Sous la loupiote de mai 2023

Sous la loupiote de mai, les teintes grises ont été soufflées dans la seconde moitié du mois par le soleil. Fidèle à cette image, j’ai relu les huit tomes du manga J’aime les sushis d’Ayumi Komura dans lesquels de futurs maîtresse sushi et pâtissier s’allient pour atteindre leur rêve. Quand je relis des mangas (souvent plus légers que les romans), c’est que la fatigue se fait ressentir. Cette relecture ne fut pas très enthousiasmante, si bien que je les ai posés sur ma pile à revendre. J’ai enchaîné avec un service presse des Plumes de l’imaginaire bien plus palpitant : Le palais des illusions de C.C. Mahon dont je vous invite à lire la chronique si ce n’est pas encore fait.

Cali, jeune Bohémienne curieuse et débrouillarde, pensait profiter de l’occasion pour se laisser émerveiller par la capitale et gagner de quoi nourrir sa famille… et pas forcément en utilisant son encombrant don de clairvoyance. Kiyoshi n’a pas choisi de quitter son Japon natal pour Paris, ni de servir les machinations de son « oncle ». Tout ce qu’il veut, c’est se libérer de cette servitude magique. Et surtout ne pas tomber sous le charme d’une jeune fille trop maline pour son propre bien.

Quand on finit un roman captivant, on a souvent envie de prolonger le plaisir, cette sensation de jouissance et de satisfaction que l’on ressent. Allié au désir de continuer des séries, j’ai pioché le dernier tome de Magic Charly d’Audrey Alwett dont je vous parlerai en juin.

Ayant pris quelques jours de congé, j’ai rattrapé mon retard dans l’écriture de mes chroniques que je vais pouvoir à nouveau planifier afin de respecter le fameux « un article par semaine ».

En parallèle de ces fictions, j’ai commencé Réinventer l’amour: Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles de Mona Chollet en prêt chez Lirtuel.

Nombre de femmes et d’hommes qui cherchent l’épanouissement amoureux ensemble se retrouvent très démunis face au troisième protagoniste qui s’invite dans leur salon ou dans leur lit : le patriarcat. Sur une question qui hante les féministes depuis des décennies, et qui revient aujourd’hui au premier plan de leurs préoccupations, celle de l’amour hétérosexuel, ce livre propose une série d’éclairages.Au cœur de nos comédies romantiques, de nos représentations du couple idéal, est souvent encodée une forme d’infériorité féminine, suggérant que les femmes devraient choisir entre la pleine expression d’elles-mêmes et le bonheur amoureux. Le conditionnement social subi par chacun, qui persuade les hommes que tout leur est dû, tout en valorisant chez les femmes l’abnégation et le dévouement, et en minant leur confiance en elles, produit des déséquilibres de pouvoir qui peuvent culminer en violences physiques et psychologiques.Même l’attitude que chacun est poussé à adopter à l’égard de l’amour, les femmes apprenant à le (sur ?) valoriser et les hommes à lui refuser une place centrale dans leur vie, prépare des relations qui ne peuvent qu’être malheureuses. Sur le plan sexuel, enfin, les fantasmes masculins continuent de saturer l’espace du désir : comment les femmes peuvent-elles retrouver un regard et une voix ?

Enfin, le mois de mai a rempli ma boîte aux lettres des précommandes de chez Livr’S Éditions. J’ai eu l’excellente surprise de découvrir Gold Rush de Sam Cornell parmi les nouveautés achetées. Bien que le Far West et l’horreur ne font pas partie de mes genres de prédilections (dit celle qui a craqué pour les deux nouvelles anthologies sur ces thèmes-là), j’étais intriguée par cette novella dont le résumé titillait ma curiosité. Ayant apprécié La collision des mondes, je la gardais dans un coin de ma tête en vue d’une future acquisition à un salon. Je remercie chaleureusement Émilie, l’éditrice, pour ce cadeau que j’ai déjà dévoré. 

Dakota 1876, quelques semaines après la déroute de l’armée américaine sur le champ de bataille de Little Bighorn.

Avides de sang et de vengeance, les tuniques bleues poursuivent sans relâche les troupes rebelles de Crazy Horse et Sitting Bull.

Ni le froid, ni la pluie, ni la faim n’entravent la sombre détermination de leur général, le vétéran George Crook.

Début septembre, les sinistres collines des Black Hills lui offrent une opportunité de revanche.

Mais il se retrouvera confronté à un adversaire plus coriace qu’imaginé… et défiant tout entendement…

En terminant ce bilan, je me rends compte que j’ai failli oublier de citer le point noir de mes lectures : La fille sous la glace de Robert Bryndza. Un polar décevant par le comportement de son enquêtrice.

Mai s’est déroulé sous le signe de la diversité avec des hauts et des bas. Comment s’est passé votre mois ? Avez-vous eu des déceptions ? Des coups de cœur ? Avez-vous profité du printemps pour faire le tri dans votre bibliothèque ?

Elvira : Kee’vah des clans unifiés de Tiphs

  • Titre : Elvira : Kee’vah des clans unifiés
  • Autrice : Tiphs
  • Éditeur : Plume Blanche
  • Catégorie : fantasy

J’ai connu Tiphs en tombant sur ses sublimes illustrations sur Facebook. Son art magique, merveilleux et onirique m’a séduit immédiatement. En la suivant, j’ai vu paraître ses romans Allunia. À quelques jours du salon du livre de Wallonie, je planifiais un tour sur le stand des Éditions Plume Blanche que j’avais déjà considéré sur d’autres événements sans jamais franchir le pas de l’achat. Je ne saurais dire pourquoi j’ai attendu si longtemps de découvrir son catalogue. Sans doute y a-t-il trop de choix alléchant. Couplé à mon côté indécis, je finissai pas passer mon chemin. Bref, j’hésitais entre le premier tome d’Allunia et Elvira avant le salon à Mons, la balance penchant un peu plus vers le second. Le destin m’a poussée d’une tape amicale dans le dos, car le premier était épuisé le dimanche. Elvira : Kee’vah des clans unifiés se déroule dans le même univers qu’Allunia et peut se lire indépendamment malgré quelques éléments révélateurs de l’histoire précédente.

Elvira s’enfuit de Querb Torpaq pour échapper aux commanditaires de l’assassin qui vient de tenter de la tuer dans son sommeil. Chamboulée, la Keev’ah rejoint de justesse l’un des clans dissidents du Grand Nord. Là, le chef la place sous la protection du veilleur, Rhün, qui la déteste. Bientôt, les voix de l’entremonde l’enjoignent à rentrer, car la guide spirituelle ne peut rester loin de ceux et celles qu’elle doit préserver grâce à sa magie. Une lutte entre le devoir et les désirs tapis au fond de son cœur commence. Un combat qui ne sera pas le seul à être mené, car les griffes de ses détracteurs se referment sur elle.

Apprenant la venue de l’autrice à la Foire du Livre de Bruxelles, j’ai sorti Elvira de ma pal dans l’optique de me procurer Allunia en fonction de mon appréciation. Ayant eu un mois de mars difficile, il me restait plus de cent pages au moment de m’y rendre le vendredi. Je n’ai pas attendu la fin de ma lecture tant j’étais subjuguée par le récit et surtout l’écriture pour acheter le premier tome de la série. Dynamique, fluide et vivante, la plume de Tiphs dessine un équilibre parfait entre l’action, les descriptions et la psychologie des personnages. Dès les premières pages, elle m’a donné envie d’écrire, de réussir à insuffler autant d’émotions et de substances en peu de lignes. Les scènes se déroulaient sous mes yeux comme si j’avais été happée par les voiles colorées des aurores boréales, spectatrice de cette aventure, de cette fuite vers la liberté, vers la chance de pouvoir vivre en restant soi-même. Une quête pleine de rebondissements, de douceur, de colère, de bonheur, de tristesse, d’injustice. J’ai versé des larmes tant cette histoire m’a bouleversée.

« Une Kee’vah ne montre pas ses faiblesses, Elvira. Une Kee’vah n’a pas de faiblesses. »

La Keev’ah guide le peuple à l’aide des âmes passées dans l’entremonde. Celles-ci imposent leur suprématie sur son esprit. Choisie par elles, la Kee’vah possède souvent une différence corporelle qui l’a démarque des autres. Elvira est une albinos. Dès son plus jeune âge, sa mère, Nash, la façonne, l’éduque à endosser son rôle à la perfection. Celui d’une guide spirituelle placée au-dessus de tout.es par sa prestance et son comportement. Elvira doit cacher ses émotions, rester humble et garder une certaine distance avec les citoyens. Elle ne doit pas utiliser ses pouvoirs pour sauver les vivants, malgré la peine qui lui étreint le cœur face aux visages éplorés de parents craignant la maladie de leur enfant ou les situations désespérées. Maintenir le masque impassible d’une reine à la fois humaine et divine lui pèse énormément. Elle désire ressentir, laisser couler ses sentiments sur le devant de la scène.

Au contact des membres du clan dissident (et particulièrement de Hanne et Rhün), elle va saisir les rênes de son avenir. De ses propres choix, pas ceux de Nash ou des matriarches qui manipulent chacun de ses actes et des aspects de sa vie. Ce chemin l’amènera vers des secrets oubliés de tous. Une mémoire perdue et terrifiante.

Ce roman n’est pas seulement l’épanouissement d’une femme emprisonnée psychologiquement. Il aborde des thèmes comme les préjugés que la rencontre, les relations et l’ouverture d’esprit peuvent démolir. A mes yeux, le sujet le plus important est celui à partir duquel l’histoire découle, se (dé)construit et s’incarne en Elvira : la vision de la femme par la société. On a beau se trouver dans un univers où des matriarches dirigent le clan ayant le plus de pouvoir au nord d’Allunia, les traditions reproduisent les conceptions sur le rôle de la femme qui sont issues de notre monde patriarcal. Je tairai lesquelles pour ne pas trop en dire.  

« Nous sommes faites pour vivre comme nous l’entendons, non pour correspondre à vos attentes »

Cette particularité intervient dans le développement douloureux, puis doux entre Elvira et Rhün. Le veilleur désire tant protéger son village qu’il voit d’un mauvais œil l’arrivée de la Keev’ah. Pourtant, les événements vont les rapprocher. Ils vont découvrir le vrai visage de l’autre, leurs faiblesses et leurs forces mutuelles. Un lien se noue progressivement entre eux.

En bref, l’histoire d’ Elvira : Kee’vah des clans unifiés est un roman vibrant d’émotions, à l’image des aurores boréales illuminant les montagnes enneigées. J’ ai adoré du premier au dernier mot. Tiphs manie la plume avec autant de maîtrise que ses crayons de couleur pour peindre un récit centré sur le dépassement de soi, de son éducation, des préjugés et du passé avec des révélations et un final poignants. 

Le palais des illusions (Paris des Limbes) de C.C. Mahon

  • Titre : Le palais des illusions (Paris des Limbes)
  • Autrice : C.C. Mahon
  • Éditeur : Allure Éditions (auto-édition)
  • Catégorie : fantastique

Le palais des illusions fait partie de la série Paris des Limbes dont j’avais chroniqué le premier tome Le codex de Paris un an auparavant. Ce nouveau roman sorti le 15 mai 2023 se déroule en 1900. Vous pouvez lire ce prequel indépendamment des deux autres tomes déjà paru. D’ailleurs, je n’ai pas encore lu Un Casse en enfer. Si j’avais apprécié l’enquête surnaturelle de Germain Dupré comme une lecture divertissante, j’ai adoré Le palais des illusions qui m’a emprisonné entre ses pages. Je remercie C.C. Mahon pour sa confiance.

1900. Paris présente l’exposition universelle pour la cinquième fois. Kiyoshi y œuvre comme secrétaire du commissaire Legall et faussaire pour le compte de son oncle Masao. Cali, une jeune Rromni, danse pour le plaisir des yeux et pour nourrir sa famille. Ils appartiennent à deux mondes distincts. Pourtant, un meurtre les amène à croiser leur chemin. Lorsque l’acariâtre Agrippine Martin est balancée par-dessus le garde-fou du tapis roulant, c’est la mère de Cali qui est accusée. Devant préserver les secrets de ses employeurs, Kiyoshi garde à l’œil la Bohémienne déterminée à disculper Mama.

Ce roman nous transporte à la charnière des siècles. À la Belle Époque où les Dames défilent en longue robe corsetée et les hommes dirigent en costume austère. Une ère pendant laquelle les cultures s’entrechoquent dans cette période où l’innovation et l’ingénierie semblent sans limites, un moment durant lequel le paraître règne, surtout quand il s’agit de montrer la gloire d’un pays. C’est ce qu’incarne l’exposition universelle où les décors en papier mâché offrent une image idéalisée de contrées lointaines. Une illusion trop propre, éloignée de la réalité, car elle associe des éléments folkloriques sans respect pour l’authenticité des lieux d’origine. Pourtant, ces portraits attirent, remodèlent les pensées et bousculent la créativité des autochtones.

Dès le XIXe siècle, le choc culturel provoque de l’émulsion, de l’adoration pour les civilisations lointaines. Les Européens s’approprient, souvent mal, les objets, vêtements, traditions qui les envoûtent par leurs exotismes. Cette attitude exaspère profondément Kiyoshi. Celui-ci voit l’envers du décor invraisemblable, les conditions de vie des « acteurs » de cette scène internationale, surtout quand Madame Martin s’en prend à eux pour une question de loyer non payé.

Peu commode, voire imbuvable en raison de son avidité, Agrippine Martin a une liste d’ennemis (et de susceptibles assassins) bien trop longue pour nos deux protagonistes. Son bourreau est facilement identifiable, même si nous n’avons pas toutes les cartes en main à propos des mobiles. Qu’est-ce qui t’a maintenu en haleine tout au long du récit si ce n’est pas l’enquête ? me direz-vous sans doute. La réponse est simple : Cali et Kiyoshi. Leurs personnalités, leur rencontre, leur relation, l’évolution de leur histoire m’ont captivée. Une romance slow burn se développe avec une lenteur qui ne plaira peut-être pas aux amateurs du genre, car tous est édulcoré et délicat. Ce sont des réactions, des paroles, des réflexions qui parsèment le livre au fil des pages. C’est une rencontre entre deux êtres diamétralement opposés qui rêvent de vivre de manière authentique envers soi-même. Un choc entre deux cultures. Une Rromni, marginalisée par son statut, qui apprivoise un Japonais serré dans un étau de pessimisme à cause de son vécu et de la maltraitance de Masao. Kiyoshi désire au plus profond de lui la liberté. Il envie la franchise de Cali dont les émotions éclatent au grand jour sans filtre. Pourtant, elle possède aussi des secrets qui brident ses envies. Le poids des traditions enclave ses désirs. Des lois séculaires qui élèvent des barrières entre les peuples et engendrent des parias. Sa famille étant la chose la plus importante dans sa vie, Cali devra affronter ses craintes et trouver un équilibre entre son cœur et son esprit.

Notre petite bohémienne est un personnage fort, vivant, authentique, brisant les préjugés avec bravoure malgré les difficultés rencontrées par son statut de nomades et de femmes. Rappelons-le, cette période n’est pas charmante avec la gent féminine. Si celle-ci se bat pour ses droits et acquiert des postes dans des métiers réservés à la base aux hommes (nous avons ici le bel exemple d’Adeline Mercier, reporteresse à la Gazette des finances [oui, oui, des finances]), le patriarcat assied son oppression et façonne des comportements et des visions construites de toutes pièces tels l’homme est fort et la femme un être frêle. D’abord protecteur, Kiyoshi se rend compte qu’il est bien plus faible que la demoiselle qui se relève malgré l’angoisse et les coups durs, alors que lui grogne entre ses dents, caché dans sa tanière intérieure.

C.C. Mahon nous offre un roman riche en émotions dans un cadre maîtrisé. Les recherches minutieuses sur le contexte, l’exposition universelle, les développements urbains, etc. sont palpables dans les décors, l’émerveillement de Cali, l’exaspération de Kiyoshi, les éléments qui semblent anodins sans l’être. Elle y incorpore avec soin, sans que ça jure avec ce paysage la magie bohémienne et nippone. Les superstitions et le folklore s’invitent avec naturel. Ils servent l’évolution de nos personnages et de l’histoire.

En bref, Le palais des illusions nous embarque aux portes d’un nouveau siècle où les différences s’entrechoquent, s’affrontent et s’entremêlent pour donner une meilleure version de deux âmes désirant vivre sans masque ni secret dans une société où le paraître et les règles patriarcales dominent. Ce roman montre le pouvoir libérateur que l’ouverture d’esprit et la compréhension de l’autre peuvent engendrer.  

Journal intime d’un dieu omniscient d’Adrien Mangold

  •  Titre : Journal intime d’un dieu omniscient
  • Auteur : Adrien Mangold
  • Éditeur : Les éditions de l’Homme sans nom
  • Catégorie : fantasy

Quand je me suis rendue au Salon du Livre de Wallonie de Mons, j’ai eu l’excellente surprise qu’Adrien Mangold me reconnaisse. Cet homme a une mémoire de dingue sachant qu’on s’était rencontré en 2020 à Bruxelles. Ce salon draine tellement de monde, ça m’a impressionné, surtout que je suis du genre discret. Sa présence annoncée sur les réseaux de L’Homme sans nom pour la Foire du Livre de Bruxelles, j’ai sorti Journal intime d’un dieu omniscient de ma PAL.

Bienvenue sur Astria ! Le dieu éponyme endosse le rôle de guide touristique pour nous faire découvrir sa planète. Enfin, pas totalement, car c’est à travers les écrits de son bras droit, Ysmahel, que l’on explore ce monde où les créatures élémentaires évoluent.

Le début de ce roman est excellent. Le divinité y interpelle son conseiller pour retranscrire ses pensées. C’est vivant, comique, dynamique, plaisant dès la première page. On perçoit de suite la relation particulière entre ses deux êtres et une partie de leur caractère respectif.

L’univers bâti pour l’auteur, oups, Astria (sait-on jamais qu’il m’entendrait) est original. Il a réfléchi à tout, de la répartition de ses contrées à l’action du soleil, du jour et de la nuit. Les aspects de la planète (climat, rotation, reproduction) sont contrôlés avec l’œil du chef d’orchestre qui empêche la disharmonie, car la divinité craint de reproduire les erreurs de son homologue qui gérait la Terre. Une paranoïa qui enclenche des prises de décision parfois…radicales, malgré son amour pour ses enfants dont il adore suivre la vie.

C’est d’ailleurs sur l’observation de quelques âmes que la narration est basée. Des chapitres minuscules (rarement plus de 2 pages) alternés avec des explications de type encyclopédiques sur le monde ou des intermèdes entre Astria et Ysmahel. Les commentaires sur le world-building m’ont fait penser au travail des auteur.ices de fantasy, ce qui m’a fait sourire. Ces passages permettent de comprendre le fonctionnement de la planète et les relations entre les créatures élémentaires jusqu’à leur système de non-reproduction. En ce cas, l’approche d’Adrien Mangold est intéressante, car il nous propose un monde où le sexe n’est pas source de danger et d’insécurité pour la femme (je vais le dire clairement, hein !). Toutefois, il n’élimine pas la hiérarchie des sexes, il s’amuse à les inverser jusque dans leur conception et à jouer sur les valeurs qui nous sont connues.

Astria est un Reinaume dont la nouvelle couronne vient de monter sur le trône. Les clans sont régis sous le signe du matriarcat, où le foyer et l’éducation des marmots sont considérés comme nobles tandis que les hommes et le travail sont des tâches ingrates. Tout comme les Terriennes le ressentent encore aujourd’hui, les mâles d’Astria regrettent et dénoncent cette domination. Ils revendiquent le droit de participer à l’enseignement et à la paternité ! On voit le contraire également, via Exalée, une nibérienne qui veut devenir charpentière ! Elle incarne la femme qui ose exercer des métiers d’homme. Elle est considérée comme impure, car elle s’abaisse à ça !

Le journal est empli de petites thématiques qui jouent sur les combats et les problématiques de notre terre. Je vous laisse découvrir tout cela parmi les bâtisses religieuses de tissus, les montagnes qui ont la bougeotte et les sous-marins de croisière vivants. Comme dans Prototype, Adrien Mangold déploie une imagination gargantuesque. Il sculpte de décors époustouflants qui amuseraient plus d’un illustrateur ou graphiste de cinéma.

Le rythme et les choix scénaristiques en font un OLNI. On parcourt Astria tel un.e explorateur. ice avec l’impression de suivre un long fleuve tranquille connaissant quelques remous qui dissimulent des cascades vertigineuses. Dont une fin des plus…amusante, à l’image de l’introduction.

Un humour présent dans les joutes verbales entre Ysmahel et Astria. Le conseiller n’hésite pas à le reprendre, le contredire et à le confronter à ses choix, notamment quand il s’inspire un peu trop de la Terre. Il commente avec cynisme en note de bas de page, ses propos. J’ai adoré son personnage et pas seulement parce que j’aimerais avoir un scribe pareil qui écrirait mes pensées avant qu’elles ne s’échappent de mon cerveau à tout jamais.

La plume du romancier est toujours aussi incroyable. Les tournures, les expressions sont originales et fournies. Le vocabulaire inventé pour ce monde teinte le texte et nous dépayse. On a l’impression d’y être et de parler peu à peu astrian !

En bref, Journal intime d’un dieu omniscient est un livre extra-ordinaire. Adrien Mangold joue avec les codes du métier d’auteur.ice en fantasy et les problématiques sociétales actuelles pour construire un roman unique qui ne plaira clairement pas à tout le monde. Si vous tentez l’aventure, démunissez-vous des attentes liées au genre. Ce livre est un défi. Un pari réussi pour moi.     

Je vais décoincer mon boss A.D. Martel

  • Titre : Je vais décoincer mon boss
  • Autrice : A.D. Martel
  • Éditeur : autoédition
  • Catégorie : comédie romantique

Lorsqu’ A.D. Martel m’a proposé en service presse Je vais décoincer mon boss, je n’ai, bien entendu, pas pu refuser tant j’avais adoré les précédents tomes de cette série de comédie romantique : Je vais choper mon boss. Si les deux peuvent se lire indépendamment, je recommande, néanmoins, de les lire, car l’identité de la personne qui s’en prend à S.J. y est dévoilée. Identité dont je me doutais depuis la lecture de l’épilogue, mais que mon cerveau tentait d’occulter tant j’appréciais ce personnage. Vous l’aurez compris, A.D. Martel est une adepte du machiavélisme. Lire l’une de ses comédies romantiques, c’est comme monter sur des montagnes russes émotionnelles. Laissons cette introduction bien trop longue pour entrer dans le vif du sujet. Merci à l’autrice pour sa confiance.

La réputation d’un chef d’entreprise peut se jouer dans la chambre d’un hôtel de luxe sur l’avenue Louise à Bruxelles. Marie-Lou découvre le boss d’Electronic Dreams où elle bosse en tant qu’intérimaire, dans une salle posture. Elle le sauve in extremis et prie pour qu’il ne la reconnaisse pas. C’était sans compter la mémoire de Sung-Jae Park, un malaise et l’entremise de sa prof d’autodéfense Christine.

À l’image des Larmes de Saël, j’ai eu un doute sur ma capacité à apprécier Marie-Lou en lisant les premiers paragraphes comme c’était le cas pour Arcana. D’un naturel bienveillant, elle s’autoproclame la fée alors que les employés d’Électronic Dreams la considèrent comme une boniche, un robot ménager à qui l’on donne toutes les basses besognes, car elle ne sait pas dire non. Pire, elle trouve même des excuses à Natasha qui la brime et la rabaisse ouvertement.  Naïve, bonne poire, un optimise qui semble à toute épreuve …c’était mal parti, mais connaissant l’autrice…

La deuxième partie du chapitre dévoile un Marie-Lou qui préfère rester elle-même. Elle n’adopte pas le costume local et déambule en jeans et baskets parmi les tailleurs et les talons aiguilles. Son sourire cache une personne dans la dèche, emplie de rêves et à l’imagination débordante. Une fille qui a peur d’accomplir son rêve et le vit en secret. Luna (son surnom) possède encore son âme d’enfant. Je ne dis pas ça parce qu’elle adore les mangas et les peluches. Elle a cette innocence, cette candeur propre aux enfants qui pensent toujours que tout est possible. Cette pureté qui amène à voir le meilleur en chaque humain et qui se frotte à la réalité de l’adulte : dure et cruelle. Les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’on l’imagine. Cette protagoniste est entrée en résonance avec mon moi passé. En démarrant dans la vie active, j’étais comme elle. Une part de mon identité qui n’a pas totalement disparu. C’est pour cela que j’ai grimacé en découvrant Marie-Lou. La comparaison s’arrête là.

Plus le roman avançait, plus j’adorais sa fraîcheur et ses faiblesses. Bien que je n’aime pas utiliser ce mot pour désigner ses traits. Timidité, émotivité, indécision sont juste des caractéristiques non valorisées dans notre société. On devrait les combattre, les dissimuler, se montrer fort. Mais que signifie fort si ce n’est porter un masque ? Parler de ses erreurs, partager son ressenti, cogiter longtemps avant de prendre des décisions importantes sont des actes bien plus puissants que paraître fort.

Je m’égare, revenons à notre histoire. En raison de la situation scabreuse de laquelle elle a tiré Sung-Jae Park, Marie-Lou subit un stress important devant lui, ce qui nous offre des scènes teintées d’angoisse, de tension contrebalancées par la suite. Elle se comporte différemment et ose répliquer comme si la pression faisait sauter le capuchon de sécurité. Des propos qui la font culpabiliser après coup jusqu’à ce que le jeu initié par Christine l’amuse et que sa relation avec le PDG évolue.

Confronté à l’incarnation de l’honnêteté, le masque de Sung-Jae se fissure. D’un premier abord méfiant, froid, calculateur, il déteste perdre le contrôle et le fait bien sentir à son chaperon improvisé. L’impassible big boss lui montre son côté mauvais perdant, son cynisme et sa fourberie. Il a souvent un coup d’avance sur Marie-Lou. Toutefois, les incursions solaires de Luna lui réchauffent le cœur. Petit à petit, on découvre des facettes bien différentes de celles qu’il montrait devant Alexis dans Je vais choper mon boss. La tendresse berce la relation qui se construit entre ses deux âmes qui aspirent à vivre tels qu’ils sont. Sans se dissimuler à la face du monde. Sans craindre le jugement. Sans devoir paraître fort et garder un moral à l’épreuve de toutes les balles.

Leurs interactions m’ont fait exploser de rire, trembler, craquer devant leur mignonnerie, angoisser, sourire… J’ai adoré retrouver Alexis, David et Christine. N’ayant pas lu Je vais buter mon boss (pas encore), je ne peux pas dire s’il est préférable que vous le lisiez avant celui-ci. Par contre, lisez Je vais choper mon boss si ce n’est pas fait, car vous pourrez lire entre les lignes dans certains passages. Ça a rendu ma lecture bien plus croustillante que si j’étais tombée dans la même ignorance que Luna. Bon après, vous faites ce que voulez aussi ! 😉

Comme à son habitude, A.D. Martel intègre des thématiques essentielles dans son roman : l’insécurité ressentie par les femmes en présence d’un homme, l’écologie, la maltraitance animale, l’importance du consentement et…Je suis obligée de passer sous silence le sujet principal sous peine de divulgâcher. Il est au cœur de la relation entre Sung-Jae et Luna. L’autrice prône la diversité et l’égalité dans ses histoires. Je vais décoincer mon boss en est l’expression la plus poussée de sa bibliographie. Je ne lis pas beaucoup de romances et de comédies romantiques. Toutefois, je pense pouvoir m’avancer en disant qu’aucun.e auteur.ice n’a abordé cet aspect en pivot majeur d’une romance dans ses écrits. Ces personnes dont on entend peu parler malgré le wokisme. Dans notre société actuelle, elles ne sont pas seulement invisibilisées, mais inexistantes dans la plupart des esprits. J’ai adoré comme A.D. Martel explore en profondeur les difficultés et l’incompréhension qu’elles rencontrent au quotidien. Elle explique les nuances de cet état naturel et crée une relation saine et équilibrée.

En bref, je vais décoincer mon boss est un hymne à la diversité, la tolérance et à l’acceptation de soi. Il inclut une thématique de la romance inédite qui ne plaira peut-être pas à tout le monde. Du moins dans un premier temps, car j’ai confiance que la sincérité de la plume d’A.D. Martel vous convaincra.

Sous la loupiote d’avril 2023

Le dicton En avril ne te découvre pas d’un fil n’aura jamais aussi bien porté son nom qu’en 2023. Les jours rallongent et ça fait un bien fou. Cependant, les nuages se sont trop souvent invités. Le gris servant de toile de fond aux jolies fleurs roses des arbres. Heureusement que la lecture permet de nous évader et fuir cette météo. Après la neige d’Elvira que j’ai terminé début du mois, j’ai sorti de ma PAL le premier tome de Cassylyna de S.A. William dans l’optique d’une éventuelle précommande du deuxième opus. Je ne vais pas vous faire languir. C’est un livre écrit par SAW, édité par Livr’S Éditions, j’ai bien entendu craqué malgré mes nombreux achats à la FLB. Par la suite, je me suis lancée dans The 8 List de Pierre Léauté publié aux Éditions de l’homme sans nom. Je crois que c’est la première fois que je sors aussi vite un livre après son achat lors d’un salon.

Une envie soudaine de lire des nouvelles m’a saisie après cette critique sociétale et j’ai choisi Nouvelles du front de chez Livr’S éditions. Je ne suis pas une grande amatrice de récits de guerre. Ce n’est pas mon thème préféré. Cependant, certaines autrices présentes dans l’anthologie m’ont fait franchir le pas de l’acheter. L’une d’elles n’est autre qu’ A.D. Martel dont j’ai lu en service presse Je vais décoincer mon boss que mon coup de cœur de l’année passée Je vais choper mon boss Tome 1 & 2 précédent. Je peux vous dire que mon sommeil en a encore pâti !

En parallèle, des romans et de l’anthologie, j’ai ouvert un livre qui me faisait de l’œil depuis un moment : Miroir Miroir dis-moi ce que je vaux vraiment. J’ai profité d’une promo sur l’e-book pour me le procurer. Je suis Louise Aubery sur son instagram @mybetterself. Ses propos font souvent écho en moi et certaines interviews et réflexions me donnent envie de diriger mes écrits vers ses idées.  Bien entendu, le livre contient pas mal d’informations que je connais déjà ou que j’ai intégré en tant que femme en marge du moule façonné parla société patriarcale, même si les mauvaises habitudes reviennent parfois au galop. Toutefois, il reste intéressant. Je ne l’ai pas encore fini, je le recommande pour celles qui ont besoin de se déconstruire pour mieux rebondir.

Du féminisme, du fantastique, de la critique sociétale, de la guerre, de la comédie romantique. Le mois a été varié !

 Comment s’est déroulé votre mois d’avril ?

Quel genre avez-vous lu pour vous évader ?