- Titre : Filles du vent
- Autrice : Mathilde Faure
- Éditeur : Charleston Édition
- Catégorie : young adult
Jusqu’à présent, mes lectures des Éditions Charleston s’étaient soldées soit par l’indifférence soit par un échec. Filles du vent, acquis lors de l’Op All Star 2021 est le premier roman que j’apprécie vraiment. Ce n’est pas un coup de cœur à proprement parler, mais je me suis laissé transporter par l’histoire de ces adolescentes placées. Je l’ai lu dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge, menu Automne rayonnant, le don des Merriwick.
Lina, Assa et Céline sont trois adolescentes placées dans un foyer à Argenteuil. Elles sont toutes différentes. Pourtant, une chose les lie : l’invisibilité dans laquelle elle grandisse. Un jour, Lina embarque ces colocataires dans une fugue pour libérer leur voix, celle des filles placées que l’on ignore jusque dans les manifestations féministes. Elles vont parcourir la France en placardant leurs revendications sur les murs.
« …la violence, c’est le silence. »
Le livre passe tour à tour la plume aux trois femmes. Cette narration à multiples points de vue nous permet d’entrer dans l’intimité, l’histoire, le mal être de personnes en partie représentatives de la situation des foyers. Ces jeunes qui sont retirées du milieu familial pour diverses raisons, trop souvent sordides, et qui doivent survivre dans cette société marginalisante. Une société qui les exclut par leur statut, qui leur appose une étiquette et qui veut soi-disant de les aider. Je vais tenter de dresser le portrait des protagonistes au mieux.
Lina est le point de départ de cette fugue-mission. Elle souffre de ne pas trouver sa place dans le monde. Elle est perdue et porte un masque pour se protéger. Elle s’habille en jogging pour repousser les hommes dont elle adopte la violence langagière et comportementale. Elle ne supporte plus cette situation. Lorsqu’elle entend parler de la manifestation Nous Toutes, celle-ci résonne en elle. Son cœur vibre à cet appel. Pourtant, elle ne se sent pas représentée par cette assemblée de femmes quand elle s’y rend en douce. Où sont les adolescentes comme elle ? Celles qui ont subi la violence des hommes ? Celles qu’on a placées sous surveillance des éducateurs ? Celles qu’on accompagne avant de les lâcher dans la nature une fois la majorité atteinte ? Cette césure supplémentaire, avec des sœurs de combats, la bouleverse et fait grandir en elle le désir de trouver sa voie, sa place dans ce monde. Mais comment peut-elle y arriver alors qu’elle se sent incapable d’exprimer son ressenti ?
La musique (surtout le rap) est une source de liberté. Les paroles font écho en elle. Elle se sent pousser des ailes. Lina s’interroge de plus en plus et veut en apprendre plus sur les figures féministes, dont Gisèle Halimi dont les actes l’impressionnent et l’inspirent. Pour assouvir sa soif secrète de lecture, elle s’infiltre chez Assa.
Assa est une adolescente effacée. Studieuse et calme, elle tranche avec le profil belliqueux et rebelle des autres pensionnaires. Elle ressemble à un lac dont la surface tranquille dissimule le bouillonnement de la vie. Elle s’est fixé un but et compte bien y arriver. Toutefois, elle rentre trop dans le moule de la société et n’ose pas exprimer ses revendications maintenant ! Elle est capable d’élaborer des exposés sur les mouvements féministes, mais elle ne montre pas la hargne et la volonté de défendre ses sœurs contrairement à ce qui l’a amenée dans ce foyer. L’obstination de Lina va lui ouvrir les yeux. L’action, c’est maintenant et pas dans un hypothétique demain ! Assa symbolise l’histoire. Ses connaissances vont aider ses compagnes d’aventure à comprendre ce qu’elles ressentent. Et celles-ci vont lui permettre de vivre au présent.
Céline est sans doute la plus paumée du groupe. Elle croit être libre alors qu’elle est manipulée par Malik qui la prostitue. Elle se laisse embarquer par Lina et Assa sans savoir au départ ce qu’elles ont en tête, et c’est ce qui va la sauver. Elle réalise l’horreur du monde dans lequel Malik l’a enchaînée. Elle comprend que son corps et sa volonté ne lui appartenaient plus. Ce voyage va lui redonner les ailes que les hommes lui avaient volées.
Leur prise de parole dans l’espace public va délier les langues d’autres adolescentes placées. Leurs actions vont montrer qu’elles peuvent être entendues, devenir visibles, être écoutées et faire partie des mouvements féministes, et ce, sans violence. J’ai particulièrement aimé l’action finale !
« Être courageux, c’est sortir du rang, résister à un ordre que l’on trouve injuste. Le courage, c’est assumer sa différence. C’est refuser d’être invisible. »
Vous l’aurez compris, ce roman regroupe de thèmes qui me sont cher et qui sont exposés avec une sensibilité crue. L’autrice évite les filtres pour parler des comportements exécrables des hommes, dont le viol sur mineur, la violence conjugale et le féminicide. Filles du vent pourrait être considéré comme un recueil sur le féminisme vu qu’il inclut des bribes de l’histoire du féminisme à travers des portraits de femmes tout en parlant des actions récentes comme le #metoo.
En bref, Filles du vent s’est révélé une lecture importante qui lève le voile sur une partie de la population féminine invisibilisée. En donnant la parole à Lina, Assa et Céline, Mahtilde Faure bouscule nos idées et nous prodigue l’élan pour changer les choses. L’action de ces trois adolescentes, sans être entièrement représentatifs des situations des ados placées, est galvanisant par sa sincérité et son authenticité.