Nouvelles du front

  • Titre : Nouvelles du front
  • Auteur.ices : A.D. Martel, Aurélie Genêt, Barbara Cordier, Gauthier Guillemin, Katia Goriatchkine, Keryan Biguet, Lancelot Sablon, M. d’Ombremont, Pascal-Marc Biguet, Silène Edgar
  • Éditeur : Livr’S  Éditions
  • Catégorie : nouvelles

À peu près chaque année, Livr’S Éditions lance un appel à texte pour une anthologie sur un thème bien précis et un genre. Nouvelles du front regroupe une série de récits sur la guerre qu’elle soit historique, imaginaire ou futuriste sous une influence fantastique. Ce dernier aspect y apparaît de manière parfois ténue, soit plus palpable. Cependant, aucune nouvelle n’offre de batailles où les sortilèges volent à tout va. La magie s’infiltre plus subtilement, plus intelligemment que le sujet aurait pu supposer. Entre légendes, créatures et croyances, les visions sur la guerre sont multiples. Tour à tour sont exposés l’absurdité, les raisons, l’horreur, la jouissance des vainqueurs dont le pouvoir leur offre un sentiment d’impunité, les impacts psychologiques et la place de la femme dans ce monde longtemps dominé par les hommes.

Pour une fois, je vais partager un top 4, car l’une des nouvelles m’a procuré un sentiment…étrange. Si vous me suivez depuis un moment, vous verrez qu’en lisant le nom des autrices, il n’y a pas de surprises. La guerre ne faisant pas partie de mes sujets de prédilections, j’ai acheté Nouvelles du front principalement parce qu’elles y avaient participé. Comme d’habitude, je les cite dans l’ordre de parution dans le livre.

Dans le noir de Silène Edgard

Un soldat reste sur place abandonné dans la nuit par ses frères d’armes, non par lâcheté ou par blessure, mais parce que la malchance lui a fait poser le pied sur une mine antipersonnel qui explosera lorsqu’il bougera. Dans sa tourmente, il voit défiler son père, son frère, son fils inexistant et une certaine Michelle.

Entre hallucination, espoir et angoisse ce texte est prenant, déboussolant. Il défend des valeurs de paix, dénonce la bêtise humaine qui produit de bons petits soldats, et l’horreur.

Il s’agit du récit qui me laisse un sentiment étrange. Dès le départ, Silène Edgar le dédie à Boris Vian. Cet hommage rappelle le style et la rêverie de l’auteur au point qu’il a fait écho en moi alors que j’ai lu l’Écume des Jours il y a quasiment deux décennies ! C’est dire à quel point l’analyse de cet écrivain m’a marquée. Du coup, je n’arrive pas à dire si j’ai aimé ma lecture pour le texte en lui-même ou par la nostalgie qu’il m’a procuré et cet effet reflet. Je pense que je n’ai pas besoin de trancher. J’ai ressenti quelque chose d’unique grâce à un lien entre présent et passé et c’est suffisant. Je remettrais peut-être du Boris Vian dans ma pal. Ce serait l’occasion de relire ce romancier avec l’esprit de l’adulte que je suis devenue et de le confronter à l’avis de l’adolescente que j’étais.

La muraille de morts de Katia Goriatchkine

Brian Addison rejoint la retraite de Dale Fernsby, un héros de la guerre du Vietnam. Il le convainc de lui livrer la vérité sur cette pension précoce qui a déjà fait les gros titres des journaux. En compagnie de son équipe, nous plongeons dans la jungle qui recèle bien des secrets. Relatant les pratiques peu reluisantes de l’armée américaine tel le Body Count, Dale expose les méfaits que lui et ses soldats ont commis. La découverte d’un village au fin fond de la forêt va bousculer ses croyances et son esprit.

J’ai adoré l’habilité de l’autrice a utilisé les traumatismes de guerre. Elle développe un message fort dans lequel elle imbrique le fantastique avant de déconstruire le tout avec brio. Je ne m’attendais pas à ce retournement de situation.

Le sang des Ianfu d’A.D. Martel

Les Ianfu sont les Chinoises et les Coréennes enlevées par les Japonais pour en faire des esclaves sexuelles. Nous suivons Na-ri, emprisonnée dans les caves de l’une de ces prisons. Ce bout de femme qui porte un courage énorme malgré la situation horrible qu’elle vit quotidiennement. Entre coups et viols, l’espoir revient la visiter de temps en temps : lorsque les règles lui offrent du répit ou quand Kinjiro se glisse dans sa cellule entre deux soldats. Sa rencontre avec une nouvelle détenue va changer cet enfer.

Si vous êtes sensible, ne vous risquez pas à lire cette nouvelle poignante qui relate l’un des crimes les plus monstrueux de la Seconde Guerre mondiale. Ce texte nous plonge dans l’horreur pour dénoncer les viols commis par les Japonais et le combat que ces victimes mènent par la suite. Je ne sais pas comment A.D. Martel a réussi à écrire ce récit qui enfonce ses crocs dans la chair jusqu’au cœur. Les larmes ont dévalé mes joues à sa lecture. J’aurais voulu surgir dans l’histoire, protéger Na-Ri et les autres femmes de réconfort. Les sortir de cette captivité où elles sont réduites à des objets sexuels. Le dénouement m’a procuré un sentiment sauvage qui accompagnait ma révolte face à cette page de l’histoire.

Choisir la forêt de M. D’Ombremont

Nous suivons un elfe sur-le-champ de bataille. Avant, pendant et après le combat. Loin d’un Legolas prêt à en découdre, notre protagoniste partage son angoisse. Il lutte pour ne pas fuir et se cacher dans la forêt.

J’aime les écrits de M. D’Ombremont pour le traitement psychologique profond qu’elle y développe. Cette nouvelle ne fait pas exception. On observe par les yeux, les oreilles et le cœur de cet elfe, ses compagnons d’infortune, son cœur et l’évolution de cette bataille qui passe par diverses étapes. Un combat externe et interne qui entraîne alternativement les plateaux de la balance de la détermination de l’elfe (lutter ou déserter). L’autrice, également blogueuse, a écrit un billet intéressant sur le développement de Choisir la forêt. Je vous invite à le lire.

4 commentaires sur “Nouvelles du front

  1. Le thème a priori ne m’aurait pas tenté mais il semble avoir inspiré les personnes ayant participé si j’en juge tes avis. Le sang des Ianfu a l’air particulièrement dur à lire, mais il est nécessaire de parler de ce drame peu connu en France…

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    1. Tout à fait d’accord. C’est important de montrer les actes horribles du passé. Surtout sur des civilisations adulées par lecture de manges ou le visionnage de drama et animé qui évoque rarement des thèmes aussi sombres

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