Okami-hime (Les héritiers d’Higashi, #1) de Clémence Godefroy

  • Titre : Okami-hime (Les héritiers d’Higashi, #1)
  • Autrice : Clémence Godefroy
  • Éditeur : Les Éditions du Chat noir
  • Catégorie : fantasy

Mon amour pour le Japon n’est plus un secret. La collection Neko est ma préférée des Éditions du Chat noir. Lors de la Foire du Livre de Bruxelles de 2020, je n’avais pu résister au premier tome des Héritiers d’Higashi de Clémence Godefroid et sa merveilleuse, mystérieuse et onirique couverture réalisée par Miesis sur une illustration d’Anato Finnstark.

Plusieurs lignées de Bakemono régnaient jadis sur Higashi jusqu’au jour où une guerre éclata. Depuis, les Renards (le clan des Odai) dominent et gèrent la région d’une main de fer. Ayane, une disciple de l’Ordre de la Main pure est envoyée en mission pour garder Numié, une dame au comportement inquiétant. Cette rencontre bouleversera la vie de l’apprentie.

Au vu du résumé, je pensais tomber sur des intrigues de cours à la pelle. Un monde où sournoiserie et faux-semblants nous embarqueraient dans un suspense insoutenable où les revirements de situations seraient légion. Le rythme et le déroulement de l’histoire se sont avérés plus calmes que prévu. Il y a bien des tensions entre les personnages et des relations malveillantes, toutefois, nous sommes loin du poignard planté dans le dos.

Est-ce que cela m’a dérangé ? Non. L’autrice opère avec subtilité en nous faisant pénétrer dans la cour des femmes enfermées dans la partie qui leur est réservée dans le château. Elle nous plonge dans l’intimité des lieux pour confronter et tisser les liens entre Ayane et Numié en dépeignant la condition des femmes dont les choix de vie sont réduits et contraints par les hommes.

La franchise de l’apprentie va charmer la captive qui perçoit en elle, une nature spéciale. D’un abord farouche et intelligent, Numié va peu à peu montrer sa douceur et son amitié profonde, mais aussi ses blessures. Elle porte le poids d’une éducation qui l’emprisonne et va à contre-courant de ses envies, celles émises par son cœur. Ayane est son reflet dans le miroir. Élevée très jeune par l’Ordre de la Main pure, leurs règles de vie vont à l’encontre de ce qu’elle désire. Elle possède un penchant pour la frivolité et les garçons dont elle s’amourache facilement. Toutefois, son côté tête brûlée et sa curiosité lui confèrent des aspérités qui adoucissent ces traits, des caractéristiques que j’apprécie rarement chez un personnage féminin.

En parallèle de ce duo, nous suivons une nekomata, Yoriko, dont les mauvaises habitudes dans les salles de jeux l’obligent à faire profil bas en entrant au palais des mille flammes comme domestique. Dotée du pouvoir de manipulation et détestant la servitude, elle gravit les échelons sans se douter de ce qui l’attend. Je l’ai adorée dès les premières lignes. Sans scrupules, hautains et préférant la fuite au combat, le félin nous surprend par sa détermination à retrouver sa liberté.

En chemin, une pléthore de personnages rencontre Ayane, Numié et Yoriko. Beaucoup pour un si petit roman. Toutefois, ils ont tous leur place dans l’histoire. Certains arrivent tardivement et je ne vais pas m’étendre sur eux ou les citer. L’autrice les a nuancés, rendus palpables, réels, en très peu de ligne pour certains, ce qui est révélateur d’un travail de qualité.

L’univers nous plonge dans un Japon flirtant avec le Steampunk. On pourrait se croire dans l’époque médiévale ou à l’aube du XIXe siècle. Vous savez, l’ère durant laquelle le pays avait coupé pendant deux siècles les ponts avec le reste du monde ? Cependant, l’apparition du train à vapeur et de palanquin mécanique nous ramène à la période de l’ouverture des frontières. Le royaume d’Higashi dessine la magnificence du Japon féodale en y parsemant des éléments du XIXe siècle et en y ajoutant une magie simple et efficace dont les caractéristiques aident à faire avancer le récit.  

La plume de Clémence Godefroy est fluide et dynamique. Elle emprunte à la tradition nippone pour ancrer l’histoire dans ce pays. Elle dialogue à coup de Haïkus et de réparties sous-tendues par plus d’enjeux que les mots exprimés. Même si je ne suis pas sensible à la poésie, j’apprécie grandement qu’elle use de ce principe ancestral. Des termes japonais apparaissent çà et là sans traduction en note de page. Cependant, cela ne gêne pas, à mon sens, la compréhension même pour les néophytes.

En bref, Okami-hime fut une lecture dépaysante. Elle met en scène la puissance de l’amitié et du désir de liberté qui effacent les frontières entre espèces de Yōkai. Le décor nous propulse dans un Japon médiéval époustouflant saupoudré d’imaginaire du XIXe siècle. Cette œuvre n’a rien à envier aux auteur.ices nippons.