Sous la loupiote de mars et avril 2024

Deux bilans pour le prix d’un. C’est ce que je vous propose en ce jour ensoleillé de mai. Une pause nécessaire, car j’ai dépassé mes limites dans un certain pan de ma vie. Si j’avais rédigé mon bilan de mars en temps et en heure, j’aurais écrit avec mes émotions négatives comme dans un journal intime tel un robinet déversant son torrent d’eau brûlante. Je ne vais pas m’étaler ni sur cet événement et les prises de conscience qui ont suivies grâce au challenge de Betty Jereczek sur lequel je suis tombée par hasard ni sur ce que je vis encore actuellement. Cependant, je peux vous confier que j’ai renoué avec ma résolution de 2024 : prendre soin de moi. Le chemin va être long et épuisant, mais je vais y aller pas à pas pour réellement intégrer ce concept dans chaque cellule de mon corps et de mon esprit.

Mes lectures reflètent le maelstrom et le besoin de confort que l’on ressent tous quand nous vivons une tempête émotionnelle. Comme annonciateur d’une fin de mois de mars tumultueuse, j’ai pioché le dernier tome de la série 9 de Marc Levy. J’avais l’envie de finir enfin l’une des trilogies qui croupissent dans ma pal et, sans doute, éviter un livre supplémentaire à chroniquer alors que je ressentais déjà une fatigue tenace. Après cette lecture en demi-teinte, j’ai plongé dans la douceur des livres jeunesse au milieu des chats du Manoir de Castlecatz. Les romans qui ciblent ce public ont le pouvoir de montrer le chemin même aux adultes et c’est sans doute pour ça que j’aime m’y plonger avec le recul et mon esprit critique actuel. En écrivant ses lignes, je me rends compte à quel point le thème central de Les larmes de Kernunos reflète l’épreuve que je traverse. Enfin, j’ai clôturé mars avec l’atypique Un psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers qui traite de la rencontre entre deux êtres différents, mais partageant un passé lointain commun qui va influencer leur perception de l’autre.

Il est impressionnant de constater que mon inconscient me guidait vers des lectures ouvrant un chemin vers ce dont j’ai réellement besoin. Suivez vos envies, ne les bridez pas, car elles sont plus salvatrices qu’on le pense.

En avril, mes lectures ont suivi la raison avec un service presse (Des amours de soie de Martine Roland) reçu dans le cadre de la masse critique de Babelio et trois romans dont les autrices se rendaient à la Foire du Livre de Bruxelles : Les princes des oubliés (Les chuchoteurs, tome 1) d’Estelle Vagner, Allunia (tome1) de Tiphs et La voix de la vengeance de Sacha Morage. J’ai bien entendu acheté la suite des deux premières séries et j’ai profité de la présence de Sam Cornell pour avoir une dédicace de Gold Rush.

J’étais accompagnée de ma maman cette année. Nous avons passé un excellent moment, malgré la chaleur. La gare maritime de Tours & Taxi est magnifique, mais la verrière la transforme vite en four. Je plaignais les éditeurices et auteurices qui ont dû subir cette cuisson avec courage. Il faut être tout terrain dans le monde du livre !

J’ai eu le plaisir de me rendre au tout premier salon de mon village pour y découvrir de nouvelles plumes et en revoir d’autres dont J.S. Piers qui continue de conquérir les cœurs avec Le dé à coudre.

Enfin, je me suis replongée dans les mangas avec le tome 47 de Skip Beat et de vieilles séries. J’ai résisté à l’appel de mon chouchou Library wars un moment en relisant Parmi eux, mais je les ai vite délaissés pour me refaire la série entière d’Arikawa Hiro et Yumi Kiiro. En parallèle, la deuxième histoire du double volume d’Eve Dallas commencé en janvier a été savourée. J’ai apprécié la tournure de cette enquête qui touche à la corruption policière. Ça changeait un peu des criminels extérieurs vu que l’on connaît la tête à abattre dès le début. L’intrigue construit minutieusement un piège en jouant sur les preuves et la psychologie de l’ennemi.

À la place des questions habituelles, je terminerais par : prenez soin de vous, car ce n’est pas un acte égoïste, mais altruiste.

La chute du Magentist (Les Royaumes Ephémères, tome 2) de Geoffrey Claustriaux

  • Titre : La chute du Magentist (Les Royaumes Ephémères, tome 2)
  • Auteur : Geoffrey Claustriaux
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : fantasy

Mue par l’envie d’avancer dans mes séries, j’ai sorti le deuxième tome des Royaumes Ephémères de Geoffrey Claustriaux que je m’étais procuré à la Foire du Livre de Bruxelles de 2023. Évitez de lire cette chronique sans connaissance du premier livre, car certains éléments ne peuvent être dissimulés.

David Mellow était un garçon ordinaire… jusqu’à ce qu’il décède dans un accident de la route et se réveille dans un monde inconnu, nommé par ses habitants « les Royaumes Éphémères ». Dans cet univers parallèle au nôtre, les nouveaux venus se voient dotés de capacités magiques défiant l’imagination. À son arrivée, David est recueilli par Balin, un mage millénaire qui va devenir son mentor. Il va également se lier d’amitié avec Milia et Matthew, malgré la rivalité qui les oppose. Toutefois, sur un coup de tête, il décide de quitter le groupe et de rejoindre la caste des Fulvus, des mages utilisateurs d’animaux. Pendant ce temps, Matthew et Milia partent à la recherche de Balin, qui a mystérieusement disparu…

Sans surprise, nous reprenons l’histoire où elle s’est interrompue. David se lance corps et âme dans son apprentissage chez les Fulvus. Le clan invoque des créatures fantastiques auxquels ils se lient pour les aider dans la vie comme dans les combats. Cette magie demande autant de dextérité que de contrôle de soi, sinon l’animal risque de faire ce qu’il lui plaît. L’intégration de notre héros se déroule bien à deux exceptions près. Il s’attire les foudres des jumeaux maléfiques et il s’inquiète de la disparition de Balin que ses amis Milia et Matthew sont partis sauver.

David témoigne d’une prudence et d’un caractère avisé développés depuis ses actions irraisonnées du premier tome. Des comportements qui avaient eu des conséquences terribles qui l’ont marqué. Au fil de La chute du Magentist, il va devenir plus sage, plus mature et les épreuves qu’il va traverser le rendront plus fort mentalement, ce qui va l’aider à ne pas renoncer. L’amitié est une valeur primordiale pour lui et il n’hésitera pas à l’affronter pour la sauver.

On retrouve les alliés de L’ascension du jeune fauve. Milia et son côté protecteur. La jeune femme va dévoiler sa sensibilité, mais aussi son habilité à développer des stratégies. Une aptitude qui tranche avec son impulsivité. Matthew vacille et s’enfonce dans les profondeurs de la vengeance qui le ronge depuis la disparation de son clan.

Touche de couleurs égayant les Ténèbres qui se déploient dans ce roman, Nagmi m’a touché en plein cœur. Notre petit gnome de magma décoche des sourires grâce à sa maladresse et sa bienveillance. Ne vous fiez pas à cette image, il est l’énergie du groupe, le courage incarné qui possède bien plus de puissance que la première impression couchée sur le papier par l’auteur. J’adore quand les personnages d’une faiblesse apparente se révèlent fiables. Personne n’est insignifiant. C’est tellement important de le dire, de le raconter, même quand il s’agit de personnages secondaires.

Un deuxième élément narratif que j’ai apprécié dans la suite de ce récit concerne la sensibilité des hommes. Le romancier brise les codes du patriarcat en les faisant pleurer SANS le pointer une seule fois au cours de sa narration. Habituellement, si l’un d’eux ose montrer son chagrin, il y a toujours bien quelqu’un. e pour dire « c’est normal », ou pour souligner « comme c’est beau. » Ici, Geoffrey Claustriaux laisse simplement les larmes couler, sans jugement, sans le souligner, ce qui participe bien plus à la normalisation des sentiments éprouvés et vécus par la gent masculine.

En bref, la chute du Magentist sculpte la vengeance dans un récit où l’amitié vacille et s’endurcit pour éviter l’inévitable. La noirceur s’invite et certains personnages en sont d’autant plus scintillants. Les émotions sont libérées, elles s’écoulent et s’épanouissent sur les visages de tous dans ce récit bouillonnant d’imagination.

Sorcière de chair de Sarah Buschmann

  • Titre : Sorcière de chair
  • Autrice : Sarah Buschmann
  • Éditeur : Noir d’Absinthe
  • Catégorie : horreur fantastique

Sorcière de chair est arrivé dans ma wishlist après la lecture de plusieurs chroniques dépeignant le coup de poing violent que ce récit décoche en pleine poitrine. Lors de ma première visite au Salon du Livre de Mons en 2022, je n’avais pu résister à la tentation de me le procurer malgré un budget serré. Je regrette de ne pas l’avoir sorti avant l’annonce de la fermeture de la maison d’édition Noir D’absinthe. J’espère que ce roman ne tombera pas dans l’ombre, enterré sous le désert aride du monde livresque.

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.

Pour Arabella Malvo, lieutenante de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?

Une chose est sûre : l’abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

Sorcière de chair est un roman qui se lit à la fois facilement et difficilement. Les pages défilent rapidement, pourtant, le contenu pourrait freiner plus d’un cœur fragile. L’autrice n’épargne rien, ni à sa protagoniste ni à ses lecteurices. Si vous souhaitez pénétrer dans cette enquête sanglante, vous êtes avertis ! Dès le prologue, elle nous met en garde. Elle dévoile au fil de son intrigue des comportements que l’on pourrait définir comme horribles, terrifiants, violents. Cependant, ces mots sont bien trop faibles pour décrire la cruauté et les ténèbres qui étouffent les personnages. On assiste à un jeu de domination, de manipulation, d’égoïsme, de pouvoirs. La vengeance gangrène chaque personnage tour à tour, la haine explose au visage d’Arabella, la transperce de part en part. Mais ne soyez pas dupe, même elle n’est pas un ange.

Si les révélations se devinent vite, l’histoire n’en reste pas moins captivante. La romancière dépeint une Australie qui craint les sorcières, car celles-ci ont le pouvoir de manipuler la conscience et la mémoire. La magie est fondée sur la neurologie et offre des contraintes intéressantes dans le développement du suspense et de l’enquête d’Arabella. Les forces et les faiblesses sont dosées pour emmener notre protagoniste sur le chemin cruel du passé. Des souvenirs qu’elle aurait préféré effacer à jamais de sa mémoire vont bouleverser la vie qu’elle n’a même pas réussi à reconstruire, et salir les espoirs, les morceaux d’humanités auxquels elle se rattachait.

Malgré ses actes, malgré les sévices qu’elle a subis, notre enquêtrice possède encore une lueur vacillante au fond de son cœur. Une lumière naïve qui la raccroche à cette terre qui l’a maudite depuis sa naissance. Sarah Buschmann la torture autant physiquement que psychologiquement. Elle l’écrase, l’enfonce dans l’abyme glacial du désespoir.

En bref, Sorcière de chair dépeint la perfidie de la vengeance. Ce serpent répand son venin, corrompt les âmes et noircit chaque cellule jusqu’à étouffer tout espoir. Sous ces airs d’enquête simple, l’autrice offre une histoire dont personne n’en ressortira indemne. Personnages et lecteurices.

Le Festin des goules de Gilles Debouverie

  • Titre : Le Festin des Goules
  • Auteur : Gilles Debouverie
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : horreur fantastique

Le Festin des Goules est la suite indépendante du Talisman. Je recommande de les lire dans l’ordre chronologique, car Gilles Debouverie ne cache pas les rebondissements de la première enquête ce qui serait dommage si vous souhaitez la découvrir.

Douglas Campanelli est un ancien pêcheur qui vit reclus dans sa belle villa située au bord de l’océan. Une nuit, il est réveillé par un individu étrange qui le somme d’avouer son implication dans une vieille et sordide histoire de meurtre. Pour obtenir la vérité, l’inconnu le menace d’ouvrir la porte de sa cave afin de libérer des goules voraces qu’il dit contrôler.

Carla Mendez est toujours lieutenante de police à Dunkham, petite ville côtière du Massachusetts coincée entre Plymouth et Boston. En plus de devoir gérer les problèmes de santé de son nouveau compagnon, elle est affectée à un meurtre sordide qui s’est déroulé dans un quartier où le temps semble s’être figé au siècle dernier.

Le parcours sanglant de celui qui sera bientôt appelé « L’arracheur du Massachusetts » ne fait que commencer.

Cette enquête policière horrifique s’inspire de la nouvelle Le Modèle de Pickman de H.P. Lovecraft. Il n’est pas nécessaire de l’avoir lue au préalable. Le romancier explique suffisamment ses liens et sa contribution au sein du récit pour éviter de perdre ses lecteurices. Le festin des goules est un pavé structuré en deux parties qui se succèdent comme un jeu de domino. Comme dans Le Talisman la narration se partage entre le tueur et la policière. Si j’avais adoré cette découpe dans le premier tome, ce principe m’a laissé de marbre ici. La raison tient sans doute à la personnalité du criminel. Celui-ci est méticuleux, chirurgical, froid et distant en plus d’être ambitieux, ce qui l’a rendu moins humain, moins cynique, moins mordant que l’esprit du talisman.

L’enquête nous plonge dans le domaine artistique macabre et cauchemardesque qui rappelle les tableaux d’un Füssli, mais en plus trash. Les créatures terrifiantes se repaissant de la chair des victimes. Si la question Faut-il séparer l’œuvre de l’artiste ? est évoquée dans ce roman, elle n’est ni argumentée, ni décortiquée. L’auteur laissant en suspens cette interrogation sans montrer son parti pris. On y voit également des hommes censés être respectables s’adonner à leurs vices en toute impunité. Une violence extrême se dévoile sous les coups de plume de Gilles Debouverie qui jette des atrocités à la figure des lecteurices. Si vous êtes fragiles, passez votre chemin, car les révélations dénoncent les pires folies dont sont capables les hommes. Face à ses scènes de genre, les goules nous apparaissent tels des moutons inoffensifs.

J’ai adoré retrouver Carla et son caractère de molosse. Elle mord les piètres idiots qui ont des préjugés avec un bagou incroyable. Elle oscille toujours entre sa franchise et ses remords, car elle se rend bien compte que ces propos peuvent impacter dangereusement le mental des autres.  

En bref, Le Festin des Goules nous attable en compagnie des pires vices de l’humanité. À cette table, nous y dégustons l’ambition morbide qui repousse les limites de la cruauté. Nous découvrons le véritable visage des monstres assouvissant leurs désirs de sang, de vengeance et de gloire dans une enquête un peu longue, mais dont l’horreur ravira les papilles des dévoreurs du genre.    

Des amours de soie de Martine Roland

  • Titre : Des amours de soie
  • Autrice : Martine Roland
  • Éditeur : Éditions Academia
  • Catégorie : roman noir

Attirée par les sorties de la collection Noir Desseins des éditions Academia, je n’ai pas résisté quand j’ai vu Des amours de soie dans la campagne masse critique de Babelio. Je remercie ce site bibliophilique et cette maison d’édition belge pour ce service presse qui a bousculé ma routine de lecture.

Qui es-tu, Milosz ? Un enfant de l’ombre, envahi par ta passion pour l’araignée tégénaire. Un jeune homme fragile, brisé par un premier amant volage, et réconcilié avec toi-même grâce à l’amour patient d’un père d’accueil et d’un sculpteur de talent. Tu deviendras un éminent entomologiste. Ultime consolation dans tes désillusions, ta passion te poussera-t-elle jusqu’à l’interdit ? Pourras-tu renouer avec toi-même et avec ton passé ? Peut-on te sauver, même au prix de l’amour inconditionnel ?

Ce roman est à l’image de la patience de l’araignée. Il esquisse, puis épaissit le portrait sur plusieurs années de Milosz. Structuré en trois parties, on assiste à sa situation de larve maltraitée, à sa métamorphose et à sa folie. Dès les premières pages, nous sommes plongés dans les profondeurs de l’obscurité. Cette cave où le garçon rencontre les êtres de l’ombre qui vont le passionner et diriger sa vie. À qui il va s’identifier, n’ayant comme exemple d’humanité que la violence paternelle et le harcèlement scolaire. Martine Roland tricote le monde souterrain avec tendresse et chaleur alors qu’elle percute au burin la famille de Milosz.

L’absence d’amour laisse sa marque sur le cœur de notre protagoniste. Tant qu’il n’avait pas goûté à cet hydromel, cette notion restait abstraite et détestable. À partir du moment où il le savoure, ce sentiment s’insinue dans ses veines à la façon du venin. Il le corrompt, le drogue et l’attire dans les méandres de la folie dans laquelle il s’englue. L’angoisse l’étouffe tout comme son ego qui se frotte à celui des autres.

Malsain, cruel, étrange. Ces mots incarnent le développement de cette descente en enfer où l’arachnologie et l’art s’entremêlent. On en apprend énormément sur nos amies les araignées. Une description de leur comportement annonce la couleur au début de chaque chapitre et assure un parallèle avec les actions de Milosz en plus de jouer le jeu de l’anticipation. J’ai également adoré l’apparition de l’œuvre de Louise Bourgeois qui y trouve une place d’honneur. Maman impressionne par son gigantisme et sa technique. Elle incarne avec perfection le conflit interne de l’antihéros : sa relation avec sa propre mère et avec lui-même. Inaccessible du haut de ses pattes, elle symbolise son rêve et son cauchemar d’enfant : protectrice et dangereuse. L’araignée en bronze nourrit sa relation avec Sergio, le sculpteur qui va l’aider à muer sans pour autant voir la noirceur envahir le cœur de Milosz.  

Maman de Louise Bourgeois

En bref, Des amours de soie tisse les conséquences désastreuses de la privation d’amour au moment de l’enfance et de la violence. À travers le prisme des arachnides, l’autrice sculpte la déchéance d’une âme abandonnée aux supplices des émotions et de la noirceur. Un survivant dont l’ego se frotte à de fortes personnalités dont les actes l’enfoncent dans son besoin fou de grandir, de se métamorphoser et d’exister.

Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023 (anthologie)

  • Titre : Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023
  • Auteur.ices : Maya Bonnier, Nathanaël Donné, Christelle Jansen, Hanaé-Lou Kerkhofs, Michelle Stuyven, Lou-Anne Usewils
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégories : nouvelles, fantastique

Les précommandes de février chez Liv’S éditions annonçant la parution d’un second volet, j’ai sorti de ma pal Les Nouvelles Portes de l’imaginaire – AJILE 2023 qui contient six textes écrits par des auteur.ices en herbe. Cette anthologie a été réalisée en collaboration avec l’association bruxelloise AJILE.

Comme à mon habitude, j’ai lu une nouvelle par jour, me laissant bercer par ces débutant.es, ces inconnu.es que j’aimerais encore rencontrer dans mes aventures livresques dans le futur pour certains d’entre eux. Malgré des plumes parfois académiques, j’ai été touchée tour à tour par l’émotion, l’originalité, la maîtrise stylistique et la simplicité. Toutes les nouvelles ne me laisseront pas un souvenir intense, cependant, elles méritent d’être découvertes.

J’ai particulièrement apprécié la douceur et la force de l’amour fraternel/la sororité dans La nouvelle chance de Nathanaël Donné. Cette histoire est trop chou alors qu’elle aborde la thématique du deuil et du pouvoir de la musique. À croire que les planches de la scène m’ont capturée dans ce recueil, car Danza Danza, stellina de Christelle Janssen m’a envoûtée de ses entrechats et pointes machiavéliques qui témoigne de la cruauté de l’univers des ballets. Enfin, Le miroir maudit de Lou-Anne Usewiks m’a renvoyé à l’époque des contes merveilleux et moralisateur en dénonçant la cupidité du narrateur en quelques lignes.

La voleuse des toits de Laure Dargelos

  • Titre : La voleuse des toits
  • Autrice : Laure Dargelos
  • Éditeur : autoédition
  • Catégorie : fantasy

J’ai découvert La voleuse des toits grâce à la toute première box livresque que j’ai acquise chez Escape with a book. Il était grandement temps que je sorte cette jolie brique de ma pal, surtout quand on sait que les droits du roman ont été rachetés par les Éditions Rivka entre-temps après le succès de Prospérine Virgule-Point et la Phrase sans fin qui me fait diablement envie. J’évitais de me le procurer tant que je n’avais pas ouvert La voleuse des toits. Cette chronique est réalisée sur la version autoéditée.

Véritables piliers de la société, les règles écarlates ont prohibé toutes formes d’expression : l’art, la littérature et la musique n’existent plus. Chaque jour, la milice multiplie les exécutions pour asseoir l’autorité du régime. Demoiselle respectable le jour et voleuse la nuit, Éléonore Herrenstein s’élève contre l’ordre établi. Elle qui espère rejoindre la rébellion et renverser le gouvernement, la voilà brusquement fiancée à l’un des hommes les plus puissants du royaume. Qui est donc Élias d’Aubrey, cet être impénétrable qui semble viser le pouvoir absolu ? Et pour quelles sombres raisons sa famille dissimule-t-elle une mystérieuse toile, peinte un demi-siècle plus tôt ? Éléonore ignore encore que sa quête l’entraînera bien plus loin qu’elle ne l’imagine. Dans un voyage au-delà du possible…

Le roman est structuré en trois parties qui correspondent presque à une trilogie regroupée en un seul livre. Je dis presque, car pour réussir une bonne série, chaque tome doit avoir sa propre histoire qui s’intègre dans le fil principal sans pour autant nous sauter aux yeux dès le premier roman. Or ici, nous n’avons qu’une unique trame découpée entre plusieurs personnages. Nous suivons d’un côté Plume et Elias et de l’autre un groupe de rebelles.

Dès les premières lignes qui mettent en scène la furtivité de Plume (Éléonore Herrenstein) au sein de la nuit, j’ai été happée par l’histoire. Toutefois, quelques longueurs ont fini par me détacher du texte auxquels j’espérais me rattacher par la suite. Surtout que j’avais deviné l’un des gros retournements de situation avant la moitié du livre. Si la passion n’est pas revenue, j’ai apprécié le sentier obscur que l’autrice a choisi pour atteindre la fin de l’histoire et qui évitait une facilité scénaristique que d’autres n’auraient pas hésité à emprunter pour redorer l’image de l’antagoniste.

Plume est la fille de l’ancien ambassadeur du pays d’Orme. Logée dans les beaux quartiers de Seraën, elle se sent prisonnière des murs de la cité qui la protège de l’ennemi, Valacer. Alors, elle profite de la nuit pour se balader sur les toits. Elle brave l’autorité de l’Oméga en dessinant à la craie et en pénétrant dans les bas-fonds. Une liberté qui lui sera d’autant plus chère quand elle deviendra la fiancée d’Elias d’Aubrey, un héritier de La Ligue écarlate qui terrorise le peuple sous le joug de l’Oméga.

« Elle était devenue une voleuse des toits qui, à la nuit tombée, usait de l’obscurité pour dérober au gouvernement une part d’espoir. Un morceau de ciel étoilé qu’elle glissait sous son oreiller et qui l’accompagnait dans chacun de ses songes. »

Nous avons une héroïne pure dont les graines de la révolte ont germé grâce à une injustice et s’enracinent au fil de ses interactions avec Elias et les rebelles pour éclore en espoir. Cependant, nous sommes loin d’une donneuse de leçon éclairée sur tout. Intrépide, Éléonore est aussi fataliste et terriblement rêveuse. Les deux ne sont pas incompatibles. Lorsque la flamme de l’espoir vacille dans son cœur, il suffit du souffle d’une personne proche d’elle ou une situation inextricable pour la raviver. Sa détermination reflète la naïveté de la jeunesse, ce manque d’expérience et de lucidité qui permet d’envisager l’ensemble des conséquences d’un acte. Ainsi, elle apprendra à ses dépens (et à ceux des autres) que tout symbole de révolte ou toute solution empreinte de justice engendre des causes multiples, bonnes comme tragiques. 

Elle apprend à danser dans cette vie grise avec Élias. Ce seigneur ténébreux est l’archétype du beau gosse méchant au passé douloureux. Manipulateur, sarcastique, violent, il ne comporte pas de réelle surprise par rapport à son évolution psychologique. Leur relation m’a à la fois plu et déplu. Les affronts, les joutes verbales et leurs omissions m’ont égayée par leur nature. La romance m’a laissée de marbre, car je pense qu’elle n’était pas nécessaire au développement de l’histoire. La psychologie de Plume qui accepte le mariage au début du roman uniquement par obligation dessinait une femme qui n’a pas besoin d’amour pour s’attacher aux autres. Honnêtement, je l’aurais bien vue agir de la même manière par amitié que par amour. Je n’ai pas cru au développement de ce enemies to lovers. Mais, La voleuse des toits reste un roman young adulte. Et comme la majorité des récits ciblant ce public la romance doit impérativement s’établir dans les pages. Je pense que ce genre peut se passer de ce trope, se départir de cette obligation. Une histoire d’amitié peut tout aussi être poignante que l’amour entre deux personnes.  

Mis à part ce petit désagrément, j’ai adhéré au thème qui défende l’expression artistique et sa force symbolique. J’ai adoré la manière dont l’autrice a tissé ses trois lois dans son univers et l’intrigue, en dévoilant les réelles raisons de leur promulgation. Des règles qui s’arment de la propagande, de la censure pour faire régner la peur. Un système qui garde les chiens gémissants en laisse grâce à la haine de l’étranger. La guerre contre Valacer, la nation ennemie, démontre l’efficacité de l’utilisation d’une sorcière pour justifier les maux et les actes des tyrans.  

« – Je n’ai pas peur de la justice des hommes, déclara Finhen. Elle n’est qu’une institution fragile qui, sous prétexte d’œuvrer pour le bien, se révèle très souvent arbitraire. Elle a beau porter le nom de justice, elle n’est jamais juste… »

Le seul élément qui m’a dérangée concerne la notion de talent inné pour la peinture. Personne ne sort de l’utérus de sa mère un pinceau à la main et la capacité de reproduire le monde avec une perspective et des proportions parfaites. Affirmez ça, c’est éliminer toutes les heures, tous les jours, les mois, les années d’entraînement et d’assiduité pour arriver à dessiner correctement. Même les prodiges sont des amateurs sans répétition.  

En bref, La voleuse des toits place son intrigue dans une ville emprisonnée par les ambitions d’un dictateur qui use de la haine de l’étranger et de la peur pour assouvir son emprise sur un peuple divisé. À travers les mésaventures de Plume et Élias, l’autrice dévoile le dessin préparatoire esquissé sur la toile de son monde en diluant progressivement les couches de peinture qui dissimulent les desseins de l’Oméga. Une histoire et un univers simple, mais divertissant, quoiqu’un peu long.

Lullaby de Cécile Guillot

  • Titre : Lullaby
  • Autrice : Cécile Guillot
  • Éditeur : Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantastique

Je me suis procuré la novella Lullaby lors de la Foire du Livre de Bruxelles en 2023 où l’autrice me l’a gentiment dédicacée à mon prénom et à celui de ma maman avec qui je partage ma passion des livres.

États-Unis, années 20.

Hazel aime écrire des histoires horrifiques et rêve de devenir romancière. Son cœur bat pour sa jolie voisine, Blanche. Mais quand ses parents découvrent ses diverses inclinations, ils s’en indignent et décident de la faire interner à Montrose Asylum.

Là-bas, elle rencontre la fougueuse Jo et la fragile Lulla. Toutes les trois vont suivre la mystérieuse berceuse qui s’élève la nuit, les menant au sein d’un jardin abandonné…

Lullaby expose les concepts que j’aime. Il dénonce les abus patriarcaux et les comportements anormaux envers les femmes qui ne rentrent pas dans le moule. Les années 1920s pendant lesquelles se déroule l’intrigue de cette novella sont un choix d’autant plus judicieux que cette décennie symbolise l’une des ruptures avec le modèle instauré (ou devrais-je dire imposé ?) au XIXe siècle. Cette période d’essor industrielle et de changements de régime politique a été dévastatrice pour la condition de la femme qu’on enferme entre les murs du foyer, la mode les étouffant dans des corsets et les immobilisant dans des robes inconfortables. Je n’évoque pas ici des dames issues de la classe ouvrière, car Lullaby place son contexte dans le monde des riches.

Hazel provient d’une famille aisée dont les traditions lui pèsent. Aventureuse et créative, elle écrit des histoires d’horreur et rêve de devenir romancière. En totale contradiction avec ses parents qui ne la considère que comme une poule pondeuse gardée dans l’ombre de son futur mari. Alors que l’émancipation féminine revendique des droits, les cheveux courts et habillée des tenues pratiques, ils symbolisent le rejet de la modernité libératrice des années 1920s. On ne peine pas à imaginer la souffrance et la rébellion qui couve entre les lèvres scellées d’Hazel. Une jeune femme dont la lecture de son carnet va l’enfermer. Apprenant les penchants de leur fille, devenue monstre à leurs yeux, les parents l’envoient à Montrose Asylum.

Cette novella n’est pas ma première incursion dans le monde des asiles pour femme. Des documentaires sur Nellie Bly et cette pauvre Rose Marie Kennedy (la sœur du président américain) m’ont renseignée sur les horreurs perpétrées envers les femmes, pour la majorité saine d’esprit que les hommes veulent purifier ! Des femmes brisées et amenées vers la folie ou l’état de légume après des traitements que l’on ne peut qualifier autrement que de tortures. Les asiles incarnent la perfidie masculine qui a réussi à détourner le système pour continuer ses féminicides et assouvir sa dominance. Si les bûchers ont été interdits, les hommes ont trouvé le moyen légal de poursuivre leur vilenie sous couvert médical. Le mot hystérique remplaçant celui de sorcière.

Plusieurs des méthodes cruelles sont évoquées et certaines sont légèrement décrites dans Lullaby sans pour autant verser dans le voyeurisme. Cécile Guillot dénonce ces tortures avec justesse et en évitant d’enlever la dignité des femmes qui les subissent. Elles sont victimes et en même temps héroïnes.

Hazel rencontre Joséphine Foley incarcérée, car elle milite pour les droits des femmes. À son contact, Hazel se sent à la fois comprise et honteuse en raison de son ignorance sur les combats menés pour l’égalité, elle qui pensait pouvoir trouver un travail et en vivre sans aucun souci. Sa candeur morcelée par le traitement de ses parents va encore en prendre un coup. Une amitié profonde naît entre les jeunes femmes rejointes par une certaine Lulla.

Un soir, le trio est réveillé par une berceuse entonnée par un spectre du passé. Il découvre un jardin secret dans un couloir désaffecté. Un monstre y rôde. Entre rêve et cauchemar, Hazel doit démêler le vrai du faux pour éviter de sombrer dans la folie. J’ai adoré la manière dans l’autrice insère le fantastique dans la réalité brute et cruelle.

Si les personnages ne sont pas développés à fond, l’histoire reste accrocheuse par ses thématiques et la dynamique engendrer par le format court. La romancière emploie des citations de Renée Vivien pour illustrer les sentiments amoureux d’Hazel, renforçant son lien avec le monde des livres, l’écriture étant un véritable exutoire pour la jeune femme. N’étant pas du tout fan de poésie, je ne connaissais pas cette poétesse, parlant de son amour pour une femme, sur laquelle Cécile Guillot lève le voile. Une manière de contrer l’invisibilisation des femmes menaçantes par leur créativité et de rajouter une case à cocher sur la liste des combats féministes.

En bref, j’ai adoré Lullaby. Malgré un manque de profondeur chez les personnages dû au format court, la mise en scène des dénonciations des pratiques psychiatriques et médicales des asiles destinés aux femmes qui brisent les chaînes imposées par les hommes est percutante. Les épisodes s’enchaînent sans accro et nous plongent dans cette démence où la révolte ne se bat pas à armes égales avec la domination masculine. L’imagination s’allie à l’émancipation pour survivre à la cruauté patriarcale.

Quand le trèfle et le papillon vacillent d’Eva Collin

  • Titre : Quand le trèfle et le papillon vacillent
  • Autrice : Éva Collin 
  • Éditeur : auto-édition
  • Catégories : tanche de vie, suspens

Rencontrée lors de la journée du livre à Romerée en mai, j’ai été intriguée par Quand le trèfle et le papillon vacillent et son autrice bienveillante. À l’approche du Salon du livre de Wallonie où elle était présente, je me suis dit qu’il était vraiment temps de le sortir de la pal, d’autant plus qu’il figurait dans mon Pumpkin Autumn Challenge (Automne rayonnant, Siúil a Rúin, Maureen).

Emily Robinson, psychiatre cartésienne, rencontre Daniel, doux rêveur fragilisé par un deuil.

Tout les oppose, sauf leurs origines irlandaises.

Un coup du destin ? Peut-être…

Un orage précipite Daniel au milieu de la famille d’Emily, quand le neveu de 4 ans de celle-ci disparaît dans les bois.

La peur réveille alors les secrets du passé.

Quelle malédiction paralyse le père d’Emily ?

Lors des battues dans la forêt à la recherche du petit Samy, quels étranges souvenirs viennent s’imposer à Daniel ? À moins que la réalité ne se mêle aux contes de fées que lui racontait sa grand-mère ?

Entre croyances et certitudes, entre vérités et mensonges, l’Irlande les appelle, là où tout a commencé !

Multipliant les points de vue, le roman nous entraîne entre passé et présent. Après un prologue intriguant concernant le père d’Emily, l’histoire prend des allures de romance. Un départ qui m’a fait un peu grincer des dents au vu de mon désamour pour le genre. Cependant, ce passage court relatant la rencontre entre Emily et Daniel était nécessaire pour tisser les premiers liens qui contribuent au développement d’un récit dont le rythme s’accélère avec la disparition de Samy. À partir de ce moment-là, il me fut difficile de lâcher le livre tant la tension et le mystère s’enracinaient dans mon esprit à la manière de la forêt qui s’est refermée sur le petit garçon. Cet événement inquiétant marque l’érosion des apparences et des souvenirs pour exposer les effets dramatiques des traumatismes sur le comportement des personnages, sur les barrières qu’ils ont érigées et les remèdes employés pour apaiser la douleur.

Démunie depuis sa plus tendre enfance face à la détresse de son père, Finn, Emily s’est tournée vers la psychanalyse en se spécialisant dans le stress post-traumatique. Cartésienne dans l’âme, elle va devoir faire une place aux croyances pour débloquer la situation. Elle y arrive grâce à Daniel qui ébranle ses convictions sur le destin et la chance. Adepte du contrôle, c’est dans le lâcher-prise qu’elle trouvera la solution. J’adore sa capacité à se mettre dans les chaussures des autres pour les comprendre et les aider réellement.

Doux et bienveillant, Daniel ne peut abandonner la famille lors de la disparition de Samy. Il participe activement aux recherches, ce qui déclenche un sentiment de déjà-vu. Des souvenirs refont surface. Les légendes racontées par sa tendre et défunte Nana dont il n’a toujours pas fait le deuil. La mélancolie et la tristesse imprègnent ses pas au début du roman. L’étincelle de la vie reprend quand il rencontre Emily. Malgré la douleur et l’incertitude du passé, il ne reculera devant rien pour déterrer les secrets. À travers son histoire, on ressent à quel point l’imagination possède un pouvoir cathartique puissant, même s’il n’est pas toujours bon d’effacer les mauvais événements.

Enfin, je parlerai de Finn, le père d’Emily. Le déclencheur de la course aux secrets. Celui qui incarne la victime transformée en bourreau. Un autre personnage le symbolise également par son passé, mais ce serait trop en dire l’évoquer. Le poids de la culpabilité le ronge au poids qu’il n’a plus voulu remettre les pieds en Irlande. Des années grignottées par le fatalisme, la malédiction et la négativité à cause de l’ignorance et le conditionnement.

Un conditionnement que je préfère chez Emily qui partage la pensée positive. Vous savez le fait d’imaginer une réussite, une victoire afin que celle-ci arrive plutôt que d’angoisser sur les possibles échecs ? Cette magie que nous devrions tous pratiquer pour que de bonnes choses croisent notre chemin et que nous accomplissions nos objectifs.

En bref, Quand le trèfle et le papillon vacillent est un roman choral d’une grande puissance émotionnelle. Imbriquant légendes irlandaises et traumatismes, il déterre les secrets de famille pour mieux guérir les blessures profondes de personnages attachants. 

Nouvelles de L’Ouest – Crépuscule (anthologie)

  • Titre : Nouvelles de L’Ouest – Crépuscule
  • Auteu.rices : Clémentine Charles, Corentin Macé, Emilie Ansciaux, Ghislain Gilberti, Gilles Debouverie, Guillaume Beck, Jo Hanscom, Julien Schneider, Morgane Pajot, Norman Jangot, Renaud Crepel
  • Éditeur : Liv’S Editions
  • Catégorie : nouvelles, horreur

J’ai des difficultés à trouver chaussure à mon pied concernant l’horreur. Et encore moins lorsqu’il s’agit de western. Cependant, je commence à devenir accro aux anthologies de Livr’S éditions et quand plusieurs autrices issues de Licares y participent, il m’en faut peu pour faire sauter la pression qui retient les pans de mon portefeuille.

Nouvelles de L’OuestCrépuscule est l’un des tomes d’une série de deux anthologies du genre horrifique basées sur le sujet du western. Alors que Crépuscule a été présentée comme sanglante à souhaite, aube serait plus « douce et psychologique ». Je n’ai pas encore lu la deuxième, je ne peux donc que certifier les effusions de sang dans la première.

Alors qu’une liberté de temps permettait aux auteurs d’éviter le récit historique, peu de textes dans ce recueil se sont éloignés de cette période aride et cruelle où les lois des Hommes blancs dominent et étouffent les autochtones au mépris des croyances ancestrales et pourtant bien vivantes. Si l’intrigue se situe de nos jours, la narration immerge les lecteur.ices dans le passé comme au cinéma. On retrouve les ingrédients propres au Far West, cette période inventée par les producteurs sur une fondation réelle du Nouveau Monde. Pistolets, Chevaux, Saloon, vulgarité et violence sont au rendez-vous.

La condition de la femme n’est pas épargnée. Toutefois, elle ne se présente pas uniquement dans le rôle de la prostituée bien que la violence lui colle à la peau. Elle étonne dès qu’elle sort du carcan patriarcal et est désignée sorcière, source de tout les maux (par exemple, Brume et Ce qui gronde).

Le folklore amérindien s’immisce, bien entendu, dans les récits pour punir le mépris et reprendre ses droits sur les terres colonisées. Toutefois, ce n’est pas les seules légendes qui colorent les textes.

N’étant pas bon public pour ces deux thématiques (horreur et Western), mon avis est plutôt mitigé sur la globalité de l’anthologie. Certaines histoires ont réussi à me conquérir, d’autres à me divertir et les dernières m’on laissée sur le quai, regardant les vapeurs de la locomotive s’éloigner à l’horizon. Comme d’habitude voici mes trois nouvelles préférées dans leur ordre de parution dans le recueil :

Jérôme de Jo Hanscom

Chiara est en vacances avec sa famille aux USA. Parcourant les routes américaines, elle ronchonne, car son père souhaite les emmener à Jérôme, une ville reconstituée qui immerge les touristes dans le Far West. La jeune femme déteste tout ce qui touche au Western : les cowboys, le rôle des femmes, la concupiscence, la vulgarité et le manque d’hygiène ! C’est dans ce décor respirant l’authenticité que les choses vont déraper. En effet, les acteurs incarnent à la perfection leur rôle, un peu trop en vérité.

L’intrigue est super bien menée. Même si on se doute de certains points, j’ai été happée par la plume dynamique qui projette l’horreur sur Chiara. Malgré l’absurdité qui l’a frappe, elle démontre un sang-froid héroïque au vu de la situation.

Red Coyote de Morgane Pajot

Cette nouvelle se partage entre lettres et journal intime. Joséphine a été abandonnée par son chauffeur de diligence dans une bourgade malfamée. Elle loge au Red Coyote, un saloon de dépravés. Tout y est crasseux et horrible. Le gérant la voit clairement comme un bout de viande exploitable. On pourrait avoir de la peine pour elle, mais on ressent d’abord ses manières de bourgeoise et son caractère hautain.

Les écrits se succèdent, nous plongeant dans l’évolution psychologique de Joséphine. Lassitude, psychose, résignation, paranoïa et acharnement vont être ses nouvelles amies lorsqu’elle sent des regards lubriques à travers les parois et des courants d’air glacial. Progressivement, le récit se teinte de fantastique. Les fantômes hantent les murs du Red Coyote marmonnant des horreurs sur ce qui fut, si bien qu’on se demande quel Mal sera le moins pire pour Joséphine.

Peacemaker de Julien Schneider

John B.Chesterfiel se réveille avec de drôle de sensation. Normal, vu qu’il est mort. À peine remis de son étonnement, Avispa lui explique pourquoi il l’a transformé en zombie. Il doit aller sauver sa fille des griffes des Hommes blancs. Une mission surprenante quand on rencontre Nascha qui se débrouille à merveille pour trucider les mâles de la plus terrifiante des façons pour eux. Nous sommes loin de la princesse en détresse et du chevalier servant pour mon plus grand plaisir. Peacemaker renie son titre tant le récit est trash et léger à la fois. Les épisodes s’enchaînent humour, tension et action avec un dynamisme prenant. La tournure des événements dans les dernières pages est inattendue et diabolique. Je crois sincèrement que c’est la meilleure scène horrifique que j’ai lue de ma vie. Et on sait à quel point c’est un défi de me faire frissonner.