Futur antérieur (tome 1) d’Henri Bleunven

  • Titre : Futur antérieur
  • Auteur : Henri Bleunven
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégories : science-fiction

Appâtée par la magnifique couverture et le titre qui emprunte à la conjugaison pour évoquer un futur au goût amer de passé, j’ai laissé la tentation me gagner pour Futur antérieur. Surtout que le résumé parle de manipulation et de rébellion. J’ai pioché ce livre de mal pal à l’annonce de la sortie du second tome Futur recomposé. À noter que vous pouvez lire Futur antérieur en vous arrêtant là, car sa fin ne demande pas absolument une suite.

Nous sommes au XXIIe siècle. La vie s’écoule, paisible, dans le petit village de Soléal, sous la direction des Gardiens du Savoir. Urien et Leïla tentent d’avoir un enfant depuis leur union, mais Urien a d’autres sources d’inquiétude en tête. Derrière le caractère rassurant de la routine, le jeune homme s’interroge sur certaines pratiques de leurs gouverneurs. Au cours d’une escapade, il découvre une étrange caverne contenant un matériel à la fois futuriste et usé par le temps. Grâce à ces machines, le voile d’ignorance se déchire. Nous sommes au XXIIe siècle. L’humanité telle que nous la connaissons a disparu. Mais quelqu’un dirige, depuis les ombres, les vestiges d’un futur trop tôt avorté. Aidé d’autres jeunes rebelles et de Tsuda le Second, Urien s’engage dans une quête qui l’emporte au-delà de ses doutes.

Il m’a fallu un temps pour digérer ce récit dystopique inégale dans sa structure et dans ces choix narratifs. J’ai d’ailleurs été confuse à un moment donné, car il me rappelait plus le genre de la fantasy avec le voyage initiatique d’un élu qu’une révolte dans un monde futuriste pour déjouer les plans des autorités dirigeantes.

L’univers est plutôt ordinaire. On démarre notre intrigue à Soléal. Un village régit d’une main de fer par les Gardiens du Savoir. Entourés par la forêt, les citoyens habitent dans des maisons de bois et de chanvre. Le collectif prime sur l’individu. Seul le présent importe. Le passé a été effacé des mémoires et le futur n’existe pas. Bref, une société dont les libertés sont entravées et dont l’instruction reste minime pour éviter l’ouverture d’esprit et le développement de soi. Les femmes sont dominées par l’homme. Dès le début, on comprend la notion de Futur antérieur tant on a l’impression de vivre dans une communauté aux coutumes désuètes. Et ce n’est pas le seul élément qui rappellera les civilisations passées vu que les Gardiens du Savoir protègent les secrets d’une autorité dont on se doute vite des privilèges qu’une telle vie imposée engendre pour elle.    

Urien est un villageois trop curieux pour son bien. Il enfreint les règles et inspecte les zones interdites au-delà des enceintes de Soléal. Là, il découvre d’anciennes installations, le passé et des Insoumis comme lui. Les choses vont mal tourner et un périple pour sauver ce qu’il a de plus cher au monde va commencer. C’est à ce moment que la narration arbore des couleurs de fantasy, car l’auteur nous entraîne à travers les paysages des nouveaux Brocéliande, Islande, Ireland, Groenland et bien d’autres en compagnie d’un guide, Tsuda le Second, qui transforme ce parcours en voyage philosophique. Les deux tiers du livre subissent alors un rythme lent, voire contemplatif, par rapport à l’urgence de la situation. Une dynamique qu’on quittera seulement au moment du dénouement.

À partir de ce point, plusieurs choses m’ont chiffonnée. Je vais tenter de structurer au mieux mon ressenti.

La critique de l’ancien monde m’a vite lassée pour deux raisons. D’un, de nombreuses notions sur notre société nous sont lancées continuellement à la figure au point que j’ai eu l’impression de lire des articles militants ou des pages Wikipédia. De deux, le côté moralisateur qui oublie qu’on vit dans un monde coloré et non tout noir. Loin de moi l’idée de vouloir lancer une polémique écologique et sociétale ici. Je ne renie pas les propos énoncés dans Futur antérieur, je regrette juste leur abondance par rapport à l’avancée de l’intrigue, la manière dont ils sont exposés quasiment à chaque chapitre et leur manque de nuance, ce qui confère un sentiment moralisateur plutôt qu’instructif au roman. Je ne dis pas que notre société est parfaite, mais je pense qu’il y a assez d’initiatives de nos jours pour éviter ce bashing constant et unilatéral dans les écrits futuristes. Ce n’est que mon opinion de lectrice. D’après moi, il est nécessaire de contrebalancer la noirceur si les affres de notre époque sont abordées en long et en large dans un roman de science-fiction au lieu d’être simplement un élément aidant à la construction du contexte dans lequel baignent les personnages.

Ces coups de marteau moralisateur ont souvent pris le pas sur l’intrigue et empêchent de poser l’ambiance, même dans les moments cruciaux. J’aurais préféré ressentir l’horreur des camps de travail, les sentiments de dépression et de désespoir qu’ils causent, plutôt que de lire une courte explication vite placée pour dénoncer les effets néfastes des industries sur l’humain. 

Enfin, le point qui m’a le plus dérangée concerne la passivité d’Urien. Épinglé comme protagoniste, il a endossé en quelques chapitres le costume de personnage secondaire. J’avais pourtant adoré sa curiosité et son impétuosité au début du roman quand il brave les interdits. Après l’élément déclencheur, il se transforme trop vite en agneau qui suit son mentor sans vague. D’ailleurs, sans Tsuda le Second on aurait vite atteint le mot fin à l’histoire. Sans Tsuda le Second, j’aurai sans doute refermé le livre pour tout avouer.

Cet énergumène est un surhomme. Un sage mystérieux, mais surtout excentrique. Il répond aux questions quand le moment se présente au grand dam de ses élèves avides de savoir. Sa verve donne tour à tour aux dialogues une dimension théâtrale, comique, ironique et autoritaire. J’ai adoré ses interventions, sa retenue et ses faiblesses. Ce géant n’est pas parfait et cache un passé dont il n’est pas fier malgré la justesse de ses actes.

En bref, Futur antérieur fut une lecture déconcertante. Si les thèmes abordés sont justes, le procédé ne m’a pas convaincue en raison de son côté moralisateur incessant et de l’absence d’un vrai personnage principal. Le caractère marginal et excentrique de Tsuda le Second est le seul élément qui m’a empêchée de poser le livre. Aujourd’hui encore, je ne sais pas si je lirai Futur recomposé.

3 commentaires sur “Futur antérieur (tome 1) d’Henri Bleunven

Laisser un commentaire