Sorcière de chair de Sarah Buschmann

  • Titre : Sorcière de chair
  • Autrice : Sarah Buschmann
  • Éditeur : Noir d’Absinthe
  • Catégorie : horreur fantastique

Sorcière de chair est arrivé dans ma wishlist après la lecture de plusieurs chroniques dépeignant le coup de poing violent que ce récit décoche en pleine poitrine. Lors de ma première visite au Salon du Livre de Mons en 2022, je n’avais pu résister à la tentation de me le procurer malgré un budget serré. Je regrette de ne pas l’avoir sorti avant l’annonce de la fermeture de la maison d’édition Noir D’absinthe. J’espère que ce roman ne tombera pas dans l’ombre, enterré sous le désert aride du monde livresque.

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.

Pour Arabella Malvo, lieutenante de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?

Une chose est sûre : l’abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

Sorcière de chair est un roman qui se lit à la fois facilement et difficilement. Les pages défilent rapidement, pourtant, le contenu pourrait freiner plus d’un cœur fragile. L’autrice n’épargne rien, ni à sa protagoniste ni à ses lecteurices. Si vous souhaitez pénétrer dans cette enquête sanglante, vous êtes avertis ! Dès le prologue, elle nous met en garde. Elle dévoile au fil de son intrigue des comportements que l’on pourrait définir comme horribles, terrifiants, violents. Cependant, ces mots sont bien trop faibles pour décrire la cruauté et les ténèbres qui étouffent les personnages. On assiste à un jeu de domination, de manipulation, d’égoïsme, de pouvoirs. La vengeance gangrène chaque personnage tour à tour, la haine explose au visage d’Arabella, la transperce de part en part. Mais ne soyez pas dupe, même elle n’est pas un ange.

Si les révélations se devinent vite, l’histoire n’en reste pas moins captivante. La romancière dépeint une Australie qui craint les sorcières, car celles-ci ont le pouvoir de manipuler la conscience et la mémoire. La magie est fondée sur la neurologie et offre des contraintes intéressantes dans le développement du suspense et de l’enquête d’Arabella. Les forces et les faiblesses sont dosées pour emmener notre protagoniste sur le chemin cruel du passé. Des souvenirs qu’elle aurait préféré effacer à jamais de sa mémoire vont bouleverser la vie qu’elle n’a même pas réussi à reconstruire, et salir les espoirs, les morceaux d’humanités auxquels elle se rattachait.

Malgré ses actes, malgré les sévices qu’elle a subis, notre enquêtrice possède encore une lueur vacillante au fond de son cœur. Une lumière naïve qui la raccroche à cette terre qui l’a maudite depuis sa naissance. Sarah Buschmann la torture autant physiquement que psychologiquement. Elle l’écrase, l’enfonce dans l’abyme glacial du désespoir.

En bref, Sorcière de chair dépeint la perfidie de la vengeance. Ce serpent répand son venin, corrompt les âmes et noircit chaque cellule jusqu’à étouffer tout espoir. Sous ces airs d’enquête simple, l’autrice offre une histoire dont personne n’en ressortira indemne. Personnages et lecteurices.

Le Festin des goules de Gilles Debouverie

  • Titre : Le Festin des Goules
  • Auteur : Gilles Debouverie
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : horreur fantastique

Le Festin des Goules est la suite indépendante du Talisman. Je recommande de les lire dans l’ordre chronologique, car Gilles Debouverie ne cache pas les rebondissements de la première enquête ce qui serait dommage si vous souhaitez la découvrir.

Douglas Campanelli est un ancien pêcheur qui vit reclus dans sa belle villa située au bord de l’océan. Une nuit, il est réveillé par un individu étrange qui le somme d’avouer son implication dans une vieille et sordide histoire de meurtre. Pour obtenir la vérité, l’inconnu le menace d’ouvrir la porte de sa cave afin de libérer des goules voraces qu’il dit contrôler.

Carla Mendez est toujours lieutenante de police à Dunkham, petite ville côtière du Massachusetts coincée entre Plymouth et Boston. En plus de devoir gérer les problèmes de santé de son nouveau compagnon, elle est affectée à un meurtre sordide qui s’est déroulé dans un quartier où le temps semble s’être figé au siècle dernier.

Le parcours sanglant de celui qui sera bientôt appelé « L’arracheur du Massachusetts » ne fait que commencer.

Cette enquête policière horrifique s’inspire de la nouvelle Le Modèle de Pickman de H.P. Lovecraft. Il n’est pas nécessaire de l’avoir lue au préalable. Le romancier explique suffisamment ses liens et sa contribution au sein du récit pour éviter de perdre ses lecteurices. Le festin des goules est un pavé structuré en deux parties qui se succèdent comme un jeu de domino. Comme dans Le Talisman la narration se partage entre le tueur et la policière. Si j’avais adoré cette découpe dans le premier tome, ce principe m’a laissé de marbre ici. La raison tient sans doute à la personnalité du criminel. Celui-ci est méticuleux, chirurgical, froid et distant en plus d’être ambitieux, ce qui l’a rendu moins humain, moins cynique, moins mordant que l’esprit du talisman.

L’enquête nous plonge dans le domaine artistique macabre et cauchemardesque qui rappelle les tableaux d’un Füssli, mais en plus trash. Les créatures terrifiantes se repaissant de la chair des victimes. Si la question Faut-il séparer l’œuvre de l’artiste ? est évoquée dans ce roman, elle n’est ni argumentée, ni décortiquée. L’auteur laissant en suspens cette interrogation sans montrer son parti pris. On y voit également des hommes censés être respectables s’adonner à leurs vices en toute impunité. Une violence extrême se dévoile sous les coups de plume de Gilles Debouverie qui jette des atrocités à la figure des lecteurices. Si vous êtes fragiles, passez votre chemin, car les révélations dénoncent les pires folies dont sont capables les hommes. Face à ses scènes de genre, les goules nous apparaissent tels des moutons inoffensifs.

J’ai adoré retrouver Carla et son caractère de molosse. Elle mord les piètres idiots qui ont des préjugés avec un bagou incroyable. Elle oscille toujours entre sa franchise et ses remords, car elle se rend bien compte que ces propos peuvent impacter dangereusement le mental des autres.  

En bref, Le Festin des Goules nous attable en compagnie des pires vices de l’humanité. À cette table, nous y dégustons l’ambition morbide qui repousse les limites de la cruauté. Nous découvrons le véritable visage des monstres assouvissant leurs désirs de sang, de vengeance et de gloire dans une enquête un peu longue, mais dont l’horreur ravira les papilles des dévoreurs du genre.    

Nouvelles de L’Ouest – Crépuscule (anthologie)

  • Titre : Nouvelles de L’Ouest – Crépuscule
  • Auteu.rices : Clémentine Charles, Corentin Macé, Emilie Ansciaux, Ghislain Gilberti, Gilles Debouverie, Guillaume Beck, Jo Hanscom, Julien Schneider, Morgane Pajot, Norman Jangot, Renaud Crepel
  • Éditeur : Liv’S Editions
  • Catégorie : nouvelles, horreur

J’ai des difficultés à trouver chaussure à mon pied concernant l’horreur. Et encore moins lorsqu’il s’agit de western. Cependant, je commence à devenir accro aux anthologies de Livr’S éditions et quand plusieurs autrices issues de Licares y participent, il m’en faut peu pour faire sauter la pression qui retient les pans de mon portefeuille.

Nouvelles de L’OuestCrépuscule est l’un des tomes d’une série de deux anthologies du genre horrifique basées sur le sujet du western. Alors que Crépuscule a été présentée comme sanglante à souhaite, aube serait plus « douce et psychologique ». Je n’ai pas encore lu la deuxième, je ne peux donc que certifier les effusions de sang dans la première.

Alors qu’une liberté de temps permettait aux auteurs d’éviter le récit historique, peu de textes dans ce recueil se sont éloignés de cette période aride et cruelle où les lois des Hommes blancs dominent et étouffent les autochtones au mépris des croyances ancestrales et pourtant bien vivantes. Si l’intrigue se situe de nos jours, la narration immerge les lecteur.ices dans le passé comme au cinéma. On retrouve les ingrédients propres au Far West, cette période inventée par les producteurs sur une fondation réelle du Nouveau Monde. Pistolets, Chevaux, Saloon, vulgarité et violence sont au rendez-vous.

La condition de la femme n’est pas épargnée. Toutefois, elle ne se présente pas uniquement dans le rôle de la prostituée bien que la violence lui colle à la peau. Elle étonne dès qu’elle sort du carcan patriarcal et est désignée sorcière, source de tout les maux (par exemple, Brume et Ce qui gronde).

Le folklore amérindien s’immisce, bien entendu, dans les récits pour punir le mépris et reprendre ses droits sur les terres colonisées. Toutefois, ce n’est pas les seules légendes qui colorent les textes.

N’étant pas bon public pour ces deux thématiques (horreur et Western), mon avis est plutôt mitigé sur la globalité de l’anthologie. Certaines histoires ont réussi à me conquérir, d’autres à me divertir et les dernières m’on laissée sur le quai, regardant les vapeurs de la locomotive s’éloigner à l’horizon. Comme d’habitude voici mes trois nouvelles préférées dans leur ordre de parution dans le recueil :

Jérôme de Jo Hanscom

Chiara est en vacances avec sa famille aux USA. Parcourant les routes américaines, elle ronchonne, car son père souhaite les emmener à Jérôme, une ville reconstituée qui immerge les touristes dans le Far West. La jeune femme déteste tout ce qui touche au Western : les cowboys, le rôle des femmes, la concupiscence, la vulgarité et le manque d’hygiène ! C’est dans ce décor respirant l’authenticité que les choses vont déraper. En effet, les acteurs incarnent à la perfection leur rôle, un peu trop en vérité.

L’intrigue est super bien menée. Même si on se doute de certains points, j’ai été happée par la plume dynamique qui projette l’horreur sur Chiara. Malgré l’absurdité qui l’a frappe, elle démontre un sang-froid héroïque au vu de la situation.

Red Coyote de Morgane Pajot

Cette nouvelle se partage entre lettres et journal intime. Joséphine a été abandonnée par son chauffeur de diligence dans une bourgade malfamée. Elle loge au Red Coyote, un saloon de dépravés. Tout y est crasseux et horrible. Le gérant la voit clairement comme un bout de viande exploitable. On pourrait avoir de la peine pour elle, mais on ressent d’abord ses manières de bourgeoise et son caractère hautain.

Les écrits se succèdent, nous plongeant dans l’évolution psychologique de Joséphine. Lassitude, psychose, résignation, paranoïa et acharnement vont être ses nouvelles amies lorsqu’elle sent des regards lubriques à travers les parois et des courants d’air glacial. Progressivement, le récit se teinte de fantastique. Les fantômes hantent les murs du Red Coyote marmonnant des horreurs sur ce qui fut, si bien qu’on se demande quel Mal sera le moins pire pour Joséphine.

Peacemaker de Julien Schneider

John B.Chesterfiel se réveille avec de drôle de sensation. Normal, vu qu’il est mort. À peine remis de son étonnement, Avispa lui explique pourquoi il l’a transformé en zombie. Il doit aller sauver sa fille des griffes des Hommes blancs. Une mission surprenante quand on rencontre Nascha qui se débrouille à merveille pour trucider les mâles de la plus terrifiante des façons pour eux. Nous sommes loin de la princesse en détresse et du chevalier servant pour mon plus grand plaisir. Peacemaker renie son titre tant le récit est trash et léger à la fois. Les épisodes s’enchaînent humour, tension et action avec un dynamisme prenant. La tournure des événements dans les dernières pages est inattendue et diabolique. Je crois sincèrement que c’est la meilleure scène horrifique que j’ai lue de ma vie. Et on sait à quel point c’est un défi de me faire frissonner.

Les brumes affamées de Dawn Kurtagich

  • Titre : Les brumes affamées
  • Autrice : Dawn Kurtagich
  • Éditeur : Les éditions du Chat noir
  • Catégorie : horreur fantastique

J’ai lu Les brumes affamées dans le cadre du PAC 2023 (Automne rayonnant. L’esprit indomptable de Jo March). Ayant apprécié The Dead House, j’ai profité des promotions aux Éditions du Chat noir pour me le procurer. Les thématiques sur la sorcellerie et le féminisme ont bien entendu joué un rôle important dans ce choix et la sélection du roman dans le PAC.

De nos jours. Zoey, obsédée depuis toujours par les ruines de Mill House qui semblent avoir un lien avec l’amnésie de son père, fugue avec son meilleur ami pour y mener l’enquête. Sur place, des événements étranges les font douter. Sont-ils seuls ? En danger ? D’autant plus que personne ne sait qu’ils sont ici…

1851. Roan emménage à Mill House pour y vivre avec son nouveau tuteur après le décès de son père. Elle y fait la rencontre d’autres orphelins. Mais quand elle comprend qu’elle est liée à un ancien secret, elle décide de s’échapper avant qu’il ne soit trop tard… Avant que les brumes ne se referment complètement autour du manoir.

1583. Hermione, jeune mariée, accompagne son époux dans les terres sauvages du nord du Pays de Galles où il a prévu de construire une maison et un moulin à eau. Mais bientôt, des rumeurs concernant des rituels démoniaques se propagent…

3 femmes, 3 époques différentes, toutes liées par un Pacte impie. Un pacte signé par un homme qui, plus de mille ans plus tard, est peut-être encore là…

Nous suivons les trois protagonistes de façon inégale. Alors qu’on aurait pu penser lire une enquête du présent sur les événements passés, c’est le fil de Roan qui a le plus d’ampleur dans le roman (qui, au passage, a fait l’objet d’un magnifique travail éditorial autour du texte et en interaction avec celui-ci). Endeuillée par la perte de son père, elle se rend à Mill House pour y rejoindre son nouveau tuteur : le Dr Maudley. Elle y rencontre sur place les autres pupilles : Emma, Seamus et Rapley. Alors que le brouillard se lève, rendant la montagne de plus en plus austère à leur fuite, d’étranges phénomènes se produisent.

Nous découvrons une femme déterminée, intelligente qui porte le poids d’un passé incohérent. Élevée dans une bonne famille, elle est fière et bien éduquée. Cependant, elle ne supporte ni le corset qui l’empêche de respirer ni la crinoline qui lui sert de cage et elle le montre à plusieurs reprises avec dignité. Si ces répliques sont délicieuses, Emma la surpasse par son franc-parler de campagnarde dont les manières n’entravent pas la langue. J’ai apprécié dès le départ l’Irlandaise pour sa simplicité et son tempérament.

Zoey est séparée de son père atteint d’Alzheimer. Elle se lance sur les traces de son dernier voyage avec la fervente conviction que Mill House détient la clé du problème. Car sa maladie n’est pas naturelle. Elle est obnubilée par sa quête. L’adolescente raconte son récit via trois médiums qui rendent ses chapitres dynamiques et à double perception. Le journal intime nous livre ses pensées brutes et la manière dont elle a vécu les épisodes du récit. La vidéo quant à elle nous permet de prendre du recul sur Poulton et les personnages qui gravitent autour de Zoey grâce à la neutralité de la narration. Lorsqu’elle est séparée de son ami, le SMS fait son entrée. J’ai été subjuguée par l’habilité de l’autrice à utiliser les messages. En quelques mots (dans les premiers chapitres consacrés à Zoey), elle marque l’attachement et construit la relation de ses deux personnages avec brio. On voit direct à quel point ils sont proches. Elle arrive également à développer une tension lors des échanges.

Enfin, Hermione apparaît ci et là à travers une page de son journal qui raconte son quotidien peu amène de jeune mariée. Une union qui l’emporte sur le sommet d’une montagne d’ardoise à cause du rêve fou de son époux.

Ces trois fils se rejoignent au cours d’une histoire plus atmosphérique que structurée. L’image de la brume est en ce point favorable à décrire cette sensation. Elle brouille la vision, une partie est visible, on bouge et hop, on voit autre chose qui ne semble pas avoir de lien avec la précédente. C’est l’impression que la succession des scènes au sein de l’acte de Roan m’a donnée. Le mystère et l’ambiance prennent le pas sur le lien entre les épisodes. Les transitions sont parfois saccadées, incertaines. On doute, on se questionne. La folie n’emporte pas que les protagonistes. Elle nous pousse à tourner les pages pour connaître le dénouement telle une fièvre démoniaque. Elle a été le moteur de mon intérêt vu que je n’ai pas été particulièrement touchée par les personnages principaux.

En bref, Les brumes affamées nous conte le récit de trois femmes issues d’époque différente malmenées par la folie, la crainte et la haine. Ce roman atmosphérique mêle des figures féminines fortes qui se débattent contre le mal et contre elle-même. Je regrette juste de ne pas m’être attachée à elles.  

Ghost Virus (Patel & Pardoe, tome 1) de Graham Masterton

  • Titre : Ghost Virus (Patel & Pardoe tome 1)
  • Auteur : Graham Masterton
  • Éditeur : Livr’S Édition
  • Catégorie : Horreur

J’ai lu Ghost Virus de Graham Masterton dans le cadre du PAC 2023 (Automne frissonnant, catégorie : viens flotter avec nous). Ayant apprécié ma lecture de La maison aux cent murmures l’année passée, j’ai voulu découvrir un second roman de l’auteur et j’ai pioché le premier tome de la série Patel & Pardoe publié chez Livr’S édition dont l’idée de base horrifique m’intriguait.

Samira s’est longuement observée dans le miroir, avant de verser de l’acide sulfurique sur son front. Qu’est-ce qui l’a poussée à commettre un tel acte alors que cette jeune femme avait toute la vie devant elle ? Si la police penche pour le suicide, les meurtres atroces qui ravagent bientôt Londres les poussent à revoir leur jugement. Une soif de sang, insatiable, se répand telle une épidémie, et rien ne permet d’établir des liens entre victimes et tueurs. Rien ? Pas vraiment… Tous ces assassins ont un point commun : ils portent des vêtements de seconde main. Et si ceux-ci étaient possédés par une force surnaturelle ? Une course contre la montre s’engage entre les inspecteurs, Jerry et Jamila, et cette infection…

Ghost Virus repose sur une structure alternant les scènes de crime et les enquêteurs. L’ouverture décrit le suicide/meurtre de Samira, une jeune pakistanaise sur le point de se marier. Elle est fascinante : une atmosphère surnaturelle, une tension bien menée avant l’acte fatal et une plongée dans l’horreur qui en découle. Le monsieur n’est pas avare en détail ! Ensuite, les crimes s’enchaînent dans un crescendo de violence qui m’est devenu rébarbatif, d’autant plus que l’enquête stagnait. Cette déception est liée à deux éléments qui me sont propres.

Pour rappel, j’explore le genre de l’horreur depuis 2022. Je suis une personne ayant pas mal de sang-froid au point où j’aurais pu devenir urgentiste si je ne détestais pas les hôpitaux. J’ai rarement peur. Ou plutôt mes sources d’angoisse sont différentes du commun des mortels, ce qui entraîne un certain ennui devant les romans et films du genre. Contrairement à La maison aux cent murmures, Graham Masterton verse ici dans l’horreur boucherie. Celle où le sang gicle, les membres sont déchiquetés, broyés, mangés, etc. Si le chapitre de Samira m’avait charmée, j’ai trouvé les autres meurtres barbants à la longue, car ça manquait d’atmosphère, d’ambiance. À certains moments, j’ai même ri devant le côté absurde de la scène impliquant les fameux vêtements. Mon imagination construisait des images en décalage avec le style.

Le second élément concerne l’enquête ou plutôt son absence. Celle-ci reste très formelle et en second plan. Elle avance parce que de nouveaux crimes sont commis. Il n’y a pas de réel suspense vu que l’on connaît les tueurs depuis le résumé. Il y a un second fil conducteur dont le raccord final au circuit principal m’a déçue.

L’une des premières questions que je me suis posées concernait justement la manière dont le romancier allait s’y prendre pour me garder en haleine tout au long du récit. En refermant ce livre après deux-trois semaines de lecture, j’en suis venue à la conclusion que cette histoire aurait pu fonctionner sous forme de nouvelle ou de novella. Cela aurait été une brève et intense entrée dans ce chaos surnaturel. 400 pages, c’était trop long. La matière manquait pour me satisfaire.

Quand un récit est en demi-mesure ou s’essouffle, les personnages sauvent souvent ma lecture. Ici, le duo d’enquêteurs n’a pas pu rattraper la sauce. Je les ai trouvés difficiles à cerner comme s’ils gardaient un masque neutre et professionnel jusqu’à un certain point de l’histoire où ils deviennent plus tangibles. La relation entre eux m’a également fait lever les yeux au ciel, car on tombe encore une fois dans le sentiment amoureux et le premier épisode qui y est relié était très peu naturel. Enfin, alors que Jamila est la supérieure de Jerry et qu’elle a prouvé ses aptitudes au combat, elle finit par être posée dans la case de la princesse à protéger au moment fatidique. Si vous me suivez depuis mes débuts, vous savez que je déteste le syndrome de la princesse fragile !

Pour citer quelques thèmes exposés dans ce roman : les violences conjugales visant les femmes, la censure policière vis-à-vis du public et la folie divine de certains humains. On aborde également des légendes pakistanaises. Un point positif, car mes connaissances sur le sujet sont limitées.  

En bref, l’envoûtement du premier chapitre de Ghost Virus s’est brisé en raison de la redondance des scènes de boucherie et l’absence de réelle enquête. Je ne me suis pas attachée au duo de détectives dont le rapprochement et les interactions m’ont laissé de marbre. Flirtant entre horreur et absurdité, cette histoire aurait pu me plaire dans un format court.

La tour de Sélénite d’Arnaud Codeville

  • Titre : La Tour de Sélénite
  • Auteur : Arnaud Codeville
  • Éditeur : autoédition
  • Catégorie : horreur

L’acquisition de La Tour de Sélénite d’Arnaud Codeville remonte à ma première visite de la Foire du Livre de Bruxelles en 2019. Avec sa couverture verte grunge sur laquelle se détache un phare bien mystérieux, je me suis arrêtée à sa table. Il aura fallu un certain temps avant de le sortir de ma pal. D’ailleurs, je n’ai toujours pas lu l’entièreté de la moisson de cette FLB. En 2022, j’avais exploré le genre de l’horreur pour comprendre quels éléments fonctionnaient ou non sur moi et dans l’objectif avorté d’écrire une nouvelle pour un AT. J’aurais pu ramer jusqu’à cet éperon rocheux, mais il est demeuré dans l’ombre des vagues.

Adel Blanchard est un écrivain fauché et divorcé. Il accepte un boulot de professeur de Lettre à Lille où il fait la connaissance d’une nouvelle bande d’amis. Ceux-ci désirent entreprendre un projet pédagogique d’envergure : la restauration d’un vieux phare. Laure et Maxime ne donnent plus signe de vie une fois sur place. Contrairement au proviseur, Adel est persuadé qu’ils n’ont pas fui avec l’argent du projet. Il se lance sur leurs traces avec son pote Paul et Éric qui n’a pas le choix de les accompagner.

Ce roman d’horreur fantastique commence par une longue introduction durant laquelle quelques petites choses flippantes se déroulent en présence de notre romancier paumé. Cependant, cela reste tellement en marge de l’histoire que la tension a mis du temps à monter. En effet, l’auteur s’attelle plus à créer un lien entre Adel, Laure, Maxime et Paul que de nous attirer directement dans le panier à crabe. Je peux comprendre l’intérêt pour convaincre le lecteur de la volonté de l’écrivain d’enquêter. Toutefois, ces liens n’ayant pas d’autres impacts sur la suite de l’histoire une fois le phare atteint, j’aurai préféré en venir plus vite au fait. Si j’ai pris un peu de plaisir dans la seconde partie, les scènes horrifiques m’ont laissée de marbre. On se trouve devant des ambiances et des décors basiques qui devraient convenir aux amateurs du genre.

La plume d’Arnaud Codeville n’a pas réussi à me submerger et à m’entraîner dans une spirale infernale vers les abîmes aquatiques. La structure du roman et les tropes sont bien exploités. Ça fait son job en matière d’horreur. Je ne peux pas contester la logique et la cohérence du récit. C’est juste que je n’ai pas accroché.

En bref, La tour de Sélénite expose une histoire horrifique comme il y en a bien d’autres utilisant un phare. Le roman dresse la tempête avec douceur avant de précipiter le lecteur au cœur du typhon. Les bases du genre sont présentes, mais je n’ai été harponnée ni par les personnages ni par l’ambiance humide et glaciale propre à l’endroit où se déroule l’intrigue.  

























Gold Rush de Sam Cornell

  • Titre : Gold Rush
  • Auteur : Sam Cornell
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégories : horreur, fantastique

Ayant apprécié La collision des mondes, j’ai de suite été attirée par la nouvelle production de Sam Cornell. Je remercie Livr’S Éditions pour ce cadeau et l’auteur de m’avoir contactée. L’intérêt porté à mon humble blog me touche énormément. Dans les instants de doute, je me souviens de votre présence et de vos paroles. Ça me boost. Bon, je laisse de côté le moment marshmallow pour vous présenter ce petit lingot qui m’a transporté le temps de quelques pages dans des contrées lointaines.

Alors que les tuniques bleues traquent Crazy Horse et Sitting Bull, un événement terrible se produit dans les Black Hills. Quelque chose d’horrible, d’innommable et d’incroyable.

Gold Rush nous plonge en pleine guerre de territoire, en 1876. À la suite à la crise économique, de nombreux Américains brisent le traité de Fort Laramie et les Amérindiens ripostent face à l’envahisseur qui souille leurs terres sacrées pour une poignée de pépites. Le récit débute par l’interrogatoire de notre narrateur, un métis, qui suivait les troupes américaines en tant que traducteur. Personne ne croira ce dont il a été témoin. Après un commencement lent qui dépeint le contexte (bienvenue pour les incultes du Far West comme moi), l’histoire nous happe tels les marécages dans lesquels les chevaux s’embourbent. Bon, la métaphore liée au décor de la novella n’est pas top, mais vous voyez le sentiment : c’est prenant au point de ne pas savoir sortir la tête de l’intrigue.

La troupe rencontre un village de Lakotas sur son chemin. Affamés, éreintés par le temps peu clément des collines, le capitaine Mills et le traducteur le rejoignent afin de demander sans possibilité de refus, des vivres pour les hommes. On ressent la tension des échanges avec le chef sioux qui leur met sous le nez les injustices des dirigeants blancs.

Sam Cornell n’élabore pas un simple récit d’horreur sur fond historique. Il se sert de la trame pour porter des messages forts et dénonce les actes terribles perpétrés par les Américains pour une question de territoire. Comme si ce continent n’était pas assez vaste pour accueillir tout le monde.

Le racisme a sa part belle, comme la déshumanisation des Amérindiens par les Blancs. Rappelons que les Américains parquaient comme des bœufs des êtres humains dans des réserves naturelles. Non seulement ils leur enlevaient des droits, mais également la liberté et la dignité. On y retrouve aussi les exactions des hommes, dits civilisés, qui violaient les femmes. Des horreurs qui me répugnent bien plus que les monstres ancestraux que l’auteur fait surgir.

Des monstres tapis dans l’ombre des Black Hills et qu’on ne devrait jamais réveiller. Un monstre qui s’éloigne des créatures classiques, légendaires pour revêtir les visions de l’angoisse. Bien que je n’aie pas tremblé devant elle, j’ai adoré cette incarnation de la peur, la manière dont elle se déploie et rampe vers les esprits pour les capturer.

Beaucoup le désignent comme lovecraftien. J’ose avouer que je n’ai lu qu’un seul ouvrage de ce romancier, et je ne l’ai pas apprécié, contrairement aux œuvres de Sam Cornell. Donnez-lui sa chance, si vous êtes comme moi.

En bref, Gold Rush expose les horreurs humaines sur fond de ruée vers l’or. Une confrontation entre deux civilisations, l’une qui se bat par avidité, l’autre pour conserver sa liberté. Le tout mené dans un récit court, prenant et convaincant qui ne laisse personne indemne.

Sans nouvelles (anthologie)

  • Titre : Sans nouvelles
  • Auteur.rices : Alexys Méan, Christelle Colpaert Soufflet, Geoffrey Claustriaux, Graham Masterton, Hélène Duc, Marine Stengel
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégories : nouvelles, horreur

Sans nouvelles est une anthologie centrée sur le thème de la disparition dans le genre de l’horreur. Je l’ai eu en cadeau lors d’une précommande ce printemps. L’éditrice et autrice, Émilie Ansciaux, a par moment, des coups de folie en créant des packs ou des promotions avantageux. 

Le recueil regroupe six textes aux plumes diverses qui empruntent majoritairement au fantastique où légendes, fantômes et monstres se côtoient. Seul Enquête en sang trouble d’Hélène Duc reste dans la réalité sordide en explorant une part de l’humanité qui sévit sans une once de remord. 

Petit tour de mon top trois : 

La boîte de Marine Stengel. 

L’autrice fait partie des Plumes de l’imaginaire qui dort encore dans ma liseuse. C’est avec ce court texte que je découvre son écriture et son univers. La nouvelle est prenante dès le départ. Phoebe se réveille dans un caisson. Vous imaginez l’horreur ? Est-elle enterrée vivante? Enfermée par un fou furieux ? La vérité est bien pire que ça ! L’écrivaine donne des détails de la situation avec parcimonie. Un peu comme si nous étions Phoebe elle-même. Nous appréhendons le contexte, le décor, la douleur, pas à pas, telle une lampe torche qui éclaire des pans de la grotte avant que notre esprit ne reforme les morceaux du puzzle. En ouvrant cette boîte de Pandore, la romancière nous montre l’horreur humaine dans toute son ignominie. Celle qui n’agit pas dans l’ombre, qui est soutenue par les plus grands sous le couvert de valeur et de solidarité. En 2022, ce récit a une résonance encore plus profonde et significative. L’expression la réalité rejoint la science-fiction sonne terriblement vraie. 

Au cœur de l’horizon de Geoffrey Claustriaux

Fred (14 ans) garde sa cousine Fanny (8 ans) quand ils sont enlevés et emmenés sur un paquebot. Pourquoi ? Où vont-ils? Que va-t-il leur arriver ? Les réponses à ces questions sont aussi ingénieuses qu’effrayantes. L’auteur a judicieusement employé une triste problématique sociétale pour nous transporter dans l’horreur, car la mésaventure que vivent les cousins est le résultat d’un excès, du paroxysme, d’une obsession insatiable que cette réalité engendre. Mes propos restent flous, je le sais. Ils vous ennuient peut-être, vous pensez sans doute que ce n’est que du charabia et je m’en excuse. Je ne peux pas révéler le sujet sur lequel repose cette intrigue parce que ça gâcherait son effet. Je l’ai tellement adoré que j’ai peur de dire le mot de trop. 

Sous les draps de Graham Masterton

Après La maison aux cent murmures, il s’agit de mon second contact avec le romancier qui est aussi le parrain de cette anthologie. Martin est un enfant à l’imagination abondante. Chaque nuit, il s’invente une nouvelle vie. Cette fois, il endosse le rôle d’un spéléologue à la recherche d’un gamin égaré. Sa plongée dans les profondeurs du lit l’emmène dans des mondes parallèles où le mal rôde. Au départ, cette nouvelle ressemble franchement à un récit jeunesse par son côté innocent et aventureux. Toutefois, il glisse vers une prose plus philosophique. Si les monstres sont répugnants et dangereux, le texte nous entraîne dans un univers onirique proche du cauchemar. C’est une sensation d’étrangeté qui m’a suivie plutôt que l’angoisse, même si la fin renoue avec l’horreur avec brio. Le dernier paragraphe est d’ailleurs bien mené. 

En bref, Sans nouvelles est une anthologie intéressante lorsque l’on désire découvrir le genre de l’horreur. Certaines nouvelles restent classiques quand d’autres nous emmènent dans des récits plus originaux et atypiques où les créatures de l’ombre revêtent parfois une peau humaine. 

La maison aux cent murmures

  • Titre : La maison aux cent murmures
  • Auteur : Graham Masterton
  • Éditeur : Livr’S Éditions
  • Catégorie : horreur

La maison aux cent murmures est un roman d’horreur fantastique qui se déroule en Angleterre. Très vite, il m’a fait penser au film Les autres avec Nicole Kidman en raison des fameux murmures et de la coexistence entre des humains et des présences invisibles. Le parallèle s’arrête à mesure que l’on entre dans les explications touchant à l’histoire et au folklore.

Herbet Russel n’aurait jamais dû revenir. Il savait, pourtant, qu’il devait éviter Allhallows Hall les nuits de pleine lune. Livres de compte en main, il est assassiné d’un coup sur la tête. Ses enfants, Rob, Grâce et Martin, se rejoignent dans le manoir familial pour entendre les mentions testamentaires. Croyant pouvoir se débarrasser de la demeure rapidement, ils apprennent qu’elle est remise à un fiduciaire pendant treize ans, soit jusqu’à la majorité de Timmy le gamin de cinq ans de Rob et Vicky. Atterrés, les parents ne sont pas au bout de leur peine, car Timmy disparait mystérieusement. Les recherches dans la maison, dans le village de Sampford Spiney et les landes ne donnent rien. Les Chuchoteurs d’Allhallows Hall semblent savoir ce qu’il se passe. Toutefois, le mal qui dort les terrifie bien trop pour les aider. Quel démon rôde derrière les lambris de la maison ? Et pourquoi les premiers propriétaires ont-ils érigé un vitrail en l’honneur d’Old Dewer, le diable aux chiens ?

Au départ, le récit ressemble à de nombreuses histoires d’horreur basées sur la maison hantée. L’ensemble des ingrédients y sont : un meurtre violent, une disparition soudaine et mystérieuse, des murmures angoissants, des monstres sous les lits, un chien qui sent le danger et ne veut pas entrer dans un manoir obscur…le tout dans une atmosphère des campagnes anglaises où le brouillard et le mauvais temps confèrent une ambiance sombre et anxiogène. Le roman devient intéressant dans la seconde moitié, lorsque les explications commencent à étayer ce que cachent les murs d’Allhallows Hall.

L’univers de Graham Masterton est construit sur le folklore local et des éléments historiques. Les légendes émaillent le texte allant du chasseur maudit, à la dame blanche en passant par les Piskies. Ainsi, nous plongeons dans les méfaits d’Old Dewer, le diable des landes qui emportent les enfants perdus et non baptisés. D’abord incrédules, Rob, Vicky et les autres se tournent vers l’historien amateur John Kipling, la charmeuse Ada Grey et le glaneur Francis Coade pour retrouver Timmy. Ces trois allient leurs connaissances et leurs savoirs-faires pour contrer l’entité malfaisante de la maison. J’ai adoré découvrir les lois de la sorcellerie et du druidisme élaboré par l’auteur. La magie et les éléments historiques (dont je vais taire la nature) sont les points forts de ce roman.

Les personnages principaux (j’entends par-là les enfants Russel) se sont révélés insipides. Dans les premiers chapitres, ils sont décrits de façon sommaire avec des caractéristiques détestables qui ne sont même pas exploitées par la suite. Par exemple, Rob lâche des propos sexistes à la limite de l’homophobie, mais on ne revient pas du tout sur ça par après. Martin est le stéréotype de l’employé de la City et sa femme Katharine celui de la petite bourgeoise et épouse parfaite. Ce côté caricatural se retrouve également dans les méchants chuchoteurs. Ada et Francis sauvent le panier des personnages des oubliettes, même si à un moment donné, j’ai été un peu exaspérée par le caractère prolixe de Francis. Son érudition et sa passion sont indubitables. Toutefois, on finit par sentir que l’étalage de ses connaissances sert à faire avancer l’histoire. On voit les ficelles scénaristiques en somme.

Outre l’esquisse dérangeante des personnages, une scène en particulier m’a rebutée, car elle n’apporte rien au récit. Ce passage se situant assez loin dans le roman, vous pouvez sauter ce paragraphe si vous le souhaitez. Il s’agit du viol d’un personnage féminin, qui sert uniquement de gadget terrifiant pour faire monter la tension du lecteur. Je ne peux le percevoir autrement parce qu’il n’impacte aucunement le déroulement de l’histoire et l’évolution psychologique de la victime. Je ne lis pas beaucoup de textes d’horreur, mais j’ai souvent l’impression que le viol est une solution de facilité qui devrait être bannie si elle ne sert pas à la construction et à la cohérence du roman.

Le thème principal de La maison aux cent murmures est la disparition d’un enfant et la manière de gérer les émotions qui y sont liées. Comment peut-on survivre à ça ? Et si l’enfant n’est pas retrouvé, comment peut-on renoncer ? Les réponses à ces questions découlent des actions de Rob et Vicky qui sont déterminés à rester sur place malgré l’angoisse que la maison intensifie. Ils n’hésitent pas à explorer les chemins surnaturels, à utiliser tous les moyens pour retrouver Timmy. Le second sujet concerne la notion du temps et de ses impacts. Je ne vais pas m’éterniser sur la question pour éviter d’en divulguer trop. C’est une part importante de l’intrigue.

Cette histoire de disparition, de magie noire et de maison hantée est servie par une plume fluide et simple. Les descriptions de l’auteur remplissent leur job pour brosser l’aspect angoissant et maussade d’Allhallows Hall et de ses environs, comme on peut s’y attendre de ce type de livre. Dans les passages violents, il n’use d’aucun filtre. Il ne surdose pas la couche d’hémoglobine et d’os qui craquent pour le plaisir. Ces scènes sont, crues, courtes et efficaces.

En bref, La maison aux cent murmures fut une lecture en demi-teinte. Débutant comme tout classique du genre du manoir hanté, le roman s’en détache par l’univers fantastique dans lequel il nous plonge progressivement. J’ai adoré l’exploitation des légendes locales et de la mythologie celtique qui sauve le récit à mes yeux. Dommage que les personnages principaux manquaient autant de substances et tiraient sur la caricature pour certains.

The Dead House de Dawn Kurtagich

  • Titre : The Dead House
  • Autrice : Dawn Kurtagich
  • Éditeur : Éditions du Chat Noir
  • Catégorie : Horreur

Au cours de mon exploration du genre de l’horreur, j’ai sorti de ma pal, The Dead House de Dawn Kurtagich dont le résumé m’avait intrigué. Le livre en lui-même est un petit bijou éditorial. Les Éditions du Chat noir ont apporté un grand soin à l’élaboration de la version papier pour immerger le lecteur dans ce récit obscur.  

Depuis la mort de ses parents, Carly Johnson est internée à l’Hôpital psychiatrique pour mineurs de Claydon. Elle y est soignée pour un trouble de l’identité. Carly est la Fille de la Lumière. Lorsque la nuit survient, la bascule se produit et sa personnalité est remplacée par Kaitlyn, la Fille de la Fuit, la Fille de Nulle Part. L’institut leur permet de vivre une scolarité normale au Lycée Elmbridge avec lequel il a un accord. La thérapie se déroule sans trop d’accrocs, jusqu’au jour où l’irréparable se produit : Carly disparaît. Que va devenir Kaitlyn ?

Je ne possède pas une grande connaissance dans les livres d’horreur. Pourtant, j’ai l’impression que la structure de ce roman est atypique dans ce genre. Il est articulé en rapport d’enquête rassemblant les témoignages et les preuves qui permettent de reconstituer l’incident Johnson. Vingt ans après l’incendie du Lycée Elmbridge qui a couté la vie à trois adolescents, la découverte du journal de Kaitlyn Johnson dans le grenier de l’école dévoile un nouveau pan de cette tragédie. On retrace les événements qui ont précédé le drame à l’aide de ces écrits, des vidéos de son amie Naida, des enregistrements des thérapies avec la Doctoresse Lansing et les mails échangés avec Ari Hait.

Dawn Kurtagich revisite le trope de la maison hantée avec originalité. Si j’ai d’abord cru qu’elle prenait l’école comme le lieu maudit, on se rend compte que la notion se rapporte à une autre maison : celle du corps et de l’esprit. The Dead House se matérialise dans Carly/Kaitlyn qui est dominée par l’angoisse. Crainte qui apparaît sous la forme d’une demeure sombre au sommet d’une falaise escarpée. À travers ce récit, nous entrons dans l’intimité la plus profonde de l’âme humaine, dans ses abysses labyrinthiques. En introduisant la notion de magie, la romancière gomme les frontières entre la raison et l’imaginaire, entre la réalité et le cauchemar, si bien qu’un sentiment de confusion s’insinue dans l’esprit du lecteur. J’adore les récits fantastiques, j’ai envie de croire en le mala pratiqué par Naida, en l’étrangeté qui se produit dans la cave et le grenier, en cette inversion des âmes dans le corps de la fille Johnson. Pourtant, le texte me fait douter par les éléments, des indices, des propos éparpillés dans le rapport : est-ce que tout ça est réellement arrivé ? N’est-ce pas simplement le fait d’une hystérie collective ? Une alliance d’êtres fragiles et dérangés qui a mal tourné ?

La réponse ne sera jamais donnée par Dawn Kurtagich. Elle laisse cette interrogation en suspens telles les enquêtes obscures dont les conclusions restent à jamais la somme de suppositions.

J’ai été happée par la plume de l’autrice, sa manière de tricoter l’intrigue. L’histoire en soi, n’est pas foncièrement originale, mais son écriture a ce pouvoir d’emprisonner les lecteur.rices.

La construction de Kaitlyn m’a subjuguée. Fière et forte, elle incarne l’adolescente rebelle par essence, d’autant plus qu’elle est privée du jour, de la vie normale, de la possibilité de se faire des amis solaires. Cette vie nocturne devrait la rendre jalouse de Carly. Toutefois, elle en est dépendante et lui porte un respect à elle et « son corps ». Au moment de la disparition de cette sœur diurne, Kaitlyn vacille, son état mental sombre peu à peu dans la crainte, la folie. Elle pouvait survivre à la solitude avec Carly. Sans elle, la solitude l’écorche vive au point de s’ouvrir à Naida et Ari Hait.

Naida est du genre survoltée. Passionnée par le journalisme, elle se lance dans des reportages vidéo pour son cours de sociologie. Ses enregistrements sont repris dans le rapport d’enquêtes. Naida n’est pas une simple adolescente pleine d’énergie. Elle pratique aussi le Mala, magie écossaise (inventée par Dawn Kurtagich) qui est un héritage familial. Lorsque Carly disparaît, elle reconnait les signes d’un sorcier obscur et enquête pour la retrouver.

Ari Hait est le nouveau. Élève taciturne et solitaire, il se promène la nuit dans l’école et sa chapelle où il rencontre Kaitlyn d’une façon incongrue. Très vite, il se rapproche l’un de l’autre. Cette relation sort la Fille de Nulle Part de sa solitude nocturne, mais pas assez pour éviter sa descente aux enfers.

En bref, The Dead House est un roman addictif qui exploite de manière fantastique le syndrome du trouble de l’identité (TDI). J’ai adoré la structure originale sous forme de rapport d’enquête qui joue sur la multiplicité des points de vue pour aborder l’incident Johnson. La rupture mentale de Kaitlyn est menée d’une main de maître.