Bienvenue à Saint-Fouettard (Magic Charly, #2) d’Audrey Alwett

  • Titre : Bienvenue à Saint-Fouettard (Magic Charly, #2)
  • Autrice : Audrey Alwett
  • Éditeur : Gallimard jeunesse
  • Catégories : jeunesse, fantastique

Lu dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge, dans le menu Automne douceur de vivre, sous catégorie Chante-moi une chanson Sassenach, j’ai adoré retrouver l’univers d’Audrey Alwett et de nos deux héros.

Comme d’habitude, cette chronique étant sur un deuxième tome, je recommande d’avoir lu le premier, car certains éléments du précédent sont évoqués.

Après l’attaque de l’école des allumettes Hurluberlu, June fouille les décombres à la recherche d’un indice pour retrouver Charly et Sapotille. Seule la pauvre Pépouze donne signe de vie. Loin de se démonter, l’adolescente décide de remuer terre et ciel pour rejoindre ses amis. Ceux-ci sont emmenés vers l’école Saint-Fouettard. Un lieu pour les apprentis magiciers que les puissants étiquettent comme rebus de la société, car ils n’ont pas respecté les règles. Le juge Dendelion est déterminé à tuer dans l’œuf toute graine de rébellion, quitte à user d’horribles méthodes. Tout en priant pour que personne ne se rende compte des mensonges sur l’allégorie de la Mort, Charly et Sapotille découvrent les plans machiavéliques du Juge. Ils vont devoir redoubler d’ingéniosité pour le combattre avec une jauge de magie très basse.

Ce deuxième opus nous entraîne à Thadam que nous avions partiellement explorée dans le premier livre. Alors que le second tome d’une série permet souvent d’entrer dans le vif du sujet dès les premières pages, celui-ci s’est plutôt apparenté à une introduction. En effet, nous approfondissons les lois qui régissent le royaume des magiciers. La facette moins reluisante de ce monde est dévoilée. Il faut plusieurs chapitres avant de toucher à l’intrigue principale.

Saint-Fouettard est une institution à l’allure sinistre. Une végétation sombre et terrifiante la borde. La chaleur semble l’avoir désertée depuis longtemps. La décoration intérieure y est sordide avec ces peintures sur lesquelles figurent des châtiments corporels. Lys Atravice le directeur, les accueille de son arrogance avec ses rumeurs. Maître de l’information, il les laisse rôder ses lézards bleus pour entendre les histoires croustillantes. Toutefois, celles-ci ne sont pas toujours fiables. Lorsque le magicier dénonce les comportements des élèves devant leurs collègues d’infortune, ses paroles déforment souvent la réalité. On ressent sans peine la douleur et la honte de Sapotille qui est incapable de faire entendre sa voix face à ce mensonge.

Dans la vie réelle, les rumeurs s’apparentent à une maladie, colportée par les commères. Avez-vous déjà remarqué l’absence de masculin pour ce mot ? À croire que seules les femmes répandaient des bobards sur le dos des autres au moment de laver leurs linges alors que les hommes bien éméchés à la taverne ne racontaient pas que des vérités ! Tout ça pour dire que j’utiliserai le terme commère au masculin pour dépeindre Lys Atravice. Avide de connaître les petits secrets de tout le monde, il note toutes les rumeurs que ses lézards lui chuchotent à l’oreille dans des carnets. Sa volonté de les répandre est forte. Il voudrait être reconnu pour ces talents d’informateur. Car, il se voit comme tel et non comme un être abject dont les propos peuvent détruire la victime. Il faut se méfier des rumeurs, elles sont dangereuses et n’apportent que du chagrin. J’espère que grâce à cette ingénieuse manière de les mettre en scène, les enfants comprendront les conséquences néfastes qu’elles engendrent.

En parallèle de ce thème, l’autrice traite partiellement du racisme alors qu’elle l’évoquait à peine dans le premier tome. Son récit intègre d’autres sujets qui en font un roman inclusif. Je ne peux pas en parler ici, car ce sont de révélations sur certains personnages. Je peux, néanmoins, mentionner le métier que Charly va endosser. Il existe un moyen de sortir de Saint-Fouettard : payer l’amende émise par le tribunal. Pour cela, les Fouetteux sont autorisés à travailler, bien que leur statut (bonjour la marginilasition) rende difficile leur engagement. Charly deviendra une dame de compagnie, un rôle que je n’ai jamais vu dans les mains d’un homme jusqu’à présent. Notons que le terme reste tout au long du roman. Une manière d’exprimer du mépris de la part du Juge et de son fils envers notre protagoniste.

Charly déchante face à la dure réalité de Saint-Fouettard. Pourtant, l’espoir continue de guider ses pas. Malgré la noirceur de l’institution, il s’imagine déjà ami avec les élèves qu’il rencontre. Sa persévérance et sa droiture vont peu à peu changer la perspective des autres à son égard. Pour la première fois de sa vie, il va être confronté à l’absurdité. Dans cette école, les profs ne leur apprennent rien ! Il comprend désormais les craintes de la studieuse Sapotille. Charly va également évoluer en réalisant qu’il ne gère pas ses émotions négatives vu qu’il les absorbe dans son poing droit. Il les refoule.

En mentionnant les sentiments, l’attirance entre Charly et Sapotille va se développer. C’est mignon, mais sans plus pour mon cœur de pierre. On s’y attend depuis longtemps. Toutefois, j’ai apprécié la manière dont Audrey Alwett amène la question du consentement. C’est important d’en parler dans les romans jeunesses pour changer la vision des relations de couple.

L’évolution de Sapotille m’a un peu rebutée. Dans L’apprenti, on avait découvert une adolescente indépendante. Durant les premiers chapitres de Bienvenue à Saint-Fouettard, elle se transforme limite en personnage tertiaire. Amorphe et déprimée, elle ne fait pas grand-chose pour affronter la situation et devient presque en poupée que le héros doit couver. Ce comportement causé par l’acte affreux du juge est cohérent, mais cela ne m’a pas empêché de grimacer vu qu’il s’apparente au rôle féminin que j’ai de plus en plus de mal à supporter dans les romans. La passivité des femmes n’est plus pour moi. Heureusement, l’écrivaine finit par opérer un revirement qui m’a beaucoup plu en boostant à nouveau son héroïne et en lui redonnant du panache, même si une certaine révélation va la bouleverser.

En dépit de la lenteur du déroulé du récit, celui-ci se laisse conter grâce à la plume dynamique et colorée d’Audrey Alwett. Elle arrive à insuffler la vie dans les bâtiments qui deviennent des êtres à part entière. On s’attendrait presque à les voir s’animer.

En bref, Bienvenue à Saint-Fouettard ressemble à un premier tome en raison des explications liées au world-building, c’est-à-dire la découverte en profondeur de Thadam que nous avions effleuré dans L’apprenti. L’intrigue principale commence à se dévoiler assez loin dans le livre. L’émerveillement opère, cependant, sa magie, car l’autrice a une imagination exceptionnelle qui lie fantastique et problématiques sociétales avec brio. Les thèmes qui parsèment le récit sont tellement nombreux que je n’ai pas pu tous les citer. Je vous laisse découvrir les autres lors de votre lecture, qui je l’espère, sera aussi distrayante que la mienne. 

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