interactions entre les personnages sont dynamiques.

En bref, ma lecture de Comme toi fut en demi-teinte. Le début s’éternise à brosser un contexte qui aurait pu faire plus de place au plat de résistance. D’autant plus que trop d’indices sont visibles pour un esprit perspicace. Toutefois, l’autrice maîtrise la psychologie des âmes torturées (sauf pour Laurel qui est trop fade et droite dans ses bottes à mon goût), ce qui offre une fin émouvante et dix fois plus efficace que le premier tiers de ce roman qui propose une manière de rebondir après avoir vécu l’horreur.   

Ironie du sort (Cassylyna, #1) de S.A. William

  • Titre : Ironie du sort (Cassylyna, #1)
  • Autrice : S.A. William
  • Éditeur : Livr’S Édition
  • Catégorie : fantastique

Cela faisait un moment qu’Ironie du sort traînait dans ma pal. L’annonce de la sortie du second tome l’a précipité entre mes mains. Il faut dire aussi qu’un peu d’humour après ma lecture précédente était le bienvenu.

Cassylyna passe de l’autre côté. Et pas, n’importe quel côté ! Celui qu’elle fuyait le plus de son vivant : le monde des fantômes. Propulsée à la fonction de formatrice en Nécromant, elle rencontre Ricky qui lui donne un coup de main quand une histoire inquiétante arrive à leurs oreilles. Alors qu’elle préférerait rester auprès de Murphy, son chat, et oublier toute cette histoire, Cassy endosse le rôle de sauveuse.

J’ai adoré ce roman. Déjà son héroïne ou plutôt anti-héroïne est rafraîchissante. Cassy n’aimait pas les gens de son vivant. Cette asociale et égoïste ne devient pas angélique sous la menace des instances de l’au-delà. Elle recherche son premier protégé avec des pieds de plomb, mais prend peu à peu goût aux pouvoirs et aux possibilités que son statut de fantôme lui confère. Cynique, elle fait également dans l’autodérision.  Sa langue use de sa corpulence (elle est grosse) pour fermer le clapet des gens. Les jeux de mots sont excellents. Bon, cela fonctionne sur des personnes ayant un minimum de conscience et de capacité à culpabiliser. Toutefois, cela fait du bien de voir une femme jouer avec son corps sans honte, de la voir prendre le devant de la scène, de saisir la place qu’elle mérite dans la société (même fantomatique).

Ainsi les thèmes de la grossophobie et de l’acceptation de soi sont exploités d’une manière inédite. Avec un personnage féminin fort de son corps et fier d’être ce qu’elle est, et non par l’image d’une fille qui subit le regard méchant des autres sur son poids et qui va s’en émanciper.

Si son caractère la rend imbuvable pour la majorité des gens, elle séduit de suite Ricky qui devient un mentor et un allié de taille, ou pas, vu sa couardise. Ce spectre l’entraîne à accomplir sa mission pour des idéaux dignes d’un super héros. Il souhaite vivre de folles aventures. Pourtant, le courage lui manque à de multiples reprises. Il n’en reste pas moins adorable pour sa gentillesse et son rôle de Jiminy Cricket.

Le troisième personnage captivant de cette enquête savoureuse est un vampire féru d’histoire. Alvass a un côté protecteur et fidèle malgré le cynisme qu’il dégage. Il maintient une distance avec les autres tout en jouant de ses charmes.

Ce trio original affronte des créatures bizarres, étranges, uniques, répugnantes, voire grotesques, jusqu’à dénouer le nœud du problème qui révèle le côté sombre d’un sentiment que l’on croit pur et sain.

Cassylyna étant la narratrice, on n’a aucun filtre sur ses pensées. Elle décrit les scènes avec justesse et franchise (la sienne bien sûr). Le cynisme colore les phrases avec délice. Les dialogues entre elle et ses deux compagnons sont alléchants pour qui apprécie ce type d’humour.

En bref, j’ai adoré le premier tome de Cassylyna. Ironie du sort nous offre une héroïne décomplexée, hors-norme et à la langue bien pendue. Bien qu’elle rechigne à endosser le rôle qu’on lui a assigné, elle finit par se démener, ce qui nous donne une aventure truculente et rocambolesque dans les rues de Clermont-Ferrand.

Le palais des illusions (Paris des Limbes) de C.C. Mahon

  • Titre : Le palais des illusions (Paris des Limbes)
  • Autrice : C.C. Mahon
  • Éditeur : Allure Éditions (auto-édition)
  • Catégorie : fantastique

Le palais des illusions fait partie de la série Paris des Limbes dont j’avais chroniqué le premier tome Le codex de Paris un an auparavant. Ce nouveau roman sorti le 15 mai 2023 se déroule en 1900. Vous pouvez lire ce prequel indépendamment des deux autres tomes déjà paru. D’ailleurs, je n’ai pas encore lu Un Casse en enfer. Si j’avais apprécié l’enquête surnaturelle de Germain Dupré comme une lecture divertissante, j’ai adoré Le palais des illusions qui m’a emprisonné entre ses pages. Je remercie C.C. Mahon pour sa confiance.

1900. Paris présente l’exposition universelle pour la cinquième fois. Kiyoshi y œuvre comme secrétaire du commissaire Legall et faussaire pour le compte de son oncle Masao. Cali, une jeune Rromni, danse pour le plaisir des yeux et pour nourrir sa famille. Ils appartiennent à deux mondes distincts. Pourtant, un meurtre les amène à croiser leur chemin. Lorsque l’acariâtre Agrippine Martin est balancée par-dessus le garde-fou du tapis roulant, c’est la mère de Cali qui est accusée. Devant préserver les secrets de ses employeurs, Kiyoshi garde à l’œil la Bohémienne déterminée à disculper Mama.

Ce roman nous transporte à la charnière des siècles. À la Belle Époque où les Dames défilent en longue robe corsetée et les hommes dirigent en costume austère. Une ère pendant laquelle les cultures s’entrechoquent dans cette période où l’innovation et l’ingénierie semblent sans limites, un moment durant lequel le paraître règne, surtout quand il s’agit de montrer la gloire d’un pays. C’est ce qu’incarne l’exposition universelle où les décors en papier mâché offrent une image idéalisée de contrées lointaines. Une illusion trop propre, éloignée de la réalité, car elle associe des éléments folkloriques sans respect pour l’authenticité des lieux d’origine. Pourtant, ces portraits attirent, remodèlent les pensées et bousculent la créativité des autochtones.

Dès le XIXe siècle, le choc culturel provoque de l’émulsion, de l’adoration pour les civilisations lointaines. Les Européens s’approprient, souvent mal, les objets, vêtements, traditions qui les envoûtent par leurs exotismes. Cette attitude exaspère profondément Kiyoshi. Celui-ci voit l’envers du décor invraisemblable, les conditions de vie des « acteurs » de cette scène internationale, surtout quand Madame Martin s’en prend à eux pour une question de loyer non payé.

Peu commode, voire imbuvable en raison de son avidité, Agrippine Martin a une liste d’ennemis (et de susceptibles assassins) bien trop longue pour nos deux protagonistes. Son bourreau est facilement identifiable, même si nous n’avons pas toutes les cartes en main à propos des mobiles. Qu’est-ce qui t’a maintenu en haleine tout au long du récit si ce n’est pas l’enquête ? me direz-vous sans doute. La réponse est simple : Cali et Kiyoshi. Leurs personnalités, leur rencontre, leur relation, l’évolution de leur histoire m’ont captivée. Une romance slow burn se développe avec une lenteur qui ne plaira peut-être pas aux amateurs du genre, car tous est édulcoré et délicat. Ce sont des réactions, des paroles, des réflexions qui parsèment le livre au fil des pages. C’est une rencontre entre deux êtres diamétralement opposés qui rêvent de vivre de manière authentique envers soi-même. Un choc entre deux cultures. Une Rromni, marginalisée par son statut, qui apprivoise un Japonais serré dans un étau de pessimisme à cause de son vécu et de la maltraitance de Masao. Kiyoshi désire au plus profond de lui la liberté. Il envie la franchise de Cali dont les émotions éclatent au grand jour sans filtre. Pourtant, elle possède aussi des secrets qui brident ses envies. Le poids des traditions enclave ses désirs. Des lois séculaires qui élèvent des barrières entre les peuples et engendrent des parias. Sa famille étant la chose la plus importante dans sa vie, Cali devra affronter ses craintes et trouver un équilibre entre son cœur et son esprit.

Notre petite bohémienne est un personnage fort, vivant, authentique, brisant les préjugés avec bravoure malgré les difficultés rencontrées par son statut de nomades et de femmes. Rappelons-le, cette période n’est pas charmante avec la gent féminine. Si celle-ci se bat pour ses droits et acquiert des postes dans des métiers réservés à la base aux hommes (nous avons ici le bel exemple d’Adeline Mercier, reporteresse à la Gazette des finances [oui, oui, des finances]), le patriarcat assied son oppression et façonne des comportements et des visions construites de toutes pièces tels l’homme est fort et la femme un être frêle. D’abord protecteur, Kiyoshi se rend compte qu’il est bien plus faible que la demoiselle qui se relève malgré l’angoisse et les coups durs, alors que lui grogne entre ses dents, caché dans sa tanière intérieure.

C.C. Mahon nous offre un roman riche en émotions dans un cadre maîtrisé. Les recherches minutieuses sur le contexte, l’exposition universelle, les développements urbains, etc. sont palpables dans les décors, l’émerveillement de Cali, l’exaspération de Kiyoshi, les éléments qui semblent anodins sans l’être. Elle y incorpore avec soin, sans que ça jure avec ce paysage la magie bohémienne et nippone. Les superstitions et le folklore s’invitent avec naturel. Ils servent l’évolution de nos personnages et de l’histoire.

En bref, Le palais des illusions nous embarque aux portes d’un nouveau siècle où les différences s’entrechoquent, s’affrontent et s’entremêlent pour donner une meilleure version de deux âmes désirant vivre sans masque ni secret dans une société où le paraître et les règles patriarcales dominent. Ce roman montre le pouvoir libérateur que l’ouverture d’esprit et la compréhension de l’autre peuvent engendrer.  

Faites vos jeux de Julia Richard

  • Titre : Faites vos jeux
  • Autrice : Julia Richard
  • Éditeur : Éditions du Héron d’Argent
  • Catégorie : Thriller

J’ai exhumé Faites vos jeux de ma pal pendant l’automne, où il attendait depuis la Foire du livre de Bruxelles de 2019. Il s’agit de ma première lecture de la ME le Héron d’Argent.

Huit personnes se réveillent autour d’une table. Attachées à une chaise, les yeux bandés, elles apprennent le destin funeste qui les attend. Elles sont enfermées dans une maison close. Seul deux d’entre elles pourront sortir. Parmi elles, un loup détient une partie du code. Le pire ? Elles ont toutes un détonateur inséré dans le cœur. Une télécommande qui confère aussi un pouvoir précis qu’elles devront découvrir grâce aux boîtes qui ne s’ouvrent qu’à certaines conditions.

Ce roman reprend les bases de tout huis clos appelant au meurtre pour survivre. Pourtant, il s’en détache par les comportements des personnages. Contrairement à d’habitude, je ne vais pas m’attarder sur les psychologies et l’évolution de ceux-ci en raison de la construction de la narration qui est multiple. Ce thriller est partagé en huit sections, sous-divisées en chapitre. Une partie égale un joueur. Ce choix nous fait découvrir les pensées intimes du narrateur et le portrait qu’il dresse de ces malheureux colocataires. Si les identités sont variées, nous n’avons pas de réel psychopathe qui profiterait de ce moment pour libérer ses envies de meurtre. Il y a juste une femme psychologiquement instable, mais qui n’est une menace que pour elle-même.

Le contexte du huis clos démarre donc sur des personnes relativement « normales ». L’intérêt repose sur l’évolution des relations de ces inconnus qui sont amenés dès le début à douter à cause de la présence d’un loup. Ce doute qui ronge les cerveaux les plus doués et affûtés. Ce doute qui est alimenté par les morts inattendues. Ce doute qui crée un effet de meute, car ce qui est le plus évident pour des êtres normalement constitués de notre société est de refuser de tuer. Des stratégies de groupe sont mises en place. Pourtant, la pression va amener des actes communs sordides, des comportements anormaux que les survivants vont devoir supporter sur leur conscience. Pression accentuée par la connaissance ou non de son pouvoir ou celui des autres.

La tension augmente lorsque les mémoires et les langues se délient. Des liens entre les personnages sont dévoilés. Cependant, il y a plus intrigant : c’est le lien entre certains prisonniers et la maison. Tous ces éléments alimentent les discussions et les théories sur l’identité du loup.

En bref, Faites vos jeux est une expérience sociale glauque qui présente des comportements interpellant de la part de personnes sans déviances psychologiques. La partie se déroule étrangement pour un jeu de la mort. Ne vous attendez pas à un jeu subtil de manipulations à la Liar Game ou une boucherie comme Battle Royal. Si le suspense ne m’a pas captivé, j’ai apprécié découvrir l’évolution psychologique et les tournures dramatiques et dérangeantes des situations créées par ces humains.