La chute du Magentist (Les Royaumes Ephémères, tome 2) de Geoffrey Claustriaux

  • Titre : La chute du Magentist (Les Royaumes Ephémères, tome 2)
  • Auteur : Geoffrey Claustriaux
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : fantasy

Mue par l’envie d’avancer dans mes séries, j’ai sorti le deuxième tome des Royaumes Ephémères de Geoffrey Claustriaux que je m’étais procuré à la Foire du Livre de Bruxelles de 2023. Évitez de lire cette chronique sans connaissance du premier livre, car certains éléments ne peuvent être dissimulés.

David Mellow était un garçon ordinaire… jusqu’à ce qu’il décède dans un accident de la route et se réveille dans un monde inconnu, nommé par ses habitants « les Royaumes Éphémères ». Dans cet univers parallèle au nôtre, les nouveaux venus se voient dotés de capacités magiques défiant l’imagination. À son arrivée, David est recueilli par Balin, un mage millénaire qui va devenir son mentor. Il va également se lier d’amitié avec Milia et Matthew, malgré la rivalité qui les oppose. Toutefois, sur un coup de tête, il décide de quitter le groupe et de rejoindre la caste des Fulvus, des mages utilisateurs d’animaux. Pendant ce temps, Matthew et Milia partent à la recherche de Balin, qui a mystérieusement disparu…

Sans surprise, nous reprenons l’histoire où elle s’est interrompue. David se lance corps et âme dans son apprentissage chez les Fulvus. Le clan invoque des créatures fantastiques auxquels ils se lient pour les aider dans la vie comme dans les combats. Cette magie demande autant de dextérité que de contrôle de soi, sinon l’animal risque de faire ce qu’il lui plaît. L’intégration de notre héros se déroule bien à deux exceptions près. Il s’attire les foudres des jumeaux maléfiques et il s’inquiète de la disparition de Balin que ses amis Milia et Matthew sont partis sauver.

David témoigne d’une prudence et d’un caractère avisé développés depuis ses actions irraisonnées du premier tome. Des comportements qui avaient eu des conséquences terribles qui l’ont marqué. Au fil de La chute du Magentist, il va devenir plus sage, plus mature et les épreuves qu’il va traverser le rendront plus fort mentalement, ce qui va l’aider à ne pas renoncer. L’amitié est une valeur primordiale pour lui et il n’hésitera pas à l’affronter pour la sauver.

On retrouve les alliés de L’ascension du jeune fauve. Milia et son côté protecteur. La jeune femme va dévoiler sa sensibilité, mais aussi son habilité à développer des stratégies. Une aptitude qui tranche avec son impulsivité. Matthew vacille et s’enfonce dans les profondeurs de la vengeance qui le ronge depuis la disparation de son clan.

Touche de couleurs égayant les Ténèbres qui se déploient dans ce roman, Nagmi m’a touché en plein cœur. Notre petit gnome de magma décoche des sourires grâce à sa maladresse et sa bienveillance. Ne vous fiez pas à cette image, il est l’énergie du groupe, le courage incarné qui possède bien plus de puissance que la première impression couchée sur le papier par l’auteur. J’adore quand les personnages d’une faiblesse apparente se révèlent fiables. Personne n’est insignifiant. C’est tellement important de le dire, de le raconter, même quand il s’agit de personnages secondaires.

Un deuxième élément narratif que j’ai apprécié dans la suite de ce récit concerne la sensibilité des hommes. Le romancier brise les codes du patriarcat en les faisant pleurer SANS le pointer une seule fois au cours de sa narration. Habituellement, si l’un d’eux ose montrer son chagrin, il y a toujours bien quelqu’un. e pour dire « c’est normal », ou pour souligner « comme c’est beau. » Ici, Geoffrey Claustriaux laisse simplement les larmes couler, sans jugement, sans le souligner, ce qui participe bien plus à la normalisation des sentiments éprouvés et vécus par la gent masculine.

En bref, la chute du Magentist sculpte la vengeance dans un récit où l’amitié vacille et s’endurcit pour éviter l’inévitable. La noirceur s’invite et certains personnages en sont d’autant plus scintillants. Les émotions sont libérées, elles s’écoulent et s’épanouissent sur les visages de tous dans ce récit bouillonnant d’imagination.

Sorcière de chair de Sarah Buschmann

  • Titre : Sorcière de chair
  • Autrice : Sarah Buschmann
  • Éditeur : Noir d’Absinthe
  • Catégorie : horreur fantastique

Sorcière de chair est arrivé dans ma wishlist après la lecture de plusieurs chroniques dépeignant le coup de poing violent que ce récit décoche en pleine poitrine. Lors de ma première visite au Salon du Livre de Mons en 2022, je n’avais pu résister à la tentation de me le procurer malgré un budget serré. Je regrette de ne pas l’avoir sorti avant l’annonce de la fermeture de la maison d’édition Noir D’absinthe. J’espère que ce roman ne tombera pas dans l’ombre, enterré sous le désert aride du monde livresque.

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.

Pour Arabella Malvo, lieutenante de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?

Une chose est sûre : l’abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

Sorcière de chair est un roman qui se lit à la fois facilement et difficilement. Les pages défilent rapidement, pourtant, le contenu pourrait freiner plus d’un cœur fragile. L’autrice n’épargne rien, ni à sa protagoniste ni à ses lecteurices. Si vous souhaitez pénétrer dans cette enquête sanglante, vous êtes avertis ! Dès le prologue, elle nous met en garde. Elle dévoile au fil de son intrigue des comportements que l’on pourrait définir comme horribles, terrifiants, violents. Cependant, ces mots sont bien trop faibles pour décrire la cruauté et les ténèbres qui étouffent les personnages. On assiste à un jeu de domination, de manipulation, d’égoïsme, de pouvoirs. La vengeance gangrène chaque personnage tour à tour, la haine explose au visage d’Arabella, la transperce de part en part. Mais ne soyez pas dupe, même elle n’est pas un ange.

Si les révélations se devinent vite, l’histoire n’en reste pas moins captivante. La romancière dépeint une Australie qui craint les sorcières, car celles-ci ont le pouvoir de manipuler la conscience et la mémoire. La magie est fondée sur la neurologie et offre des contraintes intéressantes dans le développement du suspense et de l’enquête d’Arabella. Les forces et les faiblesses sont dosées pour emmener notre protagoniste sur le chemin cruel du passé. Des souvenirs qu’elle aurait préféré effacer à jamais de sa mémoire vont bouleverser la vie qu’elle n’a même pas réussi à reconstruire, et salir les espoirs, les morceaux d’humanités auxquels elle se rattachait.

Malgré ses actes, malgré les sévices qu’elle a subis, notre enquêtrice possède encore une lueur vacillante au fond de son cœur. Une lumière naïve qui la raccroche à cette terre qui l’a maudite depuis sa naissance. Sarah Buschmann la torture autant physiquement que psychologiquement. Elle l’écrase, l’enfonce dans l’abyme glacial du désespoir.

En bref, Sorcière de chair dépeint la perfidie de la vengeance. Ce serpent répand son venin, corrompt les âmes et noircit chaque cellule jusqu’à étouffer tout espoir. Sous ces airs d’enquête simple, l’autrice offre une histoire dont personne n’en ressortira indemne. Personnages et lecteurices.

Le Festin des goules de Gilles Debouverie

  • Titre : Le Festin des Goules
  • Auteur : Gilles Debouverie
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : horreur fantastique

Le Festin des Goules est la suite indépendante du Talisman. Je recommande de les lire dans l’ordre chronologique, car Gilles Debouverie ne cache pas les rebondissements de la première enquête ce qui serait dommage si vous souhaitez la découvrir.

Douglas Campanelli est un ancien pêcheur qui vit reclus dans sa belle villa située au bord de l’océan. Une nuit, il est réveillé par un individu étrange qui le somme d’avouer son implication dans une vieille et sordide histoire de meurtre. Pour obtenir la vérité, l’inconnu le menace d’ouvrir la porte de sa cave afin de libérer des goules voraces qu’il dit contrôler.

Carla Mendez est toujours lieutenante de police à Dunkham, petite ville côtière du Massachusetts coincée entre Plymouth et Boston. En plus de devoir gérer les problèmes de santé de son nouveau compagnon, elle est affectée à un meurtre sordide qui s’est déroulé dans un quartier où le temps semble s’être figé au siècle dernier.

Le parcours sanglant de celui qui sera bientôt appelé « L’arracheur du Massachusetts » ne fait que commencer.

Cette enquête policière horrifique s’inspire de la nouvelle Le Modèle de Pickman de H.P. Lovecraft. Il n’est pas nécessaire de l’avoir lue au préalable. Le romancier explique suffisamment ses liens et sa contribution au sein du récit pour éviter de perdre ses lecteurices. Le festin des goules est un pavé structuré en deux parties qui se succèdent comme un jeu de domino. Comme dans Le Talisman la narration se partage entre le tueur et la policière. Si j’avais adoré cette découpe dans le premier tome, ce principe m’a laissé de marbre ici. La raison tient sans doute à la personnalité du criminel. Celui-ci est méticuleux, chirurgical, froid et distant en plus d’être ambitieux, ce qui l’a rendu moins humain, moins cynique, moins mordant que l’esprit du talisman.

L’enquête nous plonge dans le domaine artistique macabre et cauchemardesque qui rappelle les tableaux d’un Füssli, mais en plus trash. Les créatures terrifiantes se repaissant de la chair des victimes. Si la question Faut-il séparer l’œuvre de l’artiste ? est évoquée dans ce roman, elle n’est ni argumentée, ni décortiquée. L’auteur laissant en suspens cette interrogation sans montrer son parti pris. On y voit également des hommes censés être respectables s’adonner à leurs vices en toute impunité. Une violence extrême se dévoile sous les coups de plume de Gilles Debouverie qui jette des atrocités à la figure des lecteurices. Si vous êtes fragiles, passez votre chemin, car les révélations dénoncent les pires folies dont sont capables les hommes. Face à ses scènes de genre, les goules nous apparaissent tels des moutons inoffensifs.

J’ai adoré retrouver Carla et son caractère de molosse. Elle mord les piètres idiots qui ont des préjugés avec un bagou incroyable. Elle oscille toujours entre sa franchise et ses remords, car elle se rend bien compte que ces propos peuvent impacter dangereusement le mental des autres.  

En bref, Le Festin des Goules nous attable en compagnie des pires vices de l’humanité. À cette table, nous y dégustons l’ambition morbide qui repousse les limites de la cruauté. Nous découvrons le véritable visage des monstres assouvissant leurs désirs de sang, de vengeance et de gloire dans une enquête un peu longue, mais dont l’horreur ravira les papilles des dévoreurs du genre.    

Des amours de soie de Martine Roland

  • Titre : Des amours de soie
  • Autrice : Martine Roland
  • Éditeur : Éditions Academia
  • Catégorie : roman noir

Attirée par les sorties de la collection Noir Desseins des éditions Academia, je n’ai pas résisté quand j’ai vu Des amours de soie dans la campagne masse critique de Babelio. Je remercie ce site bibliophilique et cette maison d’édition belge pour ce service presse qui a bousculé ma routine de lecture.

Qui es-tu, Milosz ? Un enfant de l’ombre, envahi par ta passion pour l’araignée tégénaire. Un jeune homme fragile, brisé par un premier amant volage, et réconcilié avec toi-même grâce à l’amour patient d’un père d’accueil et d’un sculpteur de talent. Tu deviendras un éminent entomologiste. Ultime consolation dans tes désillusions, ta passion te poussera-t-elle jusqu’à l’interdit ? Pourras-tu renouer avec toi-même et avec ton passé ? Peut-on te sauver, même au prix de l’amour inconditionnel ?

Ce roman est à l’image de la patience de l’araignée. Il esquisse, puis épaissit le portrait sur plusieurs années de Milosz. Structuré en trois parties, on assiste à sa situation de larve maltraitée, à sa métamorphose et à sa folie. Dès les premières pages, nous sommes plongés dans les profondeurs de l’obscurité. Cette cave où le garçon rencontre les êtres de l’ombre qui vont le passionner et diriger sa vie. À qui il va s’identifier, n’ayant comme exemple d’humanité que la violence paternelle et le harcèlement scolaire. Martine Roland tricote le monde souterrain avec tendresse et chaleur alors qu’elle percute au burin la famille de Milosz.

L’absence d’amour laisse sa marque sur le cœur de notre protagoniste. Tant qu’il n’avait pas goûté à cet hydromel, cette notion restait abstraite et détestable. À partir du moment où il le savoure, ce sentiment s’insinue dans ses veines à la façon du venin. Il le corrompt, le drogue et l’attire dans les méandres de la folie dans laquelle il s’englue. L’angoisse l’étouffe tout comme son ego qui se frotte à celui des autres.

Malsain, cruel, étrange. Ces mots incarnent le développement de cette descente en enfer où l’arachnologie et l’art s’entremêlent. On en apprend énormément sur nos amies les araignées. Une description de leur comportement annonce la couleur au début de chaque chapitre et assure un parallèle avec les actions de Milosz en plus de jouer le jeu de l’anticipation. J’ai également adoré l’apparition de l’œuvre de Louise Bourgeois qui y trouve une place d’honneur. Maman impressionne par son gigantisme et sa technique. Elle incarne avec perfection le conflit interne de l’antihéros : sa relation avec sa propre mère et avec lui-même. Inaccessible du haut de ses pattes, elle symbolise son rêve et son cauchemar d’enfant : protectrice et dangereuse. L’araignée en bronze nourrit sa relation avec Sergio, le sculpteur qui va l’aider à muer sans pour autant voir la noirceur envahir le cœur de Milosz.  

Maman de Louise Bourgeois

En bref, Des amours de soie tisse les conséquences désastreuses de la privation d’amour au moment de l’enfance et de la violence. À travers le prisme des arachnides, l’autrice sculpte la déchéance d’une âme abandonnée aux supplices des émotions et de la noirceur. Un survivant dont l’ego se frotte à de fortes personnalités dont les actes l’enfoncent dans son besoin fou de grandir, de se métamorphoser et d’exister.

Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023 (anthologie)

  • Titre : Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023
  • Auteur.ices : Maya Bonnier, Nathanaël Donné, Christelle Jansen, Hanaé-Lou Kerkhofs, Michelle Stuyven, Lou-Anne Usewils
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégories : nouvelles, fantastique

Les précommandes de février chez Liv’S éditions annonçant la parution d’un second volet, j’ai sorti de ma pal Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023 qui contient six textes écrits par des auteur.ices en herbe. Cette anthologie a été réalisée en collaboration avec l’association bruxelloise AJILE.

Comme à mon habitude, j’ai lu une nouvelle par jour, me laissant bercer par ces débutant.es, ces inconnu.es que j’aimerais encore rencontrer dans mes aventures livresques dans le futur pour certains d’entre eux. Malgré des plumes parfois académiques, j’ai été touchée tour à tour par l’émotion, l’originalité, la maîtrise stylistique et la simplicité. Toutes les nouvelles ne me laisseront pas un souvenir intense, cependant, elles méritent d’être découvertes.

J’ai particulièrement apprécié la douceur et la force de l’amour fraternel/la sororité dans La nouvelle chance de Nathanaël Donné. Cette histoire est trop chou alors qu’elle aborde la thématique du deuil et du pouvoir de la musique. À croire que les planches de la scène m’ont capturée dans ce recueil, car Danza Danza, stellina de Christelle Janssen m’a envoûtée de ses entrechats et pointes machiavéliques qui témoigne de la cruauté de l’univers des ballets. Enfin, Le miroir maudit de Lou-Anne Usewiks m’a renvoyé à l’époque des contes merveilleux et moralisateur en dénonçant la cupidité du narrateur en quelques lignes.

Lullaby de Cécile Guillot

  • Titre : Lullaby
  • Autrice : Cécile Guillot
  • Éditeur : Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantastique

Je me suis procuré la novella Lullaby lors de la Foire du Livre de Bruxelles en 2023 où l’autrice me l’a gentiment dédicacée à mon prénom et à celui de ma maman avec qui je partage ma passion des livres.

États-Unis, années 20.

Hazel aime écrire des histoires horrifiques et rêve de devenir romancière. Son cœur bat pour sa jolie voisine, Blanche. Mais quand ses parents découvrent ses diverses inclinations, ils s’en indignent et décident de la faire interner à Montrose Asylum.

Là-bas, elle rencontre la fougueuse Jo et la fragile Lulla. Toutes les trois vont suivre la mystérieuse berceuse qui s’élève la nuit, les menant au sein d’un jardin abandonné…

Lullaby expose les concepts que j’aime. Il dénonce les abus patriarcaux et les comportements anormaux envers les femmes qui ne rentrent pas dans le moule. Les années 1920s pendant lesquelles se déroule l’intrigue de cette novella sont un choix d’autant plus judicieux que cette décennie symbolise l’une des ruptures avec le modèle instauré (ou devrais-je dire imposé ?) au XIXe siècle. Cette période d’essor industrielle et de changements de régime politique a été dévastatrice pour la condition de la femme qu’on enferme entre les murs du foyer, la mode les étouffant dans des corsets et les immobilisant dans des robes inconfortables. Je n’évoque pas ici des dames issues de la classe ouvrière, car Lullaby place son contexte dans le monde des riches.

Hazel provient d’une famille aisée dont les traditions lui pèsent. Aventureuse et créative, elle écrit des histoires d’horreur et rêve de devenir romancière. En totale contradiction avec ses parents qui ne la considère que comme une poule pondeuse gardée dans l’ombre de son futur mari. Alors que l’émancipation féminine revendique des droits, les cheveux courts et habillée des tenues pratiques, ils symbolisent le rejet de la modernité libératrice des années 1920s. On ne peine pas à imaginer la souffrance et la rébellion qui couve entre les lèvres scellées d’Hazel. Une jeune femme dont la lecture de son carnet va l’enfermer. Apprenant les penchants de leur fille, devenue monstre à leurs yeux, les parents l’envoient à Montrose Asylum.

Cette novella n’est pas ma première incursion dans le monde des asiles pour femme. Des documentaires sur Nellie Bly et cette pauvre Rose Marie Kennedy (la sœur du président américain) m’ont renseignée sur les horreurs perpétrées envers les femmes, pour la majorité saine d’esprit que les hommes veulent purifier ! Des femmes brisées et amenées vers la folie ou l’état de légume après des traitements que l’on ne peut qualifier autrement que de tortures. Les asiles incarnent la perfidie masculine qui a réussi à détourner le système pour continuer ses féminicides et assouvir sa dominance. Si les bûchers ont été interdits, les hommes ont trouvé le moyen légal de poursuivre leur vilenie sous couvert médical. Le mot hystérique remplaçant celui de sorcière.

Plusieurs des méthodes cruelles sont évoquées et certaines sont légèrement décrites dans Lullaby sans pour autant verser dans le voyeurisme. Cécile Guillot dénonce ces tortures avec justesse et en évitant d’enlever la dignité des femmes qui les subissent. Elles sont victimes et en même temps héroïnes.

Hazel rencontre Joséphine Foley incarcérée, car elle milite pour les droits des femmes. À son contact, Hazel se sent à la fois comprise et honteuse en raison de son ignorance sur les combats menés pour l’égalité, elle qui pensait pouvoir trouver un travail et en vivre sans aucun souci. Sa candeur morcelée par le traitement de ses parents va encore en prendre un coup. Une amitié profonde naît entre les jeunes femmes rejointes par une certaine Lulla.

Un soir, le trio est réveillé par une berceuse entonnée par un spectre du passé. Il découvre un jardin secret dans un couloir désaffecté. Un monstre y rôde. Entre rêve et cauchemar, Hazel doit démêler le vrai du faux pour éviter de sombrer dans la folie. J’ai adoré la manière dans l’autrice insère le fantastique dans la réalité brute et cruelle.

Si les personnages ne sont pas développés à fond, l’histoire reste accrocheuse par ses thématiques et la dynamique engendrer par le format court. La romancière emploie des citations de Renée Vivien pour illustrer les sentiments amoureux d’Hazel, renforçant son lien avec le monde des livres, l’écriture étant un véritable exutoire pour la jeune femme. N’étant pas du tout fan de poésie, je ne connaissais pas cette poétesse, parlant de son amour pour une femme, sur laquelle Cécile Guillot lève le voile. Une manière de contrer l’invisibilisation des femmes menaçantes par leur créativité et de rajouter une case à cocher sur la liste des combats féministes.

En bref, j’ai adoré Lullaby. Malgré un manque de profondeur chez les personnages dû au format court, la mise en scène des dénonciations des pratiques psychiatriques et médicales des asiles destinés aux femmes qui brisent les chaînes imposées par les hommes est percutante. Les épisodes s’enchaînent sans accro et nous plongent dans cette démence où la révolte ne se bat pas à armes égales avec la domination masculine. L’imagination s’allie à l’émancipation pour survivre à la cruauté patriarcale.

Le naufrage du Titan C de Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis

  • Titre : Le naufrage du Titan C
  • Auteurs : Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis
  • Éditeur : Éditions Marathon
  • Catégories : jeunesse, science-fiction

J’ai rencontré Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis lors du Salon du Livre de Wallonie en 2022. Chaleureux et passionnés, ils m’ont convaincue de craquer pour leur roman à quatre mains : Le naufrage du Titan C. N’ayant pas énormément de bouquins pouvant se caser dans le sous-menu Rocket Raccoon on the run (Automne des bois et au-delà) du Pumpkin Autumn Challenge, j’en ai profité pour le sortir de ma pal.

En 2412, la Terre est menacée par un astéroïde géant, l’Humanité n’a d’autre recours que l’exode. Les jumeaux Juliet et Kelvin Jayro, ainsi que de nombreuses personnalités, tel Krys Kart, le célèbre fightballeur, s’apprêtent à embarquer sur le centième vaisseau Titan pour un voyage sans retour vers Proxima du Centaure.

Dans les entrailles du vaisseau, Mertyn, jeune passager clandestin, tente d’échapper à la vigilance du quartier-maître Brett en se cachant parmi les animaux dont la belle Arja et son père sont responsables.

Sur la passerelle, le radio Redjy et le prodige de l’astrogation Dan sont les témoins de la tension qui règne entre le capitaine et sa second.

L’intelligence, l’héroïsme et la bravoure des uns suffiront-ils à compenser l’attitude irresponsable des autres ? Le Titan C atteindra-t-il Proxima du Centaure ?

Vous l’aurez deviné à son titre, ce roman est une réécriture du film Titanic, nom du malheureusement célèbre insubmersible qui a coulé lors de son premier voyage à cause de la dérive d’un iceberg. La transposition dans le futur et l’espace fonctionne plutôt bien, les caractéristiques phares ayant été reprises dans le livre. Si le paquebot se rend en Amérique, terre symbolisant un nouveau départ, le vaisseau quitte Mars pour sauver les Terriens de la destruction de l’humanité et donc enclencher une nouvelle vie dans le système solaire de Proxima du Centaure. Bien entendu, les 8 milliards d’individus n’y trouveront pas place. Nous restons dans une civilisation inégalitaire qui tente de l’être en organisant une loterie pour distribuer les billets. Soit vous avez une chance de cocu (bon quand on sait ce qu’il va se passer, peut-être pas finalement) soit vous avez un pedigree. Face à l’extinction, l’empathie ne se développe toujours pas.

L’inégalité est aussi présente parmi les passagers : ceux qui ont droit à une cabine et ceux qui ont droit à un cercuei… pardon, une cryogénisation pour faire dodo pendant tout le trajet et consommer le minimum. Oui, cette humanité est consciente des problèmes écologiques terrestres qu’elle a engendrés, mais elle est incapable de prendre la décision la plus responsable qui serait de préserver les ressources en ne laissant que l’équipage de bord éveillé. C’est d’autant plus risible quand on sait que Titan C est affrété pour sauver les humains, la faune et la flore et diriger par un Capitaine dont l’égoïsme surpassera la sécurité ! Il semblerait qu’en 500 ans la civilisation n’a pas évolué.

Enfin, dans ce décor féérique de bonté et de gratitude, nous avons les histoires d’amour transcendant les clans, les familles et les étiquettes. Nos adolescents n’ont pas perdu leurs hormones. Je ne vais pas m’étaler en long et en large sur eux, je vais vous laisser les découvrir en me focalisant sur la construction ou plutôt la déconstruction que les auteurs ont choisie et qui m’a plu.

Ceux-ci partent de clichés. Nous avons des adolescents plutôt communs. Kelvin est passionné par l’espace et connaît plein de choses contrairement à sa sœur qui paraît au premier abord superficielle. Vous savez, ces jeunes filles qui ne pensent qu’à trouver l’amour et qui craquent pour des stars capricieuses ? Un portrait qui va s’épaissir et se nuancer, heureusement ! Et cette méthode est d’autant plus appréciable lorsqu’elle a été appliquée à Morgana dépeinte par ses attributs féminins et sa blondeur avant sa sensibilité et ses compétences fortement utiles pendant du naufrage, en plus de son passé douloureux. La vie ne l’épargne pas, la pauvre !

J’ai également craint le cliché de la compétition féminine entre Juliet et Morgane, vu que la première n’apprécie pas celle qui ravit le cœur de son jumeau. Une rivalité amorcée par l’apparence, leur morphologie étant à l’opposé l’une de l’autre, n’est pas creusée et surtout, les romanciers n’ont pas attendu la catastrophe pour neutraliser ce sujet épineux pour moi. Ouf.

Une fois ces suspicions de stéréotype éteintes, je me suis laissée porter par ces récits parallèles. Des histoires aux aspirations et aux combats distincts et profondément humains. Et j’ai été surprise. Franchement, je ne m’attendais pas à subir ce flot d’émotions. Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis ne reculent devant rien : sacrifice, douleur du survivant, espoir cruel. Les adolescents grandissent, propulsés par la tragédie causée par l’idiotie et l’orgueil. Ils prennent leur destin en main, un destin qui leur échappe, se précipite vers eux et joue avec leur cœur.

En bref, j’avais abordé Le naufrage du Titan C sans de grandes attentes, simplement emportée par la bonne humeur des auteurs. Grimaçant devant l’esquisse des adolescents, j’ai rapidement été soulagée par leur approfondissement psychologique qui les éloigne des clichés. J’ai fini par m’attacher à eux et je me fais surprendre par l’émotion dans les derniers rebondissements. Une réécriture réussie !

Le dé à coudre de J. S. Piers

  • Titre : Le dé à coudre
  • Auteur : J.S. Piers
  • Éditeur : Éditions Panthère
  • Catégorie : thriller

Découvert grâce aux livres de Cass sur Instagram, j’ai profité de la présence de J.S. Piers à Romerée (un petit village avec une excellente brasserie non loin de chez moi) pour acquérir ce thriller intriguant. Malgré mon engouement pour le roman, je ne l’ai pas sorti dès son achat en mai dernier et j’ai bien fait ! L’état de mon cerveau ne m’aurait pas permis de suivre avec application cette histoire finement cousue de points complexes. Je l’ai lu dans le cadre du PAC dans le menu : Automne frissonnant — L’enfer des Backrooms.

Si vous receviez une enveloppe contenant un dé à coudre et un ticket de transport vous conviant à un mystérieux rendez-vous juste avant Noël, que feriez-vous ?

Michael, Baldwin, James, Allison, Arthur et Susan ne se connaissent pas et vivent aux quatre coins du globe. Poussés par la curiosité, tous les six répondront à cette même question en bousculant leur quotidien pour se rendre à Londres à 17 h précises, Thackeray Street.

Qui est l’expéditeur ? Pourquoi eux ?

Cette simple missive et ses conséquences les feront voyager jusqu’à l’autre bout de la Terre…

Lors de ma discussion avec l’auteur, celui-ci m’a glissé que Le dé à coude avait mis dix ans a à naître. Après l’avoir lu, je comprends pourquoi autant d’années furent nécessaires pour aboutir à ce roman étonnant. On suit six personnages venant du Canada, de Belgique, d’Angleterre, des USA et d’Australie. Rien ne semble les lier. Leur profil, leur origine et leur hobby les différents. Pourtant, un mystérieux maître de jeu a choisi de les rassembler pour accomplir une quête. Pourquoi ? Ont-ils des compétences spécifiques essentielles à la résolution de la mission ? Ou n’est-ce qu’une coïncidence ? Leur hôte a-t-il joué leur destin d’un jet de dé ?

Si vous réussissez à voir la trame et à répondre à toutes ces questions avant la fin, vous êtes un génie (ou dans le secret de l’auteur). L’intrigue débute comme un jeu de piste et d’énigmes qui n’est pas sans rappeler les œuvres de Dan Brown ou les collaborations de Eric Giacometti et Jacques Ravenne. La référence s’arrête à la fin de la première partie du livre. Le dé à coudre est savamment divisé en cinq chapitres qui peuvent se résumer en quelques mots : enquête, descente en enfer, intermède, hypothèse et dénouement.

Le rythme de croisière de ce thriller varie en intensité, mais ne laissera jamais vos neurones en paix. Surtout si, comme moi, vous êtes un. e lecteur.ice active et aimez jouer, car c’est ce que J. S. Piers fait avec nous. Il s’amuse à dérouler les fils de plusieurs bobines, à les tisser dans ce qui semble être une trame aléatoire, perturbante. Il floute les contours entre réalité et imaginaire, entre rêve et cauchemar. Une myriade de références sont citées, expliquées par les personnages qui ont de nombreuses connaissances. Histoire, littérature, archéologie, sciences, astronomies, mathématique, art… une abondance de concepts, de bibliographies, de faits, de croyances sont brodés ensemble. C’est la raison pour laquelle je me félicite d’avoir attendu d’être apte à lire ce thriller. Vu la profusion d’informations, je me suis, bien entendu, posé la question : est-ce que tout est nécessaire ou essaie-t-il juste de brouiller les pistes en nous noyant dans un flot quasi continu ? Tous les fils qu’ils tirent sont utilisés pour tisser la tapisserie de son intrigue. Un ouvrage dont on ne voit le dessin global qu’au dénouement.

N’ayez crainte de vous perdre dans ce labyrinthe d’érudition. Les personnages expliquent avec aisance ce qui pourrait être obscur aux non-initiés sans pour autant tomber dans l’effet Wikipédia. Je ne peux citer certaines références sous peine d’être accusée de divulgâcher des informations capitales, mais sachez qu’il m’a donné envie de me plonger davantage dans les œuvres qu’il a utilisées.

Si je devais vraiment trouver un défaut au premier roman de mon compatriote, ce serait l’effet de surenchères du savoir chez tous les personnages. Je suis quelqu’un qualifié de touche à tout, je ne me limite pas à un seul sujet de prédilection dans mes lectures et les documentaires que je regarde. C’est ce qui m’a poussé à choisir ma spécialisation dans la vraie vie. Cependant, j’ai tout de même tiqué à un moment donné quand une énième compétence est arrivée sur l’un des pions de cette histoire. J’avais un goût de ça commence à faire beaucoup, car cette ouverture d’esprit et d’horizon touche quasiment tous les personnages. Mais, clairement, c’est vraiment essayer de trouver un fil qui dépasse, accro embêtant. J

À travers le dé à coudre, J. S. Piers joue avec la notion de coïncidence. Il la soupèse, la décortique, la questionne, l’éclate et la reconstruit. Le hasard n’a décidément pas sa place dans cette histoire haletante et vertigineuse qui témoigne d’un travail monstrueux de recherche, d’analyse et d’édification ! Ce roman gomme la frontière entre réalité et imaginaire en nous projetant dans un dédale de références qui ne semblaient pas avoir de liens entre elles de prime abord.

Sombre Tilly de Georgia Bowers

  • Titre : Sombre Tilly  
  • Autrice : Georgia Bowers
  • Éditeur : Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantastique

Quand le roman Sombre Tilly fut annoncé par son éditeur, j’ai de suite été envoûtée par la couverture illustrée par Marcela Bolivar. Cette jeune fille étonnée par la tournure des événements alors qu’un roncier aux feuilles couleurs sang l’emprisonne symbolise parfaitement le retour de manivelle qu’elle se prend en pleine figure. Arrivera-t-elle à sortir de la situation périlleuse dans laquelle le mauvais sort l’a jetée ? Lecture réalisée pendant le PAC 2023 : Automne douceur de vivre — La dame chouette des îles bouillantes.

La magie laisse toujours des marques.

Toute sa vie, Matilda n’a entendu qu’une chose à propos de ses pouvoirs : de ne les utiliser qu’un cas de nécessité. Mais Matilda se fiche d’être une gentille sorcière. Elle veut être populaire, se venger de ceux qui l’embêtent et vivre sa vie libre de toutes conséquences, sans les cicatrices que la magie noire laisse sur son visage à chaque fois qu’elle en use, rappel de tous ses méfaits.

Quand un sort dérape et que le nouveau du lycée la prend sur le fait, Matilda craint que son secret ne soit révélé au grand jour. Mais au lieu de se montrer effrayé, Oliver lui demande de lui enseigner la sorcellerie. Et tandis qu’Oliver et Matilda se rapprochent, des choses étranges commencent à arriver : des animaux morts sont retrouvés avec des signes gravés sur le corps, une jeune fille décède mystérieusement et tout semble la pointer du doigt. Cependant, Matilda est innocente — du moins, si elle en croit ses souvenirs confus…

Je me suis plongée dans cette lecture, car j’avais besoin de noirceur. Le portrait esquissé dans le résumé de Sombre Tilly semblait répondre à ce critère. Une adolescente égoïste qui use de la magie noire sans avoir peur des conséquences ? Que demander de mieux qu’une graine de vilaine sorcière qui brave les lois de sa famille ? Malheureusement, les promesses que la quatrième de couverture m’avait faite miroitée n’ont pas été tenues.

Matilda est une jeune sorcière qui doit rejoindre un coven de sorcière au moment de son seizième anniversaire. Comme toute ado qui se respecte, elle se rebelle contre les règles. Elle ne veut ni en intégrer un ni distiller son savoir pour le bien. Elle use de sortilèges pour son propre profit. Or, blesser une personne à l’aide de la magie grave le méfait sur la peau éternellement. Mais voilà, notre charmante Tilly a de la chance. Elle est issue d’une famille qui peut contrer cette loi en dissimulant les cicatrices de la forme du prénom de la victime. Elle n’aurait pas dû connaître ce sortilège, mais son père lui a légué cette astuce volée avant de les quitter. Alors, elle en abuse sans penser aux conséquences. Sauf que les actes néfastes finissent toujours par vous revenir en pleine figure tel un boomerang acéré. 

Le comportement de Matilda témoigne d’une souffrance bien moins magique que l’on pourrait croire. Il ne s’agit pas d’une soif de puissance, de contrôle sur les autres, mais d’un moyen de surmonter ses blessures mentales. Les racines pourraient remonter jusqu’à Ivy, la légendaire sorcière que les citoyens de Gravewick ont balancée injustement au fond d’un puits pour purger le soi-disant mal qui rongeait la région. Cependant, c’est dans le passé de Tilly que naît le problème. Elle doit dissimuler ses pouvoirs, ce qui a impacté ses relations autant familiale qu’amitieuse. Comment réussir à construire une relation saine quand on ne peut vivre au grand jour sous son vrai visage et qu’un seul faux pas peut tout changer ? Grâce à de nombreux philtres, elle se lie temporairement à des ami.es. Toutefois, la magie ne crée que des liens superficiels qui finissent par la lasser. Elle vit dans cette incessante boucle de faire et défaire jusqu’au jour où Oliver entre dans sa vie. Pour une fois, quelqu’un s’intéresse à elle sans l’aide d’une potion et il connaît en plus son monde. Une nouveauté qui l’ébranle et la transforme en une simple adolescente que les hormones dominent. Vous vous en doutez, on va vite aller vers une romance qui va prendre bien trop de place dans l’histoire à mon goût, bien qu’elle soit utile à l’intrigue. J’ai levé les yeux aux plafonds à chaque fois que Matilda ne se sentait plus en apercevant un bout de tissu, de peau appartenant de son élève.

Bien qu’elle ne soit pas une sorcière accomplie, Tilly possède une grande expérience et maîtrise du monde magique vu qu’elle y baigne depuis son enfance. Elle enseigne deux trois petites choses à Oliver qui ne descend pas d’une lignée de sorcier.ères. Les interactions avec le jeune homme vont adoucir les blessures de Tilly, malgré l’angoisse générée par les meurtres en série.

L’histoire prend place quelques jours avant Halloween et son ambiance lugubre. Un décompte rythme les chapitres du roman aidant à poser le suspense. Les premières victimes sont des animaux, mais bientôt une fille les suit. Et pas n’importe laquelle bien entendu. L’anxiété étreint Matilda qui subit en plus des pertes de mémoire et fait de nombreux cauchemars.

Isolée, effrayée par la tournure des événements elle n’a que deux personnes vers qui trouver un peu de réconfort. Oliver et Nana May. Malheureusement, la deuxième ne parle plus et la communication s’avère difficile malgré la douceur des gestes de la grand-mère. Matilda refuse de demander de l’aide de Lottie, sa maman, qu’elle rejette depuis sa séparation avec son père.

Sombre Tilly n’est pas seulement une histoire d’amour et de magie corrompue. C’est aussi un récit qui exploite les différentes facettes de l’amitié. Le réconfort que ce sentiment apporte et les peurs qu’il engendre.  

En bref, Sombre Tilly met en scène une jeune sorcière dont les actes ont forgé sa propre solitude. Loin de la créature maléfique dépeinte dans le résumé, Matilda endosse le rôle de l’adolescente mal dans sa peau qui use de ses pouvoirs pour éviter de penser à la douleur. Manipulation et dissimulation rythment cette histoire qui témoigne de la puissance de l’héritage, de son poids et des responsabilités qui en découlent. Dommage que la romance a supplanté le suspense engendré par le mystère des meurtres.

Prête-moi ta mort de Joeffrey Sinet

  • Titre : Prête-moi ta mort
  • Auteur : Joeffrey Sinet
  • Éditeur : autoédition
  • Catégorie : thriller

Prête-moi ta mort est tombé entre mes mains un peu par hasard en flânant sur les réseaux sociaux. Le pitch d’une descente aux enfers à cause de la résurgence d’un passé honteux avait de quoi m’intriguer.

Célia, dix-huit ans, totalement déjantée et sans le sou, débarque à Paris après avoir fui l’Hérault et tous les souvenirs qui s’y rapportent.

Comme une héroïne de Zola, elle se pose à La Goutte d’Or, et se met aussitôt en quête d’un emploi. Après tout, il n’y a pas de sot métier… et Dame-Pipi fera aussi bien l’affaire pour démarrer sa nouvelle vie ! En plein cœur de Montmartre, au pied du Sacré-Cœur, elle se lie d’amitié avec sa collègue à l’accent chantant et rencontre un beau Grec au regard ténébreux. L’avenir semble lui sourire, enfin !

Pourtant, ce qui débutait comme un feel good plutôt cocasse se teinte peu à peu d’une ombre maléfique… Le passé ne se laisse pas si facilement enterrer, et lorsque les secrets enfouis refont surface, c’est un cauchemar qui commence.

Car, un jour ou l’autre, il faut affronter la vérité. Aussi abyssale soit-elle.

Le prologue était déroutant. La narratrice s’insurge sur la vision que les gens ont de la maladie d’Alzheimer, car son état est dans l’exact opposé : un corps inerte avec un esprit sain. On veut savoir direct ce qui l’a provoqué. C’est une accroche efficace, bien que troublante avec l’utilisation soudaine du « nous » pour raconter sa vie en prenant un ton cynique digne des caricatures du XIXe siècle. Étant donné que je suis une lectrice active, j’ai de suite élaboré des théories en rapport avec les choix de la narration. Des suppositions qui ne sont pas révélées correctes. Je ne suis pas fan de la fin même si celle-ci n’est pas illogique. Elle trouve ses bases dans le prologue, mais uniquement dans celui-ci en fait. Ainsi, ça m’a fait l’effet du magicien qui sort un pauvre lapin en peluche de son haut-de-forme au lieu de m’émerveiller. Et ce n’est pas le seul élément qui m’a déplu dans cette lecture.

Nous suivons deux lignes temporelles : l’époque de l’adolescence et de l’adulte. Célia a fui sa région natale et ses parents pour monter les échelons à Paris en commençant par le plus bas de l’échelle vu qu’elle devient Madame Pipi. Pleine d’optimistes et d’entrain, on a un véritable décalage entre son image passée et actuelle. J’ai adoré la subtilité avec laquelle l’auteur nous manipule. On perçoit une différence, cependant je n’ai pas réussi à mettre le doigt sur l’origine de ce décalage. Une maîtrise de la psychologie que j’aurai apprécié voir chez les autres personnages.

Le temps de l’indépendance nous sculpte une ambiance entre feel good et romance en projetant Célia dans les bras de Calix. Un moment qui dure plus de 200 pages et qui m’a lassée, car je le rappelle le genre annoncé est celui du Thriller. Aucun élément croustillant ne vient risquer le bonheur de Célia (18 ans) pendant des chapitres et des chapitres. Les ombres restent bien tapies dans les recoins au lieu d’être menaçantes. Le temps de l’adolescence apporte un peu de malaise.

Calix est bien trop parfait, galant et bourré d’humour. Il a bien quelques sautes d’humeur, mais rien qui peut entraîner la méfiance. Seul un épisode nous amène à douter de sa bienveillance, mais c’est tellement gros qu’on sent que cette scène a été élaborée pour montrer un défaut, un côté obscur chez le monsieur. Comme dit plus haut, j’aurais préféré quelque chose de plus subtile, quelque chose qui relève plus de l’anecdotique, mais qui une fois l’intrigue bien avancée m’aurait surprise en m’en souvenant.

Un second ressort qui m’a chiffonnée est le développement de la relation entre Célia et ses parents. Mis à part les propos de l’adolescente qui expose un problème avec eux, nous n’avons aucune scène à nous mettre sous la dent pour témoigner de l’importance de la situation décrite comme monstrueuse. Alors, quand Joeffrey Sinet balaye le nœud en un clin d’œil pour amener ce beau monde là où il doit être dans son intrigue, j’ai trouvé ça incohérent. La fille fuit ses parents, on perçoit une tension relationnelle extrême qui dépasse la simple rébellion d’une adolescente et c’est mis sur le côté avec des sourires grâce à un mot magique ? Je n’ai pas été convaincue par ces choix. D’autant plus, que je pense à différents sentiers pour arriver au résultat qu’il souhaitait.

Vous vous demandez après cet étalage majoritairement négatif pourquoi ai-je continué ma lecture ? Déjà pour la plume. Célia parle avec poésie, métaphore et une franchise crue dans la narration. On ressent la désillusion teintée son optimisme lorsqu’elle débarque à Paris pour rebondir. Son cynisme dresse le portrait peu amène de la société. On dirait presque du Zola dans ses descriptions, même quand elle utilise les excréments pour dépeindre les humains. Vous ne verrez plus votre intimité dans les toilettes publiques de la manière par la suite. J

La deuxième raison pour laquelle j’ai poursuivi ma lecture tient de mon côté morbide. Je voulais savoir si la violence allait la submerger enfin et surtout avoir les réponses aux questions que je m’étais posées à la lecture du prologue. J’aime les puzzles et même si l’ombre a mis une éternité à arriver, j’avais pêché trop de curieux poissons pour lâcher le filet et bien dormir sans voir de mes propres yeux le requin abominable.

Après le calme, la tempête gronde. Les douces couleurs crépusculaires de la couverture disparaissent sous les nuages obscurs qui crachent leur tumulte sur les personnages. Je ne peux citer les aspects qui sont exposés dans ce roman sans divulgâcher, mais si vous avez des difficultés avec les ignominies perpétrées par le genre humain, évitez de lire Prête-moi ta mort. Evitez cette torture qui nous montre jusqu’où l’amour et son inverse, son absence, peut mener. Les obsessions que ce concept peut développer au-delà du simple mal être.

En bref, Prête-moi ta mort est un roman déséquilibré. Présenté comme un thriller, il a une la partie solaire bien trop importante par rapport à la descente aux enfers promise dans le résumé. Si les indices pour aiguiller vers la révélation majeure ont été parsemés de manière subtile et judicieuse, il n’en est malheureusement pas de même pour le traitement des personnages qui gravitent autour de Célia, cette âme marquée par le manque affectif, dont on ressent le regard désabusé sur le monde alors qu’elle tentait de se reconstruire une autre vie.