- Titre : Clément Coudpel contre les spectres de Samain
- Autrice : M. d’Ombremont
- Éditeur : Livr’S Éditions
- Catégorie : fantastique
Lorsque Livr’S Éditions a présenté ses nouveautés automnales, deux mots m’ont convaincue d’acheter Clément Coudpel contre les spectres de Samain. Il s’agit de Liège et macrale.
Beaucoup d’auteurs placent leur intrigue dans des mégapoles ou des îles paradisiaques ultras connues et exploitées. Du coup, j’apprécie quand des lieux moins sollicités dans la littérature sont choisis pour développer l’histoire, car j’aime découvrir des espaces et des pépites à travers les aventures des héros ou sentir une pointe de nostalgie à la lecture de certains passages. Et, lorsque l’on connait ces régions, on les voit d’une autre manière par la suite, tel un nouveau regard offert par l’écrivain. Ayant vécu sept ans à Liège, c’est avec plaisir que j’ai revisité les endroits que Manon d’Ombremont utilise dans son roman. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire à la mention d’une particularité des sous-sols de l’université.
Le terme macrale (qui signifie sorcier/sorcière en wallon) ajoute une authenticité et un ancrage solide de l’histoire pour les Belges francophones qui liront cet ouvrage. En tout cas, pour les personnes qui connaissent ce patois ou qui l’ont côtoyé auprès de leurs grands-parents. C’est le genre de détail qui donne un côté original au livre et qui le rend encore plus palpable et réaliste. Surtout que l’autrice intègre le folklore dans son univers à la perfection. Après cette introduction qui est plus longue que d’habitude, plongeons entre les pages de ce petit bijou.
Clément Coudpel déteste son héritage. Né dans une famille de macrales gérant le Chemin de la mort, son destin le désigne comme successeur du porteur de pelle qui doit repousser les esprits lors de la Samain. Cependant, suite au décès de sa mère quelques années plus tôt, il refoule ses pouvoirs et grandit le plus normalement possible grâce à sa sœur qui prend l’ensemble des responsabilités sur ses épaules. Subissant le harcèlement de la communauté magique, sa vie bascule le jour où Camille disparaît à quelques jours de la fête automnale. Décidé à la sauver avec l’aide de son meilleur ami Takeshi, il découvrira que les ennemis sont souvent plus proches qu’on ne le croit.
L’originalité de ce livre repose d’abord sur le contrepied des points de départ du genre fantastique. Ici, le héros ne veut pas de ses pouvoirs. Il a beau aimé les shonen et les jeux vidéos mettant en scène des magiciens ou des monstres et même Harry Potter dont il partage certaines caractéristiques, il préfère les gérer dans une partie virtuelle que dans la réalité, car les mots game over ne vous enlèvent pas à jamais ceux que l’on aime.
Alors, il supporte les reproches de l’Ancêtre Guenièvre, un fantôme à cheval sur l’éducation et le devoir, et il fuit dans la vie normale d’un enfant de son âge. Il lit des mangas à gogo et passe des heures à jouer en ligne. Une myriade de références populaires nippones accompagne les épisodes de l’histoire. Un vrai régal ! J’avoue avoir dû vérifier certains éléments comme le générique de Bleach mentionné, et quelle nostalgie en voyant l’interprète. La romancière utilise un vocabulaire de Geek (spécifique aux jeux vidéos) et le définit en note de bas de page (ce qui permet d’éviter de se perdre pour les non-initiés tels que moi).
Puisant dans la fantasy, les jeux de rôle et les histoires au coin du feu, de nombreuses créatures apparaissent : Oupyr, liche, barghest,… et même le terroir légendaire est présent par l’intervention du nuton ! Le ver du cimetière familial est sans doute le plus adorable d’entre eux. Coudmou, de son prénom, surgit de son trou et y rentre en boucle en haut du livre. J’aime cette animation qui témoigne du souci du détail de la maison d’édition.
Les personnages sont élaborés avec profondeur et réalisme. Clément n’est qu’un gamin de treize ans qui déteste la magie. Il rencontre des difficultés pour l’apprivoiser. Encore heureux que Takeshi, son ami, l’aide grâce à leur passion commune pour la Jpop et les animes. Ainsi, il progresse et ne perd pas pied. L’esprit de Célestin qui partage son corps, le guide et lui sert de mentor tout comme Katel, l’oupyr, qui souhaite mourir définitivement et qui prend soin des affaires financières de la famille. Camille est forte et déterminée à protéger son petit frère. Toutefois, des troubles de la mémoire la perturbent depuis qu’elle a sauvé la vie de son meilleur ami, Thomas, en le transformant en liche. Enfin, l’autrice rend hommage à des personnes réelles : le tenancier et les vendeurs de Kazabulles, une libraire spécialisée en BD et manga de Liège, qu’elle adore et qui m’a ramené des années en arrière.
La plume de M. d’Ombremont est simple, fluide et dynamique. Les phrases sont courtes et créent un rythme soutenu. Si le prologue est sombre, le chapitre suivant tranche dès les premières lignes avec un style léger et humoristique.
Pour être libraire, songe Clément, il faut un master en Tetris.
L’intrigue oscille entre ces deux styles, entre la lumière et l’obscurité, entre la comédie et la tragédie, symbolisant à merveille le passage de la naïveté de l’enfance à la perte de l’innocence. En effet, Clément ne renoue pas seulement avec ses pouvoirs, il réalise que chaque être possède une part d’ombre.
En bref, Clément Coudpel contre les spectres de Samain est un roman fantastique aux allures de livre jeunesse qui nous plonge dans les abysses de l’âme humaine et qui nous apprend que les esprits ne sont pas forcément les créatures les plus dangereuses de la terre ou de l’au-delà. Ce livre est un véritable coup de cœur que ce soit au niveau de l’histoire, de ses personnages attachants, ses références japonaises ou son terroir qui m’a rendue nostalgique.