Le naufrage du Titan C de Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis

  • Titre : Le naufrage du Titan C
  • Auteurs : Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis
  • Éditeur : Éditions Marathon
  • Catégories : jeunesse, science-fiction

J’ai rencontré Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis lors du Salon du Livre de Wallonie en 2022. Chaleureux et passionnés, ils m’ont convaincue de craquer pour leur roman à quatre mains : Le naufrage du Titan C. N’ayant pas énormément de bouquins pouvant se caser dans le sous-menu Rocket Raccoon on the run (Automne des bois et au-delà) du Pumpkin Autumn Challenge, j’en ai profité pour le sortir de ma pal.

En 2412, la Terre est menacée par un astéroïde géant, l’Humanité n’a d’autre recours que l’exode. Les jumeaux Juliet et Kelvin Jayro, ainsi que de nombreuses personnalités, tel Krys Kart, le célèbre fightballeur, s’apprêtent à embarquer sur le centième vaisseau Titan pour un voyage sans retour vers Proxima du Centaure.

Dans les entrailles du vaisseau, Mertyn, jeune passager clandestin, tente d’échapper à la vigilance du quartier-maître Brett en se cachant parmi les animaux dont la belle Arja et son père sont responsables.

Sur la passerelle, le radio Redjy et le prodige de l’astrogation Dan sont les témoins de la tension qui règne entre le capitaine et sa second.

L’intelligence, l’héroïsme et la bravoure des uns suffiront-ils à compenser l’attitude irresponsable des autres ? Le Titan C atteindra-t-il Proxima du Centaure ?

Vous l’aurez deviné à son titre, ce roman est une réécriture du film Titanic, nom du malheureusement célèbre insubmersible qui a coulé lors de son premier voyage à cause de la dérive d’un iceberg. La transposition dans le futur et l’espace fonctionne plutôt bien, les caractéristiques phares ayant été reprises dans le livre. Si le paquebot se rend en Amérique, terre symbolisant un nouveau départ, le vaisseau quitte Mars pour sauver les Terriens de la destruction de l’humanité et donc enclencher une nouvelle vie dans le système solaire de Proxima du Centaure. Bien entendu, les 8 milliards d’individus n’y trouveront pas place. Nous restons dans une civilisation inégalitaire qui tente de l’être en organisant une loterie pour distribuer les billets. Soit vous avez une chance de cocu (bon quand on sait ce qu’il va se passer, peut-être pas finalement) soit vous avez un pedigree. Face à l’extinction, l’empathie ne se développe toujours pas.

L’inégalité est aussi présente parmi les passagers : ceux qui ont droit à une cabine et ceux qui ont droit à un cercuei… pardon, une cryogénisation pour faire dodo pendant tout le trajet et consommer le minimum. Oui, cette humanité est consciente des problèmes écologiques terrestres qu’elle a engendrés, mais elle est incapable de prendre la décision la plus responsable qui serait de préserver les ressources en ne laissant que l’équipage de bord éveillé. C’est d’autant plus risible quand on sait que Titan C est affrété pour sauver les humains, la faune et la flore et diriger par un Capitaine dont l’égoïsme surpassera la sécurité ! Il semblerait qu’en 500 ans la civilisation n’a pas évolué.

Enfin, dans ce décor féérique de bonté et de gratitude, nous avons les histoires d’amour transcendant les clans, les familles et les étiquettes. Nos adolescents n’ont pas perdu leurs hormones. Je ne vais pas m’étaler en long et en large sur eux, je vais vous laisser les découvrir en me focalisant sur la construction ou plutôt la déconstruction que les auteurs ont choisie et qui m’a plu.

Ceux-ci partent de clichés. Nous avons des adolescents plutôt communs. Kelvin est passionné par l’espace et connaît plein de choses contrairement à sa sœur qui paraît au premier abord superficielle. Vous savez, ces jeunes filles qui ne pensent qu’à trouver l’amour et qui craquent pour des stars capricieuses ? Un portrait qui va s’épaissir et se nuancer, heureusement ! Et cette méthode est d’autant plus appréciable lorsqu’elle a été appliquée à Morgana dépeinte par ses attributs féminins et sa blondeur avant sa sensibilité et ses compétences fortement utiles pendant du naufrage, en plus de son passé douloureux. La vie ne l’épargne pas, la pauvre !

J’ai également craint le cliché de la compétition féminine entre Juliet et Morgane, vu que la première n’apprécie pas celle qui ravit le cœur de son jumeau. Une rivalité amorcée par l’apparence, leur morphologie étant à l’opposé l’une de l’autre, n’est pas creusée et surtout, les romanciers n’ont pas attendu la catastrophe pour neutraliser ce sujet épineux pour moi. Ouf.

Une fois ces suspicions de stéréotype éteintes, je me suis laissée porter par ces récits parallèles. Des histoires aux aspirations et aux combats distincts et profondément humains. Et j’ai été surprise. Franchement, je ne m’attendais pas à subir ce flot d’émotions. Philippe Aurèle Leroux et Sébastien Louis ne reculent devant rien : sacrifice, douleur du survivant, espoir cruel. Les adolescents grandissent, propulsés par la tragédie causée par l’idiotie et l’orgueil. Ils prennent leur destin en main, un destin qui leur échappe, se précipite vers eux et joue avec leur cœur.

En bref, j’avais abordé Le naufrage du Titan C sans de grandes attentes, simplement emportée par la bonne humeur des auteurs. Grimaçant devant l’esquisse des adolescents, j’ai rapidement été soulagée par leur approfondissement psychologique qui les éloigne des clichés. J’ai fini par m’attacher à eux et je me fais surprendre par l’émotion dans les derniers rebondissements. Une réécriture réussie !

L’automne des aspirants (Le Manoir de Castlecatz, tome 1)

  • Titre : L’automne des aspirants (Le Manoir de Castlecatz, tome 1)
  • Auteur : Alain T. Puysségur
  • Éditeur : Scrinéo
  • Catégories : jeunesse, fantasy

Un livre avec des chats ? Une magnifique couverture de style Art nouveau signée Maud Chalmel ? Une thématique liée à l’automne ? Il ne m’en fallait pas plus pour tomber sous le charme de ce roman avant même d’avoir lu le résumé.

Lu dans la cadre du PAC, menu Automne des bois et au-delà. Catégorie Pomme alors ! C’est le goût de la tarte aux amaudes.

Une nouvelle année de cours débute au Manoir de Castlecatz ! Kovhan rêve depuis toujours d’y entrer et de devenir Aspirant. Mais pour lui qui maîtrise si mal l’indispensable Maggocculture, triompher des épreuves d’admission n’est pas une tâche facile.

Il y a pourtant pire.

Une menace plane sur Castlecatz cet automne : des incidents magiques se multiplient, certains félins rapportent même avoir aperçu une horrible créature rôder dans les couloirs… Heureusement, le jeune chat peut compter sur Bruyne, son amie gourmande et malicieuse, ainsi que sur Lexios et Serenya, toujours prêts à lui filer un coup de patte !

J’aimerais parler en long et en large de L’automne des aspirants. Je pense toutefois qu’il s’agit du genre de roman dont on ne doit pas trop en dire pour laisser la place à l’émerveillement. Découvrir ce riche univers au fur et à mesure de l’apprentissage de Kovhan et ses amis m’a ramenée dans mon enfance où je passais mon temps dans le monde enchanté avec les animaux et bien entendu mes chats. L’un des points que j’ai le plus appréciés à côté du système tripartite magique et des personnages concerne l’absence d’anthropomorphisme. Nos félins se comportent comme des chats. Ils marchent à quatre pattes, font leur toilette et mangent sans couverts. Cela peut paraître idiot, mais j’ai souri à voir nos apprentis Maggocatz rester fidèles à l’animal. D’autant plus que je les imagine rejoindre notre monde par la suite pour nous protéger. Mais ça, ce n’est que mes envies et mes rêves. 😉

Quoi de mieux qu’un roman pour apporter de la bienveillance et développer l’imagination chez l’enfant (oui, j’ai toujours 10 ans dans ma tête) ? De la bienveillance, Le manoir de Castlecatz en est rempli par son inclusivité et les thématiques abordées à travers les personnages.

Kovhan vient d’une famille qui cultive de l’herbochat depuis des lustres. Il veut choisir son propre destin malgré les difficultés que sa différence engendre. Notre jeune chat possède des écailles sur son pelage. Un trait atypique et mystérieux qui va en rendre plus d’un méfiant et méchant envers lui. Toutefois, cela ne lui confère pas un réel handicap, car il est habitué à supporter le regard d’autrui, c’est autre chose qui constitue un obstacle d’envergure… un élément que je ne peux malheureusement pas révéler, mais qui entre dans le concept des efforts et de la détermination à développer pour atteindre ses objectifs en surmontant les faiblesses. Dans notre société, on rabaisse trop souvent ceux qui ont des difficultés avec de la pitié nauséabonde. Vous savez le : ce n’est pas grave si tu n’y arrives pas, car tu as/es… terminez la phrase par tout ce qui vous passe par la tête. Kovhan incarne le jeune qui part avec des handicaps dans le challenge de la vie et qui va devoir garder une volonté de fer jusqu’au bout.

Heureusement, il se fait des amis en or. Tout d’abord Bruyne, une angora qui n’a pas sa langue dans… zut un chat n’a pas de poche ! Rencontrée sur le chemin du manoir, elle témoigne d’un courage aussi immense que son estomac. Et c’est peu dire ! Cette gourmande au palais délicat cache un secret qui m’a rappelé le trouble du comportement alimentaire. Si le sujet n’est pas vraiment approfondi, la chatte illustre bien le mal-être causé par un poids familial sur les habitudes et les façons de contourner le problème. Ces stratégies de défense que le cerveau met en place pour nous faire croire que tout va bien, on gère. Bruyne déborde d’énergie positive, d’impulsivité (bonjour les plans foireux). Découvrir un pan de son histoire et les raisons de sa gourmandise m’a déchiré le cœur.

Lexios est muet ! Toutefois, il ne souffre aucunement de son handicap et communique avec tous grâce à un instrument qui imite ses miaulements à la perfection. Enfin, Serenya est la féline calme et modérée du groupe. Étant donné qu’elle interagit peu et développe rarement ses réflexions, j’ai un peu de mal à me faire une idée sur elle. J’espère qu’on n’en saura plus dans le second tome.

Ce manque de nuance et d’approfondissement m’a chiffonnée concernant l’opposante directe de Kovhan. Dhareze endosse le rôle de la peste hautaine qui ne cesse de le rabaisser et qui tente par tous les moyens de le faire renvoyer. J’aurais aimé qu’on creuse une autre facette pour contrebalancer l’image de la méchante.

En bref, L’automne des aspirants est un premier tome aux couleurs aussi chaudes que sa couverture. Les premiers pans d’un univers riche nous sont dévoilés grâce à une histoire dont les héros ne sont pas des chats ordinaires, mais extraordinaire. Une inclusivité bienvenue dans le monde des romans jeunesses. Je me plongerai avec plaisir dans la suite qui sort en février. 

Samhain au clan des Damona (Nova et Juliette, tome 2)

  • Titre : Samhain au clan des Damona (Nova et Juliette, tome 2)
  • Autrice : Victoria May
  • Éditeur : auto-édition
  • Catégorie : fantastique

À l’annonce de la préparation du second tome des aventures de Nova et Juliette, j’étais impatiente de me le procurer, au point de limite harceler l’autrice. Désolée Victoria, mais c’est ta faute d’écrire des histoires chaleureuses comme du chocolat chaud avec de la chantilly ! J’ai glissé Samhain au clan des Damona dans ma pal du PAC dans le menu Automne douceur de vivre, catégorie Poupée de souvenir automatique à votre service !

Un an après leur séparation, Juliette a repris sa vie en main. En suivant les conseils de la psychologue, elle s’est inscrite à des cours de théâtre et arrive à mieux gérer ses émotions devant les autres. Toutefois, les nouvelles amitiés qui s’esquissent n’effacent pas la solitude causée par le départ de Nova. Un jour, Popcorn et elle sont convoquées à Iskanbar par la famille de son amie pour la sauver.

Dès les premières pages, j’ai retrouvé l’écriture délicate de l’autrice avec plaisir. On découvre une Juliette qui a pris confiance en elle. L’adolescente se reconstruit petit à petit alors qu’un an auparavant, elle s’isolait. Quand elle arrive au clan des Damona, elle rencontre la sœur de Nova. Malgré son jeune âge, Nine arbore un sérieux et une érudition témoignant de son statut d’héritière. Cependant, le masque de responsabilité se fendille lorsque son aînée disparaît. À force de la côtoyer, Juliette se rend compte de sa fragilité, du fait qu’elle n’est encore qu’une enfant dont les désirs émergent.

À l’image de la Samhain qui marque le passage d’une période à la suivante, cette seconde novella aborde le changement. Celui de la mort et du deuil. Nova bosse comme une acharnée pour reprendre son titre d’héritière du clan sous les conseils de son arrière-grand-mère. Quand Balda décède, elle perd ses repères, sa confiance et son rêve s’éloigne. Elle doit apprendre à vivre sans sa mentore. C’est d’autant plus difficile pour la jeune sorcière que les liens familiaux sont brisés. Jalousie et incompréhension ont grignoté l’amour.

Heureusement, l’amitié est vivace. Il transcende les mondes, guérit les âmes en peine et ouvre les yeux vers de nouveaux horizons. L’amour pousse au dépassement de soi et des règles, même celle de la magie.

Cet univers proche de la nature dont Nova nous a parlé dans le premier opus, nous le découvrons dans toute sa splendeur à l’approche de Samhain.

En bref, Samhain au clan des Damona célèbre le pouvoir guérisseur de l’amitié. Une puissance qui permet de retrouver sa sérénité, de surmonter le deuil mais aussi d’évoluer. C’est l’histoire de deux sœurs qui se (re)découvrent et osent défendre leurs rêves.

Les ombres de Yamagata de Jocelyn Bouchet

  • Titre : Les ombres de Yamagata
  • Auteur : Jocelyn Bouchet
  • Éditeur : Gulf Stream
  • Catégories : jeunesse, fantastique

J’ai lu Les ombres de Yamagata de Jocelyn Bouchet dans le cadre de la masse critique de Babelio. Depuis l’annonce de sa sortie, j’étais intéressée par ce roman jeunesse mêlant enquête et surnaturel au Japon. Le tout, dans un XIXe siècle que j’affectionne. Je remercie les éditions Gulf Stream de m’avoir sélectionnée en échange d’une chronique.

1248, le rituel bouddhique de Maître Yasura tourne mal dans les montagnes de Yamagata.

Pendant la modernisation du Japon en 1873, le lieutenant Tussaud disparaît. L’état des cadavres de son équipe préoccupe le colonel Plantain qui se voit obliger de demander de l’aide à un enquêteur spécialisé dans les sciences occultes. Ainsi, Septime Klein débarque au Japon et remonte la piste paranormale aux côtés de Naomi Matsudaira, sa traductrice et protectrice. Le détective et l’espionne impériale vont affronter maints dangers sur la route de la vérité.

Je préfère annoncer la couleur immédiatement : ma lecture fut inégale et mitigée pour diverses raisons. Je m’attendais à une plongée dans les contrées nippones ancestrales. Ce Japon bousculé subissant encore le choc culturel suite à l’ouverture forcée par les Occidentaux de ses frontières après deux siècles d’isolement. Un pays tiraillé entre modernisation et tradition. Un mystère prenant qui se nourrirait du terreau local avec des personnages attachants. Le verdict est tombé rapidement : le roman s’apparente plus aux films d’aventures hollywoodiens tels Indiana Jones ou La Momie (je sais, j’ai de vieilles références).

Pourtant, le prologue à la narration digne des conteurs envoûtants avait stimulé mon appétit bien que tous éléments relatés apparaissaient dans le résumé. Au final, cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille, car l’intrigue est sans surprise et linéaire. Aucune révélation époustouflante ne vient ébranler les personnages. Le récit repose sur l’action. Des embuscades et de scènes de combats où le chant du pistolet et le sifflement du katana résonnent, où Nao sauve les miches de Septime, on en a une flopée. L’inversion des rôles des acolytes est sans doute l’un des éléments que j’ai le plus appréciés. L’auteur évite le beau gosse macho ou rigolo qui arrive à se sortir de toutes les situations en étant à peine décoiffé. Si l’espionne tombe aux mains de l’ennemi, elle sait se débrouiller. Toutefois, je n’ai pas réussi à m’attacher à ce duo en raison de leur construction.

Septime Klein manque de profondeur alors qu’il est le personnage principal ! Durant la lecture du premier chapitre, je ne le voyais pas. Il était neutre, incolore, sans couleur. Ses interventions se résumaient à quelques lignes pour couper le monologue historique du colonel (j’y reviendrais plus bas). Par la suite, son personnage se développe un peu plus, mais il m’a paru bien trop lisse. Solitaire, il est d’une bienveillance sans limites qui me fait presque regretter le macho (presque hein !). L’évolution soudaine de son caractère ne m’a pas convaincue. Lorsqu’un événement précis se produit, il jure toutes les trois secondes et devient grognon. Vers les derniers chapitres, il endosse le costume du rigolo pour quelques moments légers. J’ai vraiment eu l’impression de voir deux personnages différents. L’un transparent au début et l’autre cliché. Cette incohérence n’est pas la seule qui caractérise le détective. Au premier chapitre (oui encore lui), il se rend dans la chambre du disparu pour dénicher des indices. Il décrète qu’il ne trouvera rien sans ouvrir un seul tiroir, soulever l’oreiller ou toquer sur les parois et le sol à la recherche d’une cachette secrète. Il ne fait que balayer la pièce du regard, lire à voix haute la lettre que Tussaud avait écrite à sa sœur et questionner le militaire sur les deux photos bien visibles sur le bureau.

Avec un tel protagoniste, l’aventure commençait mal. Encore heureux, Nao a rattrapé un peu l’affaire. Un peu, car elle possède aussi des caractéristiques qui m’ont interpellée pour un roman à la sauce historique. Passionnée par la France, la jeune femme s’habille à la mode occidentale. Cynique, elle incarne peu les coutumes et mœurs nippones. Elle n’est pas superstitieuse et passe outre les règles de politesse qui sont pourtant d’une importance capitale au pays du Soleil Levant. Un comportement étonnant quand on connaît son statut d’espionne impériale et de femmes issues de bonne famille (même guerrière). Un milieu dans lequel la discipline est de fer. Mais soit, elle offre de belles scènes de combats et des réparties qui pimentent le récit.

Le développement de l’alchimie entre les deux compagnons de route a été bâclé. Une étincelle d’animosité éclaire la relation au début. Septime n’aime pas travailler avec quelqu’un (c’est un agneau solitaire) et la fine lame tente de le provoquer dans le train en le traitant d’envahisseur. Une amitié naît rapidement, trop rapidement entre les deux. La flamme de l’hostilité n’a même pas eu le temps de prendre.  L’amitié leur tombe dessus sans événements qui induiraient une remise en question et encore moins une évolution de la querelle avant cette étape d’opinion changeante.

Cette amitié, on la retrouve dans quasiment toutes les relations des « gentils », ce qui accentue le manque de profondeur des personnages. Un sentiment renforcé par l’incohérence des conventions sociales : on a des embrassades à la volée et des attitudes surprenantes pour l’époque et entre des gens issus de deux nations diamétralement opposées. J’ai dû me convaincre que cette liberté pouvait être prise, car ça reste un roman qui n’est pas revendiqué comme historique.

Pourtant, l’écrivain nous présente le contexte du XIXe siècle sur un plateau en béton durant…suspense…le premier chapitre. On a droit à une synthèse de plusieurs pages sur ce qu’il s’est produit entre le Shogun et l’Empereur avec l’aide des Européens et des Américains. Le colonel nous le fait à la manière du professeur avec son gentil élève qui intervient à peine. C’est peu naturel. Toutefois, je me suis dit qu’il faisait un rapport et vu la personnalité effacée de notre protagoniste ça marche, même si c’est lourd pour quelqu’un qui connaît déjà tout ça.

On voit que l’auteur maîtrise l’aspect historique et il l’intègre à son intrigue, mais ça s’arrête là. En fait, le récit aurait pu se dérouler n’importe où et c’est ce que je regrette le plus. Le folklore est balayé d’un coup de main et le paysage n’a pas assez de consistances pour m’avoir donné l’impression de voyager en terre nipponne. Le seul élément que j’ai trouvé intéressant est l’utilisation du sokushinbutsu qui met en avant une pratique dérangeante pour le commun des mortels. Toutefois, on fait l’impasse sur les méthodes orientales pour exorciser le mal sous couvert que tous les êtres surnaturels ont quelque chose en commun et je trouve ça dommage, car quand je lis une histoire se déroulant au Japon, j’aime respirer ce pays à plein nez.

Les sens, parlons-en ! Les ombres de Yamagata est un roman visuel. L’action y prend une place importante et la narration en pâtit. À un moment donné, l’absence d’odeur s’est présentée à mon esprit et je me suis mise à la chercher en vain. Ce sens n’est jamais utilisé. Le toucher à peine et le goût surtout pour la nourriture. L’ambiance du prologue n’est jamais revenue et je pense sincèrement que c’est l’un des points qui a joué dans mon détachement. Notre démon n’était qu’une peinture murmurante dont les effluves ne m’ont pas atteinte. Je n’ai pas ressenti de peur face à Yasura et encore moins devant le deuxième antagoniste.

Le style de Jocelyn Bouchet sculpte les phrases à la manière du XIXe siècle. Les tournures rappellent les auteurs classiques sans verser dans le lyrisme. L’emphase reste présente, un peu trop, pour relater les faits passés. Ainsi, tous les personnages finissent par parler de la même façon quand ils racontent ce qu’il s’est produit. Un lexique et des notes de bas de page définissent les termes japonais et les anciens noms de pays. Enfin, si la plume est fluide, elle pêche par la répétition des mots ou des comportements notamment pour couper les dialogues.

En bref, Les ombres de Yamagata fut une déception. L’action supplante l’enquête à l’image des films d’aventures. C’est un récit qui oublie l’immersion dans un Japon historique et met de côté la vraisemblance des personnages au profit des scènes de combats et de la résolution rapide de l’intrigue.

Justice soit faites ! (Magic Charly, #3)

  • Titre : Justice soit faites ! (Magic Charly, #3)
  • Autrice : Audrey Alwett     
  • Éditeur : Gallimard Jeunesse
  • Catégories : jeunesse, fantasy

En début d’année, j’ai inscrit mes séries en cours sur Livr’Addict qui propose un outil utile pour suivre l’avancée (ou pas) des sagas qu’on lit. Autant dire que le chiffre commençait à me faire pâlir, au point de doucement penser à ajouter un objectif à mon challenge de cette année : finir ou rattraper la sortie d’un max de série. C’est dans cet état d’esprit que je me suis emparée du dernier tome de Magic Charly. Comme d’habitude, ne lisez pas mon avis sans avoir parcouru les précédents tomes. Étant un livre jeunesse, je vais entrer dans les détails pour expliquer pourquoi on devrait le mettre entre les mains de nos ados et enfants.

Disparu de Thadam, Charly doit retrouver le chemin vers son monde. En parallèle, Sapotille, Césaria et June se préparent à combattre le Juge Dendelion qui profite des pannes de magie pour abuser de son pouvoir. Une course contre la montre commence pour sauver la magie et les magiciens.

Ce tome clôture une série jeunesse intéressante par les thématiques abordées ou incarnées par les personnages. De mon point de vue, je préfère largement le premier opus qui nous fait entrer dans ce monde à la fois merveilleux et impitoyable imaginé par Audrey Alwett. En effet, le récit du troisième tome se déroule selon un rythme similaire au second livre : lent la majeure partie du bouquin avec une accélération du tempo vers la fin. Je n’ai pas ressenti de suspenses intense ni vécu de rebondissements incroyables. L’histoire suit son cours comme un fleuve sans trop de remous jusqu’à l’embouchure vers la mer.

Pourtant, il est primordial de glisser cette série entre les mains des jeunes en raison des sujets bienveillants, dénonciateurs et tolérants dont elle regorge. Jusqu’à présent, je n’en avais jamais lu qui intégrait autant d’aspects défendus dans notre société de façon entière. Souvent, je rencontre seulement un ou deux thèmes exploités en profondeur. Faisons-en le tour !

La Justice

Indiquée dans le titre de ce troisième tome, la Justice est questionnée sous le personnage du Juge Dendelion devenu l’Allégorie de la Justice et les actions que nos jeunes amis vont devoir poser pour sauver le monde. Je salue l’effort d’Audrey Alwett de proposer une réponse à ce concept abstrait caractérisé par des cas particuliers. L’exercice est déjà difficile pour les adultes, alors l’expliquer aux enfants relève presque de l’exploit, d’autant plus que notre subjectivité et notre éducation entrent toujours en compte. J’ai apprécié la solution qu’elle a trouvée ainsi que son réalisme qui évite une fin à la Bisounours.

Sapotille et la métaphore du viol

Oui, vous avez bien lu. Dans Bienvenue à Saint-Fouettard, le Juge avait agressé Sapotille en arrachant les pages de son grimoire. Pour rappel, le grimoire n’est pas qu’un simple outil où s’inscrivent les connaissances dela magicien.ne, c’est une part d’iel. Y toucher, c’est pénétrer son intimité. Si le sujet avait été traité en surface dans le précédent tome, l’autrice lui rend justice ici avec la reconstruction de Sapotille. Celle-ci est déstabilisée. Elle ne sait plus ce qu’elle veut, car elle subit la pression de la société patriarcale et des idées reçues que l’acte du Juge a engendrées. J’ai ressenti un grand malaise en lisant les passages où Panus la domine et se permet de la toucher et de l’embrasser sous couvert qu’elle serait une fille facile et qu’elle ne dit pas non avec autorité, alors que son comportement indique clairement qu’elle n’est pas consentante.

Le consentement

Le paragraphe précédent est relié à celui-ci. June va aider Sapotille à dire non et à retrouver le chemin de son cœur et de sa détermination. Elles vont imprimer chez Panus le non= non. Rien absolument rien, aucun signe tacite n’existe derrière le non exprimé par une fille, même si elle le dit à voix basse. La question du consentement est également incarnée par Charly qui n’impose pas sa volonté hormonale à Sapotille. Le respect relationnel entre ces deux-là devrait se retrouver dans toutes les histoires destinées aux jeunes.

La tyrannie d’un système

Dans ce tome, nous explorons l’époque du Détournement de la magie après laquelle l’Académie naquit. Dans une métaphore liée à la magie, Audrey Alwett oppose la magie runique, codifiée par le pouvoir en place, à la magie intuitive, qui relève de la marginalité. On la vu, Charly doit cacher ses capacités pour éviter la condamnation par une société alors que ses règles font courir le peuple à sa perte. Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler, mais le dénouement relatif aux pannes de magie s’intègre parfaitement dans ce questionnement entre des lois figées dans le temps et l’évolution que toute civilisation devrait connaître.

Le poids de la masse

Nous l’avons vécu, il y a peu avec la pandémie, le peuple se révolte peu devant des restrictions de plus en plus lourdes. D’autant plus quand seule une portion de la population la subit alors que les hautes instances semblent y échapper. Les pannes de magie entraînent des prises de décision qui limitent les libertés et le pouvoir des plus pauvres.

Invisibilisation des femmes

Oui, on en parle. Avec des personnages aussi emblématiques que Sapotille, June, Dame Mélisse, Dame Carasse et le retour de Césaria ! La romancière remet en équilibre la balance qui penchait en faveur des hommes. C’est ce que j’apprécie grandement avec cette série. Elle a beau avoir pour protagoniste un adolescent, les femmes y jouent un rôle important. En fait, aucun personnage ne fait office de potiche dans la résolution de l’intrigue. Pour en revenir, à l’invisibilisation des femmes, Audrey Alwett reprend ce que la majorité des civilisations ont fait en écrivant leur histoire : effacer celles sans qui peu ou rien ne serait arrivé tout en astiquant l’ego des mâles.

Encore bien d’autres

Je viens de faire le tour des thématiques essentielles (selon moi) de cette série riche prônant la tolérance et la construction d’une société meilleure. D’autres sujets ont également leur part du gâteau avec la tombée des préjugés vis-à-vis des Fouetteux, le poids du regard sur les personnes différentes, l’importance des liens familiaux de sang ou non, des liens amicaux, la manipulation de l’opinion par les grands de ce monde, l’importance de vivre ses émotions et la puissance des plus petits, car nous ne devons pas oublier…Pépouze ! Notre super serpillière. Oui, Audrey Alwett a le super pouvoir de nous rendre adorable une serpillière !

En bref, Magic Charly est une série jeunesse que l’on devrait placer entre les mains de tous les enfants pour les thèmes importants qu’elle exploite en profondeur. Sa lecture permettra sans aucun doute de vivre dans un monde où la tolérance et le respect de tout.es.x seront des comportements naturels.

Ondine Pemkinrowd – Voyage en Yggdrasil de Gaylord Kemp

  • Titre : Ondine Pemkinrowd – Voyage en Yggdrasil
  • Auteur : Gaylord Kemp
  • Éditeur : Liv’S Éditions
  • Catégories : jeunesse, fantasy

Ondine Pemkinrowd est un livre jeunesse basé sur la mythologie nordique paru chez Livr’S Éditions en 2022. D’abord placé dans le Pumpkin Autumn Challenge, je l’ai lu hors des dates de ce défi littéraire.

Ondine est une adolescente de treize ans mal dans sa peau. Elle passe son temps à grignoter pour fuir l’ennui, sa famille recomposée et le harcèlement des filles populaires de son collège. Un jour, l’attaque de Jody des Quatre fantastiques constitue le bonbon qui fait exploser le sac. Ondine se prépare à fuguer quand un roi étrange apparaît dans son ordinateur. Utgardloki règne sur Jötunheim et souhaite l’aider à obtenir ce qu’elle veut. Enhardie par cette possibilité, Ondine se jette dans la gueule du loup. Si le début de son séjour au pays de la neige s’avère libérateur, le désir de retrouver la terre se fait vite ressentir. Surtout, quand elle comprend grâce à son ami Knife, les réels plans d’Utgardloki.

Ce roman est divisé en plusieurs parties qui se sont révélées inégales au niveau de mon appréciation.  Le gros premier tiers du livre, qui correspond à l’arrivée sur Jötunheim et à sa découverte, est assez lent. En débarquant sur l’un des royaumes d’Yggdrasil, je m’attendais à vivre directement des aventures palpitantes et enchanteresses où créatures ennemies et amies entreraient en scène. Or, l’environnement et les actions relèvent plutôt du quotidien terrestre. Sans parents, ni « quasi-sœur » (comme elle nomme sa demi-sœur), l’adolescente fait ce que toute personne de son âge ferait : elle empoigne sa liberté à deux mains. Elle mange ce qu’elle veut, danse avec la musique à fond, dort à toutes heures de la nuit, etc. Mais, voilà, cette indépendance et cette solitude deviennent un poids. Et puis, il y a les cauchemars qui hantent son sommeil. Ces songes sont écrits tel qu’à certains moments, je me demandais si ce qu’elle vivait été réel.

Lorsqu’Ondine apprend les véritables raisons de sa présence, l’aventure commence enfin. Au cours de ce voyage, elle rencontre des êtres terrifiants et d’autres importants. C’est une quête de reconstruction qui démarre. Les règles de la magie sont divulguées. Elles sont simples et efficaces. En renouant avec sa passion, l’horizon d’Ondine retrouve des couleurs.  

La jeune fille n’est pas seulement mal dans sa peau au début du récit. À la limite de la dépression, elle est blasée par la vie. Les relations sociales lui pourrissent le quotidien au point qu’elle ne supporte plus les marques d’attention de ses proches, même celles qui sont positives. Elle se sent en décalage avec tout : l’école, ses parents, les autres adolescents. L’ennui la ronge tellement qu’elle le dévore à coup de crasses toute la journée, ce qui forme un poids supplémentaire sur son cœur et son corps.

Gaylord Kemp possède une écriture fluide et simple saupoudrée d’un vocabulaire parfois surprenant pour la tranche d’âge visée. 

En bref, mis à part un début qui m’a semblé trop long (je préfère les romans jeunesses qui nous plongent directement dans l’aventure fantastique), j’ai apprécié le voyage d’Ondine. L’auteur a réussi à manier des éléments mythologiques nordiques de manière intéressante pour transformer et reconstruire son héroïne.  

Bienvenue à Saint-Fouettard (Magic Charly, #2) d’Audrey Alwett

  • Titre : Bienvenue à Saint-Fouettard (Magic Charly, #2)
  • Autrice : Audrey Alwett
  • Éditeur : Gallimard jeunesse
  • Catégories : jeunesse, fantastique

Lu dans le cadre du Pumpkin Autumn Challenge, dans le menu Automne douceur de vivre, sous catégorie Chante-moi une chanson Sassenach, j’ai adoré retrouver l’univers d’Audrey Alwett et de nos deux héros.

Comme d’habitude, cette chronique étant sur un deuxième tome, je recommande d’avoir lu le premier, car certains éléments du précédent sont évoqués.

Après l’attaque de l’école des allumettes Hurluberlu, June fouille les décombres à la recherche d’un indice pour retrouver Charly et Sapotille. Seule la pauvre Pépouze donne signe de vie. Loin de se démonter, l’adolescente décide de remuer terre et ciel pour rejoindre ses amis. Ceux-ci sont emmenés vers l’école Saint-Fouettard. Un lieu pour les apprentis magiciers que les puissants étiquettent comme rebus de la société, car ils n’ont pas respecté les règles. Le juge Dendelion est déterminé à tuer dans l’œuf toute graine de rébellion, quitte à user d’horribles méthodes. Tout en priant pour que personne ne se rende compte des mensonges sur l’allégorie de la Mort, Charly et Sapotille découvrent les plans machiavéliques du Juge. Ils vont devoir redoubler d’ingéniosité pour le combattre avec une jauge de magie très basse.

Ce deuxième opus nous entraîne à Thadam que nous avions partiellement explorée dans le premier livre. Alors que le second tome d’une série permet souvent d’entrer dans le vif du sujet dès les premières pages, celui-ci s’est plutôt apparenté à une introduction. En effet, nous approfondissons les lois qui régissent le royaume des magiciers. La facette moins reluisante de ce monde est dévoilée. Il faut plusieurs chapitres avant de toucher à l’intrigue principale.

Saint-Fouettard est une institution à l’allure sinistre. Une végétation sombre et terrifiante la borde. La chaleur semble l’avoir désertée depuis longtemps. La décoration intérieure y est sordide avec ces peintures sur lesquelles figurent des châtiments corporels. Lys Atravice le directeur, les accueille de son arrogance avec ses rumeurs. Maître de l’information, il les laisse rôder ses lézards bleus pour entendre les histoires croustillantes. Toutefois, celles-ci ne sont pas toujours fiables. Lorsque le magicier dénonce les comportements des élèves devant leurs collègues d’infortune, ses paroles déforment souvent la réalité. On ressent sans peine la douleur et la honte de Sapotille qui est incapable de faire entendre sa voix face à ce mensonge.

Dans la vie réelle, les rumeurs s’apparentent à une maladie, colportée par les commères. Avez-vous déjà remarqué l’absence de masculin pour ce mot ? À croire que seules les femmes répandaient des bobards sur le dos des autres au moment de laver leurs linges alors que les hommes bien éméchés à la taverne ne racontaient pas que des vérités ! Tout ça pour dire que j’utiliserai le terme commère au masculin pour dépeindre Lys Atravice. Avide de connaître les petits secrets de tout le monde, il note toutes les rumeurs que ses lézards lui chuchotent à l’oreille dans des carnets. Sa volonté de les répandre est forte. Il voudrait être reconnu pour ces talents d’informateur. Car, il se voit comme tel et non comme un être abject dont les propos peuvent détruire la victime. Il faut se méfier des rumeurs, elles sont dangereuses et n’apportent que du chagrin. J’espère que grâce à cette ingénieuse manière de les mettre en scène, les enfants comprendront les conséquences néfastes qu’elles engendrent.

En parallèle de ce thème, l’autrice traite partiellement du racisme alors qu’elle l’évoquait à peine dans le premier tome. Son récit intègre d’autres sujets qui en font un roman inclusif. Je ne peux pas en parler ici, car ce sont de révélations sur certains personnages. Je peux, néanmoins, mentionner le métier que Charly va endosser. Il existe un moyen de sortir de Saint-Fouettard : payer l’amende émise par le tribunal. Pour cela, les Fouetteux sont autorisés à travailler, bien que leur statut (bonjour la marginilasition) rende difficile leur engagement. Charly deviendra une dame de compagnie, un rôle que je n’ai jamais vu dans les mains d’un homme jusqu’à présent. Notons que le terme reste tout au long du roman. Une manière d’exprimer du mépris de la part du Juge et de son fils envers notre protagoniste.

Charly déchante face à la dure réalité de Saint-Fouettard. Pourtant, l’espoir continue de guider ses pas. Malgré la noirceur de l’institution, il s’imagine déjà ami avec les élèves qu’il rencontre. Sa persévérance et sa droiture vont peu à peu changer la perspective des autres à son égard. Pour la première fois de sa vie, il va être confronté à l’absurdité. Dans cette école, les profs ne leur apprennent rien ! Il comprend désormais les craintes de la studieuse Sapotille. Charly va également évoluer en réalisant qu’il ne gère pas ses émotions négatives vu qu’il les absorbe dans son poing droit. Il les refoule.

En mentionnant les sentiments, l’attirance entre Charly et Sapotille va se développer. C’est mignon, mais sans plus pour mon cœur de pierre. On s’y attend depuis longtemps. Toutefois, j’ai apprécié la manière dont Audrey Alwett amène la question du consentement. C’est important d’en parler dans les romans jeunesses pour changer la vision des relations de couple.

L’évolution de Sapotille m’a un peu rebutée. Dans L’apprenti, on avait découvert une adolescente indépendante. Durant les premiers chapitres de Bienvenue à Saint-Fouettard, elle se transforme limite en personnage tertiaire. Amorphe et déprimée, elle ne fait pas grand-chose pour affronter la situation et devient presque en poupée que le héros doit couver. Ce comportement causé par l’acte affreux du juge est cohérent, mais cela ne m’a pas empêché de grimacer vu qu’il s’apparente au rôle féminin que j’ai de plus en plus de mal à supporter dans les romans. La passivité des femmes n’est plus pour moi. Heureusement, l’écrivaine finit par opérer un revirement qui m’a beaucoup plu en boostant à nouveau son héroïne et en lui redonnant du panache, même si une certaine révélation va la bouleverser.

En dépit de la lenteur du déroulé du récit, celui-ci se laisse conter grâce à la plume dynamique et colorée d’Audrey Alwett. Elle arrive à insuffler la vie dans les bâtiments qui deviennent des êtres à part entière. On s’attendrait presque à les voir s’animer.

En bref, Bienvenue à Saint-Fouettard ressemble à un premier tome en raison des explications liées au world-building, c’est-à-dire la découverte en profondeur de Thadam que nous avions effleuré dans L’apprenti. L’intrigue principale commence à se dévoiler assez loin dans le livre. L’émerveillement opère, cependant, sa magie, car l’autrice a une imagination exceptionnelle qui lie fantastique et problématiques sociétales avec brio. Les thèmes qui parsèment le récit sont tellement nombreux que je n’ai pas pu tous les citer. Je vous laisse découvrir les autres lors de votre lecture, qui je l’espère, sera aussi distrayante que la mienne. 

Le trésor du Pink Lady (De rouage et de sang, #2) d’A.D. Martel

  • Titre : Le trésor du Pink Lady (De rouages et de sang, #2)
  • Autrice : A.D. Martel
  • Éditeur : Scrinéo
  • Catégories : jeunesse, steampunk

Je suis fière d’avoir lu peu de mois après sa sortie le second et dernier tome De rouages et de sang. J’ai la sale habitude de commencer des séries en mettant un temps dingue à poursuivre celles qui comptent déjà plusieurs livres parus. J’aimerai beaucoup arrêter de m’éparpiller. Le Pumpkin Autumn Challenge m’a bien aidée en 2022 avec sa sous-catégorie Deux citrouilles en valent mieux qu’une du menu Automne douceur de vivre. Celle-ci demandait de lire soit une duologie soit d’en lire un livre. Vu que j’avais lu Les disparus d’Arkantras au début de l’année, j’ai profité pour le placer la suite dans ma PAL du PAC.

Le roman reprend là où l’histoire s’est terminée dans le premier opus. Comme d’habitude, je vous déconseille de lire cet avis si vous n’avez pas lu le précédent tome.

Rowena, M. Gratouille et Œil de Pirates ont réussi à s’échapper sur un navire pour quitter la milice d’Arkantras. Mais leur répit est bref, car il sont encerclé par leurs aéronefs. Les chances de fuir une seconde fois semblent minces quand des pirates surgissent ! Le trio, rejoint par Eugène, se retrouve ainsi sur le Pink Lady pour le pire comme le meilleur. Côtoyer cet équipage particulier pourrait bien s’avérer salutaire et ouvrir leur horizon de bien des manières.

Le trésor du Pink Lady nous fait entrer dans le monde de la piraterie où l’avidité règne. Sauf que les apparences sont parfois trompeuses. Butcher est autoritaire et fière. Elle dirige ses hommes d’une main de velours dans un gant de fer comme le prouvent à maintes reprises le respect et la crainte de Seth et de Carl. Nos deux compères ont un côté bêta, surtout quand ils veulent montrer leur méchanceté alors que ce sont des cœurs tendres. C’est ce qui sauve dans un premier temps Rowena au moment de l’abordage du vaisseau. Car oui, le but des pirates n’était pas de secourir les pauvres d’Arkantras, mais de piller le bateau et d’emprisonner les passagers. Ému par la présence de cette adolescente, Seth l’enferme dans une cabine à part. L’aplomb et la détermination de notre héroïne la pousseront à affronter l’impitoyable Capitaine Butcher en lui proposant son aide pour réparer le Pink Lady grâce à ses talents de mécanicienne. Cela lui donnera également du temps pour retrouver Gratt et Œil-de-Pirate.

En intégrant l’équipage du navire, Rowena va faire montre de courage pour défendre les gens qu’elle aime, même à son amie défunte. Habituée aux rues d’Arkantras, elle conquiert rapidement le cœur des deux matelots et du cuisinier. Hercule est un géant aux difficultés d’élocution. Sa bonté est vraiment touchante et possède la force de faire flancher Butcher lorsqu’elle dépasse les bornes.

À côté de ces êtres ambivalents qui revêtent, pour la plupart, une attitude de méchant pirate pour la forme, nos amis évoluent. Rowena va découvrir la puissance des liens familiaux, ceux qui ne découlent pas du sang. Eugène va faire un bon gigantesque en avant. Au départ, il a une soif de justice et souhaite à tout prix réaliser le vœu de Beatrice : aider les plus pauvres. Il commence avec Rowena. Toutefois, il se rend compte que la gamine est bien plus mature que lui. Il finit par comprendre qu’elle est comme un poisson dans l’eau. Elle a appris à survivre alors que lui s’y noie. L’éducation du journaliste et la réalité de ses sentiments se heurtent. Cependant, il entrevoit, puis acquiert les principes de vie qui lui apporteront le bonheur : profiter du moment présent, savoir apprécier les petites joies, s’affranchir du regard d’autrui, vivre comme on l’entend sans craindre ce que les autres diront. Eugène est sans doute le personnage qui évolue le plus. Rowena affirme une personnalité déjà exposée dans le premier tome, tandis que lui change de niveau. Quant à Œil-de-Pirate, il ose enfin se confronter à son passé. Il accepte ses faiblesses et sa lâcheté pour agir dans le bon sens grâce à son amour pour Rowena et à la franchise de Butcher qui se bat de toutes ses forces pour protéger ses trésors !

Un trésor bien énigmatique au départ qui se révèle original quand on le découvre. C’est une richesse à préserver, une richesse qui apporte de l’espoir sous les nuages qui dissimulent la beauté des étoiles.

Les aventures de Rowena sont relatées avec une plume dynamique et fluide. Les scènes sont dépeintes avec une efficacité redoutable pour sculpter les ambiances et jouer avec nos émotions. Il y a un épisode en particulier qui m’a fait craindre le pire. Je me résonnai au moment de lire les phrases menant vers la résolution : « C’est un jeunesse, elle ne peut PAS faire ça ».

En bref, Le trésor du Pink Lady est une aventure mêlant piraterie et tendresse avec brio. En prenant de l’altitude, nos héros découvrent l’immensité de la planète et du cœur humain. L’espoir d’une vie meilleure flotte comme étendard et rassemble ces êtres si différents en une famille unie qui veulent protéger leur monde. Une histoire pleine de rebondissements dans laquelle la cruauté est sabordée par l’amour et l’union.

Le Père Noël a perdu sa barbe de S.A. William

  • Titre : Le Père Noël a perdu sa barbe
  • Autrice : S.A. William
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : jeunesse

Après avoir lu la magnifique histoire La loutre et le prince, j’ai eu envie de me plonger dans un autre récit de S.A. William. J’ai profité du Salon du Livre de Wallonie à Mons pour me procurer Le Père Noël a perdu sa barbe et l’ai sorti de ma PAL pour Noël.

Sophie adore faire des bêtises. Cependant, elle craint le jugement du Père Noël. Elle ne veut absolument pas finir sur la liste des enfants méchants. Chaque année, elle laisse ses mauvais coups au placard et se comporte en petite fille modèle dès le 1er décembre. Un jour, elle se promène dans les champs lorsqu’elle aperçoit le Père Noël ! Le vrai ! Elle l’interpelle, mais celui-ci s’enfuit en oubliant sa barbe. Avec l’aide de son chien Filou et de ses amies souris, Sophie est bien décidée à sauver la célébration en la lui rapportant.

Ce court texte accompagné des magnifiques illustrations de Lycoris, est une lecture parfaite à lire au coin du feu avec votre enfant. La positivité de Sophie et sa détermination sont touchantes, tout autant que le vœu qu’elle a écrit dans sa lettre au Père Noël. Ne vous attendez pas à trouver d’ombres, de méchants sanguinaires ou d’antagonistes à anéantir qui empêcherait Sophie d’atteindre son but. Il n’y en a pas. On est sur une histoire toute douce, emplie de magie et de rêves. Cette simplicité qui témoigne de la volonté d’une petite fille fait du bien. Un parfait récit cocooning à lire au coin du feu avec un chocolat chaud !

L’apprenti (Magic Charly, #1) d’Audrey Alwett

  • Titre : L’Apprenti (Magic Charly, #1)
  • Autrice : Audrey Alwett
  • Éditeur : Gallimard Jeunesse
  • Catégorie : Jeunesse, fantastique

Ayant entendu parler et lu plusieurs chroniques sur cette trilogie jeunesse, j’ai fini par craquer et me lancer dedans, sans regret !

Dame Mélisse, une puissante Magicière et grand-mère de Charly, rompt l’un de ses beignets de prédiction, puis s’évanouit dans la nature. Cinq ans après, elle est retrouvée affaiblie et amnésique. Son petit-fils se réapproprie la magie qu’il avait oubliée et découvre le monde auquel elle appartient. Aidé de Maître Lin et de Sapotille, son chemin l’amènera vers des révélations plus incongrues les unes que les autres, jusqu’à la raison inimaginable qui a poussé sa mamie à disparaitre.

L’univers élaboré par Audrey Alwett est à la fois simple, complexe et original. À chaque page, je m’imprégnais un peu plus de son monde gentil et cruel, lumineux et obscur où son imagination me prenait de cours par son mélange de mignonnerie et d’injustice. Magic Charly synthétise tous les aspects de la réalité et du merveilleux, et converge vers une révélation finale… inattendue de par sa nature. Je vais sciemment éviter de vous décrire la hiérarchie et le fonctionnement afin que vous découvriez tout comme il se doit, un peu comme Charly lorsqu’il entre dans ce monde. 

Au-delà de cet ouvrage fantastique, dans tous les sens du terme, j’ai adoré son inclusion, sa tolérance et sa bienveillance (si on omet les mésaventures de Charly et de Sapotille). Charly est un adolescent de 14 ans, tout ce qui est de plus banal. Pourtant, sa carrure alliée à sa couleur de peau inspire la méfiance et des regards obliques de la part des passants malgré sa gentillesse et sa bonté. Il avale ses pensées et émotions négatives dans ses poings. Devenu Patouilleur (apprenti), il prend soin de ne pas faire d’ombre à Parchemine/Sapotille dont le manque de confiance en ses propres capacités l’entraine à le méjuger. Leur duo va évoluer vers une amitié solide qui promet des étincelles dans les tomes suivants.

J’ai adoré Sapotille bien plus que la copine rebelle de Charly : June. Malgré ses faiblesses et son caractère hautain, la première possède une force de conviction et une graine de femme forte qui n’a besoin de personne pour la protéger. Elle va apprendre que, parfois, l’entraide peut s’avérer précieuse. June est la pote de Charly qui incarne l’essence de l’adolescence. Rebelle, elle se pose en opposition des règles établies par les adultes et adore les mauvais coups. En dépit de son sale caractère et de son côté envahissant, elle est fidèle en amitié. Charly peut compter sur elle.

L’histoire est servie par une plume usant des deux V : visuelle et vivante. L’écriture s’amuse avec les mots sans abuser des symboliques. Dosée avec amour telle une recette de Dame Mélisse, elle peint le monde de Magic Charly en un gâteau aux mille saveurs.

En bref, j’ai adoré L’apprenti au point de vouloir en parler pendant des heures tout en me retenant. La découverte de l’univers merveilleux d’Audrey Alwett m’a profondément émue, si bien que je ne souhaite pas vous gâcher cette expérience. En deux mots : Lisez-le !