- Titre : Un papillon en hiver
- Autrice : Laetitia Meyrat
- Éditeur : Éditions du chat noir
- Catégorie : revisite de conte
Acheté il y a un an sur le site des Éditions du Chat Noir, j’ai profité de la période hivernale pour sortir cette réécriture de conte. Avant de commencer ma chronique, j’aimerais préciser que je n’ai jamais été concernée, de près comme de loin, par le thème général de ce roman : les troubles alimentaires. Mon avis ne découle que de mon ressenti de parfaite ignorante du sujet. Bien entendu, je suis ouverte à tout commentaire constructif et instructif ainsi qu’aux témoignages suite aux points que je vais aborder. Je préfère annoncer la couleur dès le début, car ma lecture s’est avérée… fastidieuse, alors que j’aurais aimé qu’elle soit révélatrice.
Raiponce fête ses 18 ans. Comme chaque année, elle se rend dans la forêt des Brigands pour voir les fées. Cette fois, elle est certaine d’en rencontrer. Pourtant, ces créatures ailées continuent de se cacher. Le soir même, elle peint sur les murs de sa chambre, la figurine que son frère souhaitait lui offrir et qui s’est malencontreusement brisée en mille morceaux. Sa fresque prend vie sous ses yeux. Son Don a réveillé Thécéa qui va la conseiller pour aller mieux. Mais est-ce vraiment ses intentions ?
Le conte de Raiponce n’ayant jamais été parmi mes préférés, je ne me rappelle pas l’histoire originale. Ayant visionné la version de Disney en même temps que la lecture, j’ai pu constater que l’autrice reprenait les éléments du film. Un papillon en hiver inverse les codes du conte dans lequel Raiponce veut s’échapper de sa tour. Dans le roman, elle va y rentrer de sa propre volonté en rejetant l’aide de ses proches et en se laissant submerger par la fêlure du passé qu’elle a refoulé.
Car la rupture se trouve bien dans un passé lointain d’au moins 10 ans. Je ne nie pas l’impact de l’inconscient où l’on case les choses que l’on veut oublier et la puissance du cerveau à développer des stratégies de survie. Ce qui m’a dérangé, c’est le déclencheur, la clé qui a ouvert le coffre scellé. Celui-ci m’a semblé trop faible pour justifier cette plongée en enfer où Raiponce devient une obsessionnelle de la maîtrise de son assiette et de son corps. Surtout en raison du portait que les personnages font de celle qu’elle était avant Thécéa.
Rayonnante comme le soleil, elle s’allie à son frère pour se moquer des filles qui font attention à leur ligne. Elle n’a cure de ce qu’elle mange et croque la vie à pleines dents. L’image d’une femme forte et positive en toute situation en somme. Et ce même, si elle a perdu son Don.
Dans ce monde, il existe des Talents. Ceux-ci sont des êtres particuliers qui possèdent un Don. Ils partent à la capitale pour l’améliorer et en faire bénéficier leurs concitoyens par la suite. Raiponce insuffle la vie à ses dessins, comme ce fameux poisson qui tourne toujours dans son bocal après temps d’années. Or, depuis la mort de son père, il semble l’avoir déserté, ce qui arrange la jeune femme, car vivre de son Don n’est pas son rêve, mais celui de son frère, Grégory.
En résumé, nous avons une fille positive, bien dans sa peau et qui adore l’idée d’avoir perdu son Don. Le seul point noir réside dans les cauchemars d’une tour qui la hante durant la nuit et qui génère de l’angoisse. Maintenant que le portrait est dressé, revenons à notre déclencheur. Raiponce abandonne son désir de voir une fée en vrai. C’est après cette étape que son Don réapparaît et qu’elle fait naître Thécéa qui va lui remonter le ciboulot. Renoncer à son rêve d’enfant est synonyme de perte de l’innocence. Les explications à la fin de l’histoire sont cohérentes avec le déclencheur. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que la Raiponce du présent ne témoignait pas assez de cette fêlure dans son comportement pour plonger aussi rapidement dans le travers du TDA, même avec la manipulation de Thécéa qui s’avère être quelques phrases méchantes.
Comme je l’ai dit, je ne m’y connais pas sur le sujet, contrairement à l’autrice qui a vécu cette maladie. Je ne suis pas experte. J’ai eu l’impression de voir un écart psychologique trop important entre les deux Raiponce pour me laisser convaincre par ce changement radical et rapide. Il est possible que je sois juste comme sa famille, incapable de repérer les signes et que j’aie même propension à fermer les yeux quand une personne souffre de ce problème. N’hésitez pas à partager vos remarques en commentaire, car j’aime apprendre et ouvrir mes horizons.
Après cette bascule, je me suis laissé entraîner dans le récit un moment (surtout quand Thécéa entre en jeu). L’histoire s’articule selon quatre points de vue : Raiponce, Grégory, Jeanne (la maman) et Lucien (le meilleur ami de Greg, secrètement amoureux de Raiponce). Si j’ai apprécié découvrir tour à tour les personnages, j’ai vite déchanté. L’ensemble des chapitres reposent sur une narration similaire où iels racontent le passé durant plusieurs paragraphes. Ces pavés d’introspection et de nostalgie ont fini par souffler mon enthousiasme, car j’avais l’impression de lire état d’âme sur état d’âme. La morosité générale m’a pesé. Et part morosité, j’entends qu’ils vont TOUS mal. Chaque narrateur a le cœur lourd, une vision sombre de l’avenir, un désespoir, une tragédie dans sa vie.
Grégory fanfaronne, mais fuit dans l’alcool. Jeanne, soigneuse de métier, n’arrive pas à faire son deuil (elle en veut à son mari d’être parti) et refuse de voir la dégringolade de sa fille, alors qu’elle a une patiente atteinte de la même maladie sous les yeux ! Lucien perd son père. Bon, ça reste le plus joyeux de la troupe, mais cette blessure, son incapacité à partager ses sentiments et à vivre son rêve, plombe l’ambiance, quand même.
Je suis sûre qu’arriver à cette ligne, vous vous demandez pourquoi j’ai continué ma lecture ? Vu que j’ai accroché au début de l’histoire, je ressentais toujours cet espoir que la flamme de l’intérêt soit ravivée. Ensuite, la plume de Laetitia Meyrat est magnifique. Elle a un petit côté enchanteur, une certaine beauté, comme une fée qui nous susurre des promesses. Enfin, mon esprit d’autrice débutante a pris la relève pour analyser le roman qui repose sur le schéma narratif de la renaissance. Un sujet que je lis peu et qui a été décortiqué lors d’un stage d’écriture que j’ai suivi en janvier. Terminer le livre m’a permis de reconnaître chaque étape de ce schéma, mais aussi de comprendre l’une des difficultés de celui-ci : la gestion du côté obscur.
La présence quasi permanente d’une ambiance morose et de sentiments négatifs chez les narrateurs m’a montré, pourquoi, il s’agit d’un point de vigilance et pourquoi j’ai progressivement eu envie de fermer le bouquin. Un équilibre entre lumière et ténèbres est nécessaire pour éviter la pesanteur et la monochromie de l’histoire. Or, les quelques épisodes lumineux (où Raiponce échange des piques avec son frère ou les passages touchants avec le Père de Lucien, par exemple) sont trop peu nombreux.
Si le déroulé du récit reste cohérent et que les pièces du puzzle s’emboîtent bien, les révélations m’ont paru tomber comme un cheveu dans la soupe, car l’instigateur de la blessure profonde de Raiponce, n’apparaît à aucun moment avant la fin. Pourtant, vu son statut dans l’histoire, il aurait été aisé de l’inclure avant.
En bref, Un papillon en hiver met en scène une jeune fille solaire atteinte, soudainement, de troubles des conduites alimentaires et de son entourage à la vie bien morne et mélancolique. Avec un début prometteur, et un déroulé de l’histoire plutôt intéressant, le roman pêche, néanmoins) par une surenchère de la négativité qui entraîne une lourdeur. Un poids que la jolie plume de l’autrice n’a pas réussi à surpasser.